Alors que la demande de prêts immobiliers explose en ce printemps 2021, les banques opèrent un serrage de vis qui entrave l'accès au crédit aux candidats les plus modestes. Un paradoxe en période de taux au plancher où l’on peut s’endetter à moindres frais, si ce n’était le coût de l’assurance emprunteur.
Taux extrêmement bas à la mi-mai
Selon l'Observatoire Crédit Logement, le taux moyen toutes durées confondues s'est établi à 1,07% en avril 2021 (hors assurance et coût des sûretés), contre 1,11% en mars 2021 qui égalisait alors le record de l'automne 2019. Depuis décembre dernier, le taux a perdu 9 points de base, une descente qui témoigne plus que jamais d'un contexte propice à l'achat immobilier malgré des prix des logements en hausse sur un an.
Dans le détail, en avril dernier, on s'endettait en moyenne à :
- 0,87% sur 15 ans
- 0,99% sur 20 ans
- 1,20% sur 25 ans.
Le mois de mai poursuit-il le mouvement ? Au mitan du mois, voici les taux proposés par les banques selon les profils d'emprunteurs (source Meilleurtaux) :
7 ans | 10 ans | 15 ans | 20 ans | 25 ans | |
Taux moyen | 0,65% | 0,75% | 0,90% | 1,10% | 1,35% |
Bon taux | 0,56% | 0,65% | 0,87% | 1,06% | 1,26% |
Très bon taux | 0,40% | 0,55% | 0,75% | 0,90% | 1,15% |
Excellent taux | 0,21% | 0,39% | 0,61% | 0,73% | 0,98% |
Pour les dossiers modestes, le taux sur 20 ans peut atteindre 2,25% (hors assurance), soit deux fois le taux moyen et trois fois l’offre la plus compétitive.
L'accès au crédit n'est pas le même pour tout le monde
Ces écarts illustrent la diversité des profils d'emprunteur. Les banques sont plus ou moins généreuses en fonction du dossier et des objectifs de production qu'elles se sont fixés. Certaines tirent les taux vers le bas pour capter le chaland, d'autres rehaussent leurs barèmes de quelques points pour reconstituer leurs marges. Dans tous les cas de figure, la vigilance est de mise, elle s'est même accrue en cette période de crise économique.
Les meilleurs profils, ceux avec des revenus confortables et pérennes, et un apport personnel minimum de 15% de l'opération, décrochent les meilleurs taux d'emprunt, autour de 0,80% sur 20 ans. Pour les candidats à l'emprunt fragilisés par la crise et ceux aux revenus modestes, l'accès au crédit et à des conditions intéressantes est nettement plus problématique. De mémoire de courtiers, jamais les écarts entre les bons dossiers et ceux moins bien dotés n'ont été aussi importants.
Les emprunteurs au chômage partiel sont pénalisés, mais peuvent obtenir le financement de leur projet immobilier au cas par cas sous réserve qu'ils aient de l'ancienneté et une épargne de précaution dans laquelle ils pourront puiser en cas de difficulté de paiement. On pense aussi aux actifs qui évoluent dans des secteurs sinistrés par la crise, comme l'hôtellerie-restauration, l'aérien, l'événementiel ou le tourisme. Pour eux, décrocher un prêt immobilier relève de la gageure, à moins que les curseurs soient poussés au maximum : un apport personnel de 30% minimum, une durée de remboursement la plus courte possible et un patrimoine mis en garantie. Autant dire que les élus sont peu nombreux.
Deux autres paramètres sont désormais étudiés par les banques :
- l'employabilité, soit la capacité de l'emprunteur à pouvoir retrouver rapidement un emploi en cas de chômage ;
- la qualité du bien financé par le crédit immobilier : si l'expertise à laquelle les banques ont de plus en plus recours révèle que le logement est mal coté sur l'échelle du DPE (Diagnostic de Performance Énergétique), le projet a des risques de passer aux oubliettes, à moins qu'une partie du capital emprunté, dans la limite du taux d’endettement, ne soit destinée aux travaux de rénovation.
L'assurance emprunteur : des exigences de garantie pénalisantes
En matière de crédit aux particuliers, les banques françaises n'ont pas le goût du risque, un réflexe atavique qui s'est renforcé à la faveur d'une crise économique sans précédent. Soumises depuis janvier 2020 aux règles d'octroi du régulateur (taux d'endettement limité à 35% des revenus nets et durée de remboursement à 25 ou 27 ans au plus), les banques font peser une nouvelle exigence à certains emprunteurs : la souscription à la garantie perte d'emploi, une couverture facultative contrairement aux garanties décès/invalidité et incapacité, qui sont, elles, obligatoires pour assurer la bonne fin du crédit immobilier.
Compte tenu des contraintes liées à sa mise en jeu (délai de carence et de franchise, indemnisation très partielle sur une durée courte), la garantie perte d'emploi se révèle peu pertinente voire inutile, d'autant que son coût est un réel obstacle : jusqu'à 1% du capital emprunté. Additionnée au coût des autres garanties, la prime de la garantie perte d'emploi alourdit considérablement le poids de l'assurance, et par capillarité celui du crédit immobilier.
Les banques abusent de leur position dominante pour imposer cette garantie superflue, ce qui leur permet de gonfler leurs marges sur un produit déjà fortement rémunérateur pour elles. Le piège se referme quand on sait que l'emprunteur ne peut s'en défaire en cours de prêt, étant tenu au respect de l'équivalence de garanties s'il veut changer de contrat d'assurance.