Selon une information du journal Les Échos, le ministre de l’Économie Bruno serait prêt à assouplir les règles d’octroi du Haut Conseil de Stabilité Financière. Il s’est dit favorable à une proposition de réforme initiée par une vingtaine de députés visant à laisser les banques accorder des crédits selon leurs propres critères en toute sécurité. En parallèle, la Banque de France encourage les Français à « tester leur banquier » pour obtenir le financement d’un projet qui est souvent celui d’une vie.
Faciliter l’accès au crédit immobilier en 2024
Édictées fin 2019 avant la crise sanitaire, les règles du HCSF rigidifient la distribution de crédits immobiliers, entraînant dans leur sillage une crise sans précédent. Mises en place pour éviter une surchauffe sur le marché du crédit immobilier qui aurait potentiellement provoqué le surendettement de ménages emprunteurs et un déséquilibre pour les banques, ces normes doivent s’appliquer de manière stricte, les prêteurs étant passibles de sanctions si ils y dérogent hors de la marge de flexibilité admise.
Rappel des règles du HCSF
Placé sous l’égide du ministère de l’Économie et des Finances, le HCSF est chargé de veiller à la stabilité financière en France et de conduire la politique macroprudentielle en collaboration avec les institutions européennes. La faiblesse des taux d’intérêts entre fin 2016 et fin 2019 a dynamisé le marché du crédit immobilier, et permis à bon nombre de ménages d’accéder à la propriété en s’endettant parfois sur des durées très longues pouvant aller jusqu’à 35 ans.
Le régulateur met fin à ces dérives en instaurant des règles visant l’encadrement de la distribution des prêts à l’habitat :
- Le taux d’endettement ou taux d’effort est d’abord limité à 33% des revenus nets en janvier 2020, puis à 35% assurance comprise, à partir de janvier 2021.
- La durée de remboursement est plafonnée à 25 ans sauf exception dans le neuf (achat en VEFA) ou dans l’ancien sous condition de travaux où l’amortissement peut aller jusqu’à 27 ans.
Ces normes sont juridiquement opposables aux banques depuis janvier 2022. Impossible pour elles de s’en affranchir, sauf à la marge : 20% de leur production de crédits peuvent être octroyés à leurs propres conditions, à destination principalement de la primo-accession et de l’achat de la résidence principale.
Maigres mesures pour relancer le marché immobilier
Le montant total des prêts à l’habitat a chuté de 40% sur un an en 2023 et le début de l’année n’a pas inversé la tendance, bien au contraire. Le marché enregistre une baisse record des crédits accordés en janvier 2024. La sonnette d’alarme a pourtant été tirée il y a de longs mois par les professionnels du crédit et de l’immobilier, notamment les courtiers qui n’ont eu de cesse d’alerter les autorités financières de l’émergence d’une crise du logement.
Le marché a eu droit à 3 mesures cosmétiques de la Banque de France :
- Le différé d’amortissement jusqu’à 27 ans dans l'ancien est conditionné à une enveloppe de travaux de rénovation équivalente à au moins 10% du montant du prêt et non plus 25%.
- Le calcul du taux d’endettement se fait hors éventuelles charges d’intérêts d’un prêt relais.
- La possibilité de réexamen d'une demande de prêt refusée, sous réserve que le taux d’endettement respecte la norme.
Plus tôt courant 2023, la marge de flexibilité avait été quelque peu modifiée pour favoriser l’investissement et sa mesure effectuée non plus sur un trimestre mais sur 9 mois. Rien de fort pour relancer la machine, comme en attestent les derniers chiffres de la production de crédits immobiliers.
Prêter au-delà des 35% d’endettement
C’est dans ce contexte contraignant installé depuis trop longtemps qu’une vingtaine de députés de la majorité présidentielle (Modem, Renaissance et Horizons) a déposé fin janvier dernier une proposition de loi visant à compléter deux dispositions applicables au HCSF, afin d’en limiter les insuffisances constatées :
- Intégrer des élus dans le HCSF (un député et un sénateur) pour une gouvernance plus démocratique
- Supprimer la doctrine sur le taux d’effort maximum pour les dossiers où il n’y a aucun risque d’endettement massif pour le ménage.
Cette dernière proposition redonnerait aux banques leur pouvoir de décision, en leur permettant d’accorder des financements selon leurs propres critères dès lors que le ménage emprunteur dispose des capacités financières pour assumer un endettement au-delà de la norme. Elle redonnerait aussi sa place au reste à vivre, une notion dont ne tient pas compte le régulateur. Il est en effet incompréhensible de refuser un crédit en raison d’un taux d’effort outrepassant les 35% alors que le reste à vivre est suffisant voire très élevé.
Bruno Le Maire s’est dit favorable à cette réforme du HCSF et le ministre en charge du Logement Guillaume Kasbarian a pour sa part admis la « regarder avec bienveillance ».
Pas de pénurie d'offres : testez votre banquier !
De son côté, dans une récente interview sur l’antenne de France Info, François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France et membre du HCSF, affirme qu’il n’y a pas de problème d’offre de crédit. Selon lui, les banques seraient de nouveau prêtes à accorder des crédits, les difficultés du secteur ne se limitant pas aux conditions de financement. Faut-il comprendre que les banques étaient jusqu’à présent réticentes à prêter ?
Le contexte monétaire s’est stabilisé ces dernières semaines en lien avec la maîtrise de l’inflation, et pourrait bénéficier d’une baisse des taux directeurs de la Banque Centrale Européenne d’ici juin prochain. En témoigne le retour de la révision trimestrielle du taux d’usure, mensualisé entre février et décembre 2023 pour pallier les conséquences de la remontée brutale des taux d’emprunt. Les banques renouent enfin avec la profitabilité sur les nouveaux prêts après dix-huit mois de disette.
Les chiffres très décevants de la production de crédits en janvier 2024 seraient dus à l’attentisme des Français, pour qui l’espoir d’une baisse des prix significative n’est pas le seul frein au passage à l’acte. Le gouverneur de la BdF les encourage à « tester leur banquier », car « les banques se sont remises en position de faire des crédits immobiliers ».
Sur le terrain, les taux s’affichent en baisse depuis janvier, avec des valeurs actuelles sous les 4% sur la durée de 20 ans (hors assurance emprunteur et coût des sûretés).