L’octroi des crédits immobiliers est encadré depuis déjà trois ans. Les critères imposés aux banques sont stricts mais une marge de flexibilité leur est accordée à destination du financement de la résidence principale et des primo-accédants. Une souplesse que certains établissements n’utilisent pas, privilégiant les financements aux « bons clients ». Il n’en fallait pas moins pour écoper d’un rappel à l’ordre de la part du régulateur.
Normes d’octroi des crédits immobiliers
Fin décembre 2019, le Haut Conseil de Stabilité Financière (HCSF) a mis en place des critères d’octroi des prêts immobiliers, afin de prévenir une éventuelle surchauffe du marché alors marqué par une distribution de financements totalement décomplexée. Il n’était pas rare à l’époque d’emprunter au-delà des 35% d’endettement sur des durées très longues pouvant aller jusqu’à 35 ans. L’encadrement du crédit immobilier visait à mieux maîtriser les risques de défaut de paiement, la France étant pourtant exemplaire en la matière avec moins de 1% de prêts défaillants.
Dès le 1er janvier 2020, le HCSF a recommandé aux banques de respecter les 3 règles suivantes :
- Le taux d’endettement ou taux d’effort ne doit pas excéder 33% des revenus nets avant impôt (tous prêts confondus).
- La durée de remboursement est plafonnée à 25 ans.
- Le montant emprunté est limité à 7 années de revenus.
Les remontées du terrain ont conduit le régulateur à assouplir ces règles à partir du 1er janvier 2021 et à rehausser le taux d’endettement à 35% des revenus nets avant impôt, tout en incluant l’assurance emprunteur. La durée maximale de remboursement reste à 25 ans, mais peut aller jusqu’à 27 ans en cas d’achat dans le neuf (VEFA) ou de lourds travaux de rénovation (au moins 25% du coût total de l’opération) qui diffèrent la jouissance du bien. La dernière règle reste inchangée.
Dans un premier temps simples recommandations, ces règles deviennent des normes à partir du 1er janvier 2022 : l’encadrement du crédit immobilier est juridiquement imposé aux banques, c’est-à-dire qu’elles risquent des sanctions si elles sont prises en défaut.
Dès l’entrée en vigueur de ces critères d’octroi, le HCSF leur avait toutefois laissé une certaine flexibilité : les banques ont la possibilité de déroger aux normes à hauteur de 20% de leur production trimestrielle à la double condition que, dans ce volume, 80% des prêts hors des clous financent la résidence principale, et parmi eux, 30% concernent des primo-accédants.
Le crédit immobilier réservé aux ménages aisés
La mise en place de ces normes d’octroi obligatoires a recentré la production de crédits immobiliers vers les emprunteurs disposant de revenus confortables et d’un apport personnel conséquent, ceux qui peuvent s’endetter aux taux les plus bas sur les durées les moins longues.
Sont pénalisés les jeunes ménages qui débutent dans la vie active, avec peu ou sans épargne. La marge de flexibilité autorisée par le HCSF leur est destinée, elle doit permettre de faciliter l’accession à la propriété des ménages modestes, mais certaines banques ne joueraient pas le jeu.
Réuni mardi, le HCSF a estimé que les normes sont globalement respectées, mais regretté qu’une minorité d’établissements n’affecte pas la flexibilité qui leur est offerte vers le financement des résidences principales et des primo-accédants, privilégiant leurs clients premium. L’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR) a pris des « mesures de supervision à l’encontre des établissements non conformes ». Le HCSF a par ailleurs décidé de rehausser le taux de réserve de protection du crédit de 0,5% à 1% (coussin de fonds propres bancaires contra-cyclique) compte tenu de la persistance des risques financiers.
Dans son dernier rapport mensuel, l’Observatoire Crédit Logement/CSA témoigne de cet évincement des plus modestes, indiquant que les ménages faiblement dotés en apport personnel ou dont le niveau de revenus est insuffisant pour satisfaire aux exigences de taux d’effort rencontrent de plus en plus de difficultés pour accéder au crédit, ce qui entraîne un déplacement de la demande vers les tranches de revenus supérieures.
Peut-on en vouloir aux banques de cibler les meilleurs profils, alors que la plupart d’entre elles ferment le robinet du crédit à cause du taux d’usure qui fait toujours plus d’exclus ? Le régulateur passe sous silence l’irrésolu problème de l’usure, devenu en 2022 un frein à l’accession. Le mauvais paramétrage des taux d’usure, calculés sur une base trimestrielle, nécessite une réforme d’urgence que les autorités financières n’ont semble-t-il guère l’intention d’engager en 2023, malgré l’aveu du ministre du Logement Olivier Klein d’un réel dysfonctionnement du dispositif des taux légaux.