Le taux de l'apport personnel a très nettement augmenté depuis le début de l'année. Le minimum nécessaire est désormais de 20% du montant d’une opération pour décrocher un emprunt immobilier. C'est une des conséquences des règles de l'endettement fixées par le Haut Conseil de Stabilité Financière. Malgré la baisse constante des taux d'intérêts, l'accès au crédit devient de plus en plus compliqué pour les ménages modestes et les jeunes actifs, d'autant que les prix des logements ne cessent d'augmenter.
Apport personnel élevé : le sésame pour emprunter
Selon le dernier rapport de l'Observatoire Crédit Logement, le taux de l'apport personnel dans le cadre d'un prêt immobilier n'a jamais été aussi élevé. Désormais il faut mettre sur la table une mise minimale de 19,5% pour financer un logement ancien, contre 17,8% un an plus tôt. Ce niveau est 31% supérieur à ce qu'il était fin 2019, alors le point le plus bas jamais observé.
L'augmentation du taux d'apport a été amorcée début 2020 avec la mise en œuvre des recommandations d'octroi émanant du Haut Conseil de Stabilité Financière (HCSF). L'encadrement des crédits immobiliers est devenu le marronnier des médias spécialisés face au bouleversement du marché en pleine crise sanitaire. Personne n’ignore aujourd’hui les barrières érigées pour éviter un emballement du crédit et un endettement excessif des ménages. En limitant le taux d'endettement à 33% dans un premier temps, à 35% un an plus tard, et la durée de remboursement à 25 ans (27 ans pour une acquisition dans le neuf avec jouissance du bien décalée), le régulateur a resserré l'accès au crédit, générant ainsi l'exclusion des profils les plus fragiles.
Même si le HCSF affirme que ces règles d'octroi n'entravent pas l'accès au crédit immobilier des ménages au regard du dynamisme presque insolent du marché, elles ostracisent les candidats à l'emprunt qui, faute d'apport suffisant, devaient jusqu'à présent s'endetter sur de longues durées (jusqu'à 30 ans), avec des taux d'intérêts les moins performants. C’est le cercle vicieux ! J’écope des conditions d’emprunt les moins attractives parce que le niveau de mes revenus et de mon épargne est faible.
La contribution personnelle de l'emprunteur redevient la condition sine qua non pour obtenir un crédit immobilier. Conjugué à la faiblesse des taux d'intérêt, l’apport personnel permet un recours moins intense à l'emprunt que par le passé. Après un rebond de 11% en 2020, le taux de l'apport personnel a continué sa progression, augmentant de 12,4% depuis le début de l'année 2021. Le marché du neuf est lui aussi touché par le phénomène, avec un taux qui s'établit désormais à 17,4% du montant d'une opération. Acheter un bien immobilier mobilise aujourd'hui 4,6 années de revenus contre 4,3 années il y a un an à la même époque.
Le caractère juridiquement contraignant des règles d'octroi à compter de janvier 2022 va sans doute contribuer à creuser le problème. Il ne sera alors plus permis aux banques de déroger aux limites imposées, sauf à la marge autorisée (20% de leur production trimestrielle à destination de la primo-accession et de l'acquisition de la résidence principale).
Accès au crédit : difficile pour les jeunes actifs et ceux détenteurs d'un premier crédit
Il en résulte une transformation du marché, avec la sortie actée des clientèles les moins bien dotées en apport. On parle des primo-accédants, généralement des jeunes ménages avec peu ou pas d'épargne étant donné qu'ils en sont au tout début de leur vie professionnelle. Couplée à la hausse des prix des logements et à la dégradation des aides à l'accession, cette évolution a joué un rôle dans l'érosion de la capacité des ménages à acheter.
Comme en témoigne la diminution de la surface achetable dans de nombreuses grandes villes. En un an, les acquéreurs ont perdu entre 0,2 et 3 mètres carrés à Strasbourg, Rennes, Brest, Nantes, Tours, Reims, Caen, Lille ou Le Havre, et jusqu'à 10m2 à Angers ou Mulhouse. Dans certaines de ces métropoles, l'augmentation des prix des logements se fait à deux chiffres :
- +10,4% à Nantes
- +11,8 % à Brest
- +11,9% à Lille
- +13,4% à Tours
- +14,4% à Strasbourg
- +15,8% à Angers.
Le fort rebond de prix et les dispositions imposées par le régulateur peuvent être légèrement compensés par le niveau historiquement bas des taux d'intérêts. Hors coût de l'assurance emprunteur, un prêt immobilier se négocie en moyenne sous la barre de 1% sur les durées allant jusqu'à 20 ans. Au-delà, c'est-à-dire 25 ans, soit la durée maximale fixée par le HCSF, les banques ont distribué en septembre des crédits au taux moyen de 1,16%.
Il n'empêche, même avec des revenus élevés, certains profils se retrouvent exclus du marché, par faute d'apport suffisant comme on vient de le voir, ou parce qu'ils détiennent un crédit sur un premier bien immobilier. Le cumul des dettes ne permet pas de rester dans les clous de l'endettement (35% des revenus nets), malgré un reste à vivre parfaitement décent.