Le financement immobilier est perturbé ces dernières semaines par la hausse brutale des taux d'intérêt, elle-même consécutive au contexte géopolitique. Alors qu'elles doivent appliquer strictement les normes du crédit, les banques sont de plus en plus regardantes sur la qualité des dossiers, ajoutant à l'exigence d'apport personnel et à l'épargne résiduelle, entre autres critères d'octrois, la performance énergétique du logement financé par le crédit et sa distance par rapport au lieu de travail.
Durcissement de l'accès au crédit immobilier
Encore très bas en janvier 2022, les taux d'emprunt ont pris l'ascenseur depuis l'enclenchement de la guerre en Ukraine. La hausse brutale de l'inflation et la remontée significative du principal emprunt obligataire de l'État français (OAT 10 ans), deux phénomènes consécutifs au conflit armé entre l’Ukraine et la Russie, modifient drastiquement les conditions de financement des projets immobiliers.
Impossible désormais de s'endetter sous la barre de 1% (hors assurance et coût des sûretés), le taux sur 20 ans oscille actuellement entre 1,35% et 1,45%. Sur toutes les durées, les banques ont rehaussé leurs barèmes de 50 points de base en réaction au contexte géopolitique et monétaire.
Cette situation s'inscrit dans le cadre rigoureux d'octroi des crédits immobiliers aux particuliers voulu par les autorités financières. Depuis janvier 2021, le taux d'endettement est limité à 35% des revenus nets de l'emprunteur, avant impôt et assurance de prêt incluse, et la durée de remboursement ne peut excéder 25 ans (voire 27 ans en cas d'achat dans le neuf). L'accès au crédit immobilier se resserre, les banques voulant éviter les défauts de paiement, alors que le pouvoir d’achat des ménages est en souffrance.
Avoir des revenus confortables, une situation professionnelle stable et de l'ancienneté ne suffit plus pour gagner la confiance du banquier. L'exigence d'apport personnel s'est renforcée : la mise de départ équivaut dorénavant à près de 20% du coût total de l'opération (apport et crédit additionnés), soit une progression sans précédent de 78% sur un an. Le réseau de courtage Finance Conseil a calculé que le montant moyen de l'apport personnel a atteint 52 594€ début 2022 contre 29 405€ l'an dernier.
Les emprunteurs sont par ailleurs encouragés à ne pas mettre tous leurs œufs dans le même panier et de conserver une épargne résiduelle qui permet, le cas échéant, de pallier un coup dur ou d'avoir la capacité de contracter un prêt à la consommation pour financer un achat imprévu mais nécessaire. Selon l'établissement bancaire, l'épargne après projet correspond à 4 à 6 mensualités du crédit immobilier.
Les critères liés au logement
Les caractéristiques du logement financé par le crédit ont également leur importance. Les banques sont de plus en plus attentives à la qualité du bien. Paramètre autrefois négligé, le DPE (Diagnostic de Performance Énergétique) a gagné ses galons depuis l’entrée en vigueur de la nouvelle version en juillet dernier ; les prêteurs en tiennent compte désormais.
Souvent pénalisés par un budget contraint, les jeunes actifs et les primo-accédants acquièrent des biens énergivores car plus abordables : à moins de réaliser des travaux de rénovation énergétique, ils ne peuvent faire face à une hausse des prix de l'énergie. Le crédit n'est accordé qu'à la seule condition qu'ils puissent intégrer les travaux dans leur plan de financement, sous réserve de rester dans les clous de l'endettement, tout en conservant un reste à vivre décent. Généralement, les banques accordent le crédit si le taux d’endettement se situe bien en-deçà de 35%, car cette clientèle n'a pas de marge de manœuvre suffisante.
Autre profil d'emprunteur pour qui le DPE revêt une importance cruciale : les investisseurs. Les passoires thermiques, à savoir les logements classés F ou G, n'étant plus autorisées à la location à l'horizon 2025 et 2028, les banques accordent des financements uniquement sous condition de travaux d'envergure.
Il est un autre critère que les banques considèrent à présent : l'éloignement du logement par rapport au lieu de travail. La raison relève de la simple logique économique : le carburant coûte de plus en plus cher et ce surcoût a un impact direct sur le budget des ménages. Une enquête France Info réalisée en mars dernier a calculé que les Français dépensent en moyenne près de 100€ de plus par mois pour leurs trajets domicile-travail par rapport à 2021. Cette charge supplémentaire est d'autant plus élevée que le logement est éloigné du lieu de travail.
Sur la base de demandes de prêt qu'il a eues à traiter, le courtier Vousfinancer estime qu'une distance de 50 km entre le domicile et le travail peut poser problème et conduit en général la banque à abaisser le taux d'endettement maximum à 30% pour absorber la dépense engendrée.
Après la solidité de leur profil, leur solvabilité et le montant de l'apport personnel, les emprunteurs doivent désormais renforcer la pertinence de leur projet immobilier : les travaux de qualité doivent entrer dans le plan de financement, sans qu'ils prennent une part excessive dans la valeur du bien, et la localisation du logement par rapport au lieu de travail ne doit pas surcharger outre mesure le budget transport du ménage.