Les banques n'auront plus aucune liberté pour distribuer les crédits immobiliers aux particuliers. Les consignes édictées en janvier dernier deviendront bientôt les nouvelles normes obligatoires, les établissements qui ne les appliqueront pas pouvant être sanctionnés. Quelle est l'incidence de cette décision sur les ménages emprunteurs ?
Les règles d'emprunt imposées
Mardi 14 septembre, le Haut Conseil de Stabilité Financière (HCSF), instance placée sous l'égide de la Banque de France et du ministère de l'Économie, a décidé de rendre juridiquement opposables aux établissements bancaires les consignes relatives à la distribution des crédits immobiliers aux particuliers émises en janvier 2021. Rappelons ces deux règles fondamentales qui s'appliquent depuis cette date :
Taux d'endettement
La règle veut que le taux d’endettement ne dépasse pas 35% des revenus nets de l'emprunteur, assurance emprunteur incluse ; cette limite est dorénavant officielle. Vous ne pouvez avoir des mensualités de crédit supérieures à ce plafond, même si vous avez des revenus élevés qui vous permettent de vous endetter davantage, vous laissant un reste à vivre plus que confortable.
Durée de remboursement
Impossible d'emprunter au-delà de 25 ans, sauf si vous achetez dans le neuf, type achat en VEFA sur plan ou construction d'une maison neuve : dans ce cas, votre crédit immobilier peut courir sur 27 ans (2 ans de différé d'amortissement + 25 ans), la jouissance du bien intervenant après l’octroi du financement.
Ces deux limites préconisées depuis janvier 2021 deviennent la norme et vont être prochainement inscrites dans le marbre conformément à la décision du HCSF pour une application ferme à compter de janvier 2022. L'institution a en effet le pouvoir de fixer les conditions d'octroi de crédit en vertu de l'article L.631-2-1 du Code monétaire et financier. La charge de contrôler le respect de cette nouvelle réglementation et de sanctionner les banques prises en défaut revient à l'Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR).
Protéger les emprunteurs
Le ministère de l'Économie justifie l'insertion de ces limites dans les normes bancaires par la protection des consommateurs face à certains établissements qui pourraient se montrer trop généreux. En instaurant ce "garde-fou", l'objectif est de prévenir un endettement excessif des ménages emprunteurs, ainsi que d'éventuels défauts de paiement qui pourraient mettre en péril la stabilité des banques.
La vague de défauts de paiement que beaucoup ont craint avec la crise sanitaire et économique n'a heureusement pas eu lieu, mais la défaillance dans certaines banques comme la Société Générale ou le groupe BNP Paribas excédait les 5% en 2020. Dans une interview hier matin accordée à l'émission Télématin sur France 2, le gouverneur de la Banque de France François Villeroy de Galhau indiquait qu'il n'y avait pas eu d'augmentation des dossiers de surendettement et que les sept premiers mois de 2021 étaient même encourageants avec une baisse de 16% par rapport à la situation équivalente en 2019. Il a ajouté que “l’accès des ménages au crédit immobilier reste large”.
Les mesures de protection visent à empêcher la distribution de prêts trop longs avec un taux d'endettement outrepassant les 35%, comme cela était fréquent avant 2020.
Une marge de flexibilité accordée
Cette rigueur dans l'octroi des crédits immobiliers s'accompagne d'une certaine souplesse. Les banques peuvent s'affranchir des règles à hauteur de 20% de leur production trimestrielle à destination de la primo-accession et de l'acquisition de la résidence principale.
Depuis janvier 2021, les banques sont plutôt respectueuses des consignes, puisque seuls 20,9% des dossiers de crédit étaient hors normes selon les statistiques du HCSF de juillet dernier. Ce qui signifie qu'à peine 1% des crédits seraient aujourd'hui hors la loi ; cette proportion était de 41% fin 2020 et à 29% début 2021.
Les emprunteurs pénalisés ?
Pour les candidats à l'emprunt, ces règles visant à limiter le taux d'effort et la durée de remboursement ne changent en rien la donne, puisqu'elles s'appliquent déjà depuis le début de l'année. Pas de surprise donc, le régulateur avait d'ailleurs annoncé vouloir traduire juridiquement ses consignes au cours de l'été 2021. Seules les banques qui s'écarteront des bornes encoureront des pénalités.
L'application des consignes d'octroi ces derniers mois a pourtant montré un recentrage du crédit immobilier vers les clientèles les plus aisées. Les ménages qui peuvent mobiliser un apport personnel suffisant arrivent à rester dans les clous. En revanche, pour ceux qui achètent pour la première fois, généralement des jeunes actifs sans épargne, l'accès à la propriété est compliqué, entre les prix immobiliers qui ne cessent d'augmenter (+5% dans l'ancien en un an) et l'impossibilité de s'endetter au-delà de 25 ans.
Autres victimes, les investisseurs locatifs qui ne peuvent plus compter sur la méthode de calcul de l'endettement sur le différentiel, permettant de déduire les revenus des loyers des mensualités de crédit. Avec les règles d'octroi, leur taux d'effort est largement supérieur au seuil imposé. Le durcissement des règles d’octroi du crédit immobilier est un problème quand on sait que 60% du parc locatif est détenu par des bailleurs privés.
Les courtiers en crédit avaient soulevé ce phénomène d’exclusion des emprunteurs modestes et des investisseurs, réclamant la prise en compte du reste à vivre dans les bornes voulues par les autorités financières. La décision du HCSF du mardi 14 septembre entérine la recommandation de janvier 2021 et selon l’entourage du ministère de l’Économie, ces règles désormais obligatoires ont vocation à le rester pour longtemps.