C'est l'euphorie sur le marché immobilier de l'avis des notaires. Malgré des prix des logements qui ne cessent d'augmenter, les taux d'intérêt historiquement bas permettent de s'endetter à moindres coûts. L'horizon laisse pourtant entrevoir des changements dans les semaines à venir. Des hausses sont déjà pratiquées par certaines banques, ce qui laisse craindre un effet ciseaux avec les taux de l'usure.
Un marché immobilier hyper dynamique
Jamais le marché de l'immobilier ancien ne s'est aussi bien porté. Le dernier indice des prix des logements anciens de l'Insee et des Notaires de France comptabilise un volume annuel de transactions exceptionnel : au premier trimestre 2021, le nombre de ventes réalisées au cours des douze derniers mois est évalué à 1 080 000 après 1 024 000 fin décembre, soit le plus haut niveau jamais observé depuis le début des années 2000.
Les Français se ruent sur la pierre en ces temps de crise sanitaire et économique qui modifie leur rapport au logement. Les confinements successifs, les restrictions de déplacement et la pratique désormais installée du télétravail incitent bon nombre de citadins à aller voir ailleurs si l'herbe est plus verte. La campagne et les zones moins densément peuplées séduisent de plus en plus d'urbains en quête d'espace et d'une meilleure qualité de vie.
Des prix immobiliers tirés vers le haut
L'appétit des Français pour l'immobilier se traduit par une hausse des prix des logements. Sur un an, toujours à fin mars 2021, les valeurs ont bondi de près de 6%, après avoir progressé de 6,4% au cours du quatrième trimestre 2020 et de 5,2% au troisième trimestre 2020.
Fait nouveau, ce sont les prix des maisons qui augmentent le plus, à +6,5% sur douze mois, contre +5,1% pour les appartements. Une inflation qui témoigne de l'engouement des acheteurs pour un habitat doté d'un extérieur, a fortiori d'un jardin. Selon la Chambre des Notaires du Grand Paris, "on n'est pas en face d'un tsunami mais d'une vague de fond, cette volonté de déménager devrait continuer pendant plusieurs années".
La progression des prix des maisons est plus marquée en Île-de-France : +7,1% sur un an contre +3,6% pour les appartements. En province, maisons et appartements boostent le marché à quasi-égalité avec des prix en hausse respectivement de 6,5% et de 6,3%. Les Notaires observent toutefois un léger ralentissement dans la progression des prix par rapport au dernier trimestre 2020. La hausse sur les 3 premiers mois de l'année 2021 s'affiche à 1,4% contre 2,4% fin 2020 par rapport au trimestre précédent.
Des taux toujours au plus bas
Conjugué à une épargne forcée très élevée, le niveau historiquement bas des taux d'emprunt favorise les projets immobiliers malgré ce contexte haussier. Selon les dernières données de l'Observatoire Crédit Logement/CSA, le taux moyen toutes durées confondues est confirmé à 1,7% en mai (hors assurance et coût des sûretés), équivalent au taux du mois précédent. Le taux moyen s'est stabilisé à son niveau le plus bas jamais observé jusqu'à présent.
En trimestre glissant, la production de crédits immobiliers explose : +55,7% en montant et +48,8% en nombre de prêts. Sur un an, le montant de la production reste positif à +0,7%, en revanche le nombre de prêts octroyés est légèrement en retrait (-0,2%). En dépit d'un contexte économique morose, dominé par l'incertitude, les banques continuent de répondre à la forte demande de financements immobiliers émanant des particuliers, en accordant des conditions hyper attractives, dans le respect des règles d’octroi imposées par l’autorité régulatrice depuis janvier 2020. Cela va-t-il continuer ?
Le spectre d'une hausse des taux
Les barèmes de taux reçus par les courtiers de la part de leurs partenaires bancaires font état d'ajustements çà et là. Chez le courtier Vousfinancer, on signale un saut moyen de +0,10%, quand d'autres établissements de crédit ont baissé leurs taux dans les mêmes proportions. En fonction de leurs politiques commerciales internes, les banques modulent les taux d'emprunt : les unes redressent leurs barèmes sur certaines durées et pour certains profils afin de réguler un flux de demande trop dense, les autres abaissent à la marge pour capter le chaland en cette période phare du calendrier immobilier.
Chez Meilleurtaux, la hausse des taux semble actée en raison des difficultés des banques à traiter la forte demande et du retard pris durant le dernier confinement. D'autant que la situation monétaire pousse le curseur vers le haut.
L'OAT 10 ans, l'emprunt obligataire de l'État français sur 10 ans, est repassé dans le vert ces dernières semaines, toujours proche de 0%, mais désormais positif après deux ans en négatif. Ajoutons la reprise de l'inflation dans la zone euro, à un taux de 2% sur un an fin mai, soit son plus haut niveau depuis octobre 2018 et le seuil maximum fixé par la Banque Centrale Européenne. En France, l'indice des prix s'est redressé à 1,6%, dans la moyenne des autres pays de la zone euro.
La remontée des taux des crédits immobiliers s'amorce donc doucement en lien avec la hausse de l'OAT 10 ans et le retour de l'inflation. Une mauvaise nouvelle pour certains candidats à l'emprunt qui pourraient voir leur projet immobilier bloqué par l'effet ciseaux. Quand les taux de l'usure très bas et les taux d'intérêt en hausse, même légère, se croisent, ceux qui peuvent s'endetter à la limite des plafonds admis sont pris en tenailles. Une situation qui plaide pour une révision du calcul de l'usure, dont le décalage temporel pénalise certains emprunteurs même solvables, notamment ceux qui, héritant de l'assurance de prêt la plus chère pour cause de risques de santé, voient le TAEG (Taux Annuel Effectif Global) de l’offre de prêt outrepasser le seuil légal autorisé.