Lundi 4 décembre se tenait la réunion trimestrielle du Haut Conseil de Stabilité Financière, organe placé sous l’égide de Bercy et de la Banque de France. Le sujet brûlant : l’accès au crédit immobilier alors que les ventes s’effondrent dangereusement depuis plus d’un an. En cause : des règles d’octroi trop rigides qui convient d’assouplir pour éviter les refus à des emprunteurs solvables. La Banque de France lâche un peu de lest avec 3 mesures cosmétiques qui ne risquent guère de faire bouger les lignes et qui illustrent si besoin est le déni du gouvernement sur la crise immobilière 2023.
3 mesures a minima pour fluidifier l’accès au crédit immobilier
À l’issue de la réunion périodique du Haut Conseil de Stabilité Financière, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire a annoncé fièrement la mise en place de 3 ajustements techniques à la norme afin de relancer le marché du crédit immobilier :
Différé de remboursement en cas de travaux
La norme actuelle plafonne la durée de remboursement à 25 ans, avec une dérogation possible jusqu’à 27 ans dans les deux cas suivants, quand l’entrée en jouissance du bien est décalée par rapport à l’octroi du crédit :
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crédit destiné à financer un achat en VEFA (Vente en l’État Futur d’Achèvement)
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crédit destiné à financer un bien immobilier ancien donnant lieu à des travaux de rénovation dont le montant représente au moins 25% du coût total de l’opération.
Pour favoriser les travaux de rénovation énergétique, le HCSF abaisse ce taux de 25% à 10% permettant de prendre en compte la possibilité d’un différé d’amortissement.
Calcul du taux d’endettement hors prêt-relais
La charge d’intérêts des prêts-relais n’entrera plus dans le calcul du taux d’endettement ou taux d’effort, lorsque la quotité de financement est inférieure ou égale à 80% de la valeur de mise en vente du bien immobilier.
Cela concerne uniquement 8% des prêts immobiliers, principalement des emprunteurs seniors, et étant donné que le prêt-relais fonctionne comme un prêt in fine, seuls les intérêts et les primes d’assurance emprunteur entrent habituellement dans le calcul du taux d’endettement.
Réexamen des refus de prêt immobilier
Le HCSF est favorable à la mise en place par la Fédération bancaire française (FBF) d’un dispositif offrant la possibilité d’un réexamen aux ménages solvables dont la demande de crédit aurait été refusée. Il s’agit d’objectiver les situations de refus : le candidat recalé pourra demander au médiateur bancaire pour quelles raisons sa demande n’a pas aboutie, ce qui pourra enclencher le cas échéant un nouvel examen. Quel emprunteur accueille la décision de refus de sa banque sans demander d'explications ?
Cette décision qui sera prochainement publiée au Journal Officiel vient amender celle du 29 septembre 2021 visant l’encadrement du crédit immobilier par la mise en place de règles d’octroi du HCSF imposées juridiquement aux banques de détail depuis janvier 2022.
Bercy dit vouloir assouplir les conditions d’octroi 2024 du crédit immobilier, mais on reste dubitatif quant à la volonté réelle des autorités d’accorder davantage de marges de manœuvres aux banques pour financer les projets d’accession à la propriété des ménages français. Plutôt qu’autoriser les prêteurs à dépasser à la marge le taux d’endettement quand le reste à vivre est plus que suffisant, on crée une nouvelle instance administrative pour examiner les refus bancaires.
Hors de question de toucher au taux d’endettement
Sans surprise, les 3 propositions des courtiers, émises à l’occasion de leur manifestation devant la BdF le 21 novembre dernier, n’ont pas été retenues. Parmi elles, calculer le taux d’endettement sur les 8 premières années du crédit, comme cela est déjà pratiqué pour le coût de l’assurance emprunteur depuis l’entrée en application de la loi Lemoine.
Il apparaît en effet frappé au coin du bon sens de considérer l’endettement sur 8 voire 10 ans, qui est la durée moyenne de détention d’un prêt immobilier. Il serait judicieux également de rétablir la notion de reste à vivre, largement aussi importante que le taux d’endettement quand il s’agit d’apprécier des capacités financières du ménage emprunteur. La BdF a toujours refusé de toucher au plafond de l’endettement, au prétexte de protéger les consommateurs. : il reste invariablement fixé à 35% des revenus nets avant impôt, assurance de prêt incluse.
Entre le ministre de l’Économie Bruno Le Maire qui se présente hypocritement comme le chantre du changement et le gouverneur de la BdF François Villeroy de Galhau qui agite sans vergogne l’épouvantail du surendettement, on dénie aux Français un droit légitime : l’accès au logement. En empêchant les ménages solvables d’accéder au crédit, le régulateur accentue les inégalités par le maintien de normes obsolètes qu’il tente coûte que coûte de justifier par une communication déconnectée du réel.