On pensait que le début de l’année allait marquer la relance du marché immobilier grâce à la baisse des taux d’intérêts et à la volonté des banques de redresser l'activité, lourdement sinistrée en 2023. Les chiffres de janvier indiquent le contraire. La production de crédits à l’habitat accuse une nouvelle chute, la baisse est même historique et témoigne d’une crise profonde qui pourrait s'installer durablement.
Nouvelle baisse de la production de crédits immobiliers
Selon les données de la Banque de France, le montant des nouveaux prêts immobiliers est tombé à 7,6 milliards d’euros, contre 8,2 milliards d’euros en décembre 2023. Depuis le printemps 2022, époque où l’on peut situer la remontée brutale des taux d’intérêts, la production de crédits à l’habitat, en termes de montant, a été divisée par trois. Du jamais vu depuis l’automne 2014, ce qui illustre le plein marasme dans lequel est tombé le marché immobilier ces dix-huit derniers mois.
Les signes de reprise que certains indicateurs pouvaient avancer ne sont donc pas encore perceptibles. Les données de la BdF portent sur des crédits signés en janvier, donc négociés en amont fin 2023. C’est aussi la raison pour laquelle l’institution observe une augmentation des taux moyens en janvier, à 4,17% (hors assurance emprunteur et coût des sûretés) contre 4,04% en décembre.
Des chiffres qui ne concordent pas avec ceux de l’Observatoire Crédit Logement/CSA. Les indicateurs de l’Observatoire mesurent la production de nouveaux crédits à l’habitat au moment de l’octroi de la garantie par Crédit Logement, principale société de cautionnement et partenaire des plus grandes enseignes bancaires, soit 2 à 3 mois avant la signature de l’offre de prêt. Le taux moyen s’est établi à 4,13% en janvier, contre 4,22% en décembre, et la demande de financement a enregistré un rebond de 8,5%.
Pour février, le taux moyen a de nouveau baissé, à 3,99% toutes durées confondues, la production des crédits immobiliers (montant) restant toujours inférieure en glissement annuel de 40,8% et le nombre de prêts accordés de 35,8%.
Pouvoir d’achat immobilier : -17,7% depuis décembre 2022
Il faut tout de même souligner les bonnes nouvelles pour emprunter en 2024 :
- Les taux ont à nouveau baissé en mars, affichant des valeurs sous les 4% pour la durée de 20 ans.
- Le taux d’usure renoue avec sa révision trimestrielle, signe d’une stabilisation des conditions monétaires.
- L’apport personnel exigé reflue lui aussi, tout en restant à un niveau très élevé.
- Les prix immobiliers se sont corrigés en moyenne de -4% sur l’ensemble de l’hexagone et continuent de refluer dans de nombreux territoires dont les 10 plus grandes villes et les zones rurales.
Il n’empêche, la reprise sera lente et poussive, suspendue à l’évolution de la stratégie monétaire dans l’UE et du contexte géopolitique mondial. L’immobilier reste un vœu pieux pour bon nombre de ménages, la hausse des taux depuis le printemps 2022 ayant pour le moins sapé le pouvoir d’achat. Il faudrait que les prix des logements reculent de 17% pour que la capacité d’emprunt des ménages retrouve son niveau de décembre 2022.
Immobilier : sortie de crise en 2024 ?
Le marché immobilier s’est gelé en 2023 et la phase de dégel attendue en 2024 est inévitablement liée à l’évolution des conditions d’emprunt. Les ventes reculent dangereusement, la construction neuve est à l’arrêt et les prix des logements, même s’ils se tassent, restent très élevés, excluant de l’accession à la propriété les jeunes actifs. Ceux qui ont emprunté avant la remontée des taux n’ont guère envie de vendre, de peur de ne pas décrocher un nouveau prêt ou à des conditions nettement moins avantageuses. Autant attendre des jours meilleurs.
Les pronostics sont toutefois optimistes pour la suite de l’année. Certains experts anticipent des taux d’intérêts autour de 3,50% à la mi-2024 et à 3,25% pour la fin de l’année. Autant spéculer sur les décisions de la Banque Centrale Européenne.
Hier, jeudi 7 mars, la BCE a décidé de maintenir ses taux directeurs à leur niveau actuel, soit leur plus haut niveau depuis la création de la monnaie unique, tout en révisant à la baisse ses prévisions de croissance et d’inflation pour 2024. À quel rythme opérer un desserrement de la politique monétaire, alors l’inflation tend vers son objectif des 2% et que l’économie montre des signes de faiblesse ? Plusieurs analystes tablent sur un début de baisse des taux à l’occasion de la réunion de la BCE le 6 juin prochain.