Le taux d’usure aura été un frein à l’accès au crédit immobilier en 2022. La décision de le réviser chaque mois au lieu de chaque trimestre devrait changer la donne pour de nombreux emprunteurs et permettre de relancer le marché de l’immobilier, entravé par la hausse continue des taux d’intérêts depuis mars dernier.
Rappel de la définition du taux d’usure
Le taux d’usure est le taux maximum auquel les banques peuvent accorder des crédits, prêts à la consommation comme prêts immobiliers. Ce taux maximum légal est révisé chaque trimestre par la Banque de France sur la base des taux moyens pratiqués par les banques de détail au cours des mois précédents, et augmentés d’un tiers. Il diffère selon le montant s’agissant des prêts à la consommation et de la durée de remboursement pour les crédits à l’habitat.
Dans le cadre d’un crédit immobilier, le taux d’usure renvoie au TAEG (Taux Annuel Effectif Global), taux qui exprime le coût final de l’emprunt car il intègre obligatoirement tous les frais annexes aux intérêts :
- les frais de dossier
- la garantie (hypothèque, privilège du prêteur de deniers, caution)
- l’assurance de prêt immobilier
- l’expertise du bien immobilier
- les frais d'ouverture et de tenue de compte si le prêt est souscrit dans une nouvelle banque
- les parts sociales en cas de prêt dans une banque mutualiste
- la commission de courtage le cas échéant.
Pour le 1er trimestre 2023, le taux d’usure est fixé :
- à 3,57% pour les crédits immobiliers d’une durée de 20 ans et plus
- à 3,53% pour les crédits immobiliers d’une durée comprise entre 10 ans et moins de 20 ans
- à 3,41% pour les crédits immobiliers d’une durée inférieure à 10 ans.
Créé en 1966 pour protéger les emprunteurs contre les pratiques abusives des banques, le plafonnement des taux se révèle désormais un frein à l’accession en privant bon nombre de foyers d’un financement bancaire pour leur projet immobilier.
Pourquoi le taux d’usure bloque-t-il le marché immobilier ?
Dès fin février et le déclenchement de la guerre en Ukraine, les conditions monétaires se sont dégradées : l’inflation s’est envolée, le taux de refinancement des banques commerciales est passé des 0% à 2,50% et l’OAT 10 ans, emprunt obligataire de l’État français sur 10 ans, augmente graduellement pour se situer désormais autour de 2,50%. Les taux d’intérêts des crédits immobiliers se calquent sur cette évolution ; ils sont passés de 1% en moyenne en janvier 2022 (hors assurance emprunteur et coût des sûretés) à 2,55% en janvier 2023 sur la durée classique de 20 ans. Les perspectives pour l’immobilier 2023 anticipent des taux à plus de 3% au cours du printemps.
Révisés à un rythme trimestriel, les taux d’usure ne suivent pas la progression des taux d’emprunt, ce qui provoque l’effet ciseau qui empêche les emprunteurs d’accéder au crédit immobilier en présence de taux d’emprunt en constante augmentation.
Les agences immobilières ont observé que les compromis de vente étaient davantage rompus en raison des refus de prêt, principalement liés au taux d’usure. Les banques elles-mêmes sont bloquées par l’usure, car la réglementation ne leur permet pas de s’adapter aux contraintes du marché monétaire pour dégager une profitabilité sur les nouveaux prêts immobiliers. Résultat, beaucoup avaient fermé le robinet du crédit en décembre 2022 en attendant le prochain relèvement des taux d’usure.
Début 2023, le problème reste entier. La hausse de l’usure au 1er janvier 2023 offre une fenêtre de tir aux ménages emprunteurs, mais se referme rapidement à mesure que les taux progressent. Malgré les appels incessants des courtiers et des acteurs de l’immobilier, la Banque de France a jusque-là refusé toute modification de la méthode de calcul des taux d’usure. Revirement de situation la semaine dernière : la piste d’une réforme se précise.
Mensualisation des taux d’usure
Après une pression sans relâche de la part des courtiers, la Banque de France accepte enfin de procéder à une révision mensuelle et non plus trimestrielle des taux d’usure des crédits immobiliers. Bien qu’on attende qu’elle soit officialisée, avec une date de mise en application, qu’on espère au plus tard le 1er mars 2023, cette décision aura un impact très important sur le marché immobilier. Des travaux doivent encore avoir lieu cette semaine entre la BdF et les représentants des banques et des courtiers.
En évoluant plus rapidement, les taux d’usure vont augmenter les chances d’accéder au crédit sur une fenêtre de tir qui ne se réduira plus à deux maigres semaines. Les hausses du taux maximum légal vont être plus légères même si les données resteront sur une base trimestrielle.
La révision mensuelle de l’usure va aussi renchérir le crédit, car les banques vont pouvoir de nouveau rentabiliser en rehaussant leurs barèmes. Mais même avec des taux à plus de 3%, le crédit immobilier redevient accessible. Mieux vaut emprunter à 3,50% avec une inflation autour de 5%, plutôt que de ne pas concrétiser son projet immobilier comme on le voit aujourd’hui avec des taux autour de 2,50%.
Morale de l’histoire : des milliers de ménages parfaitement solvables qui n’ont pu bénéficier de conditions d’emprunt bon marché en 2022 à cause de la réglementation obsolète des taux d’usure vont pouvoir accéder à un crédit immobilier devenu plus cher en 2023, et s’endetter plus lourdement. La France, qui est un des rares pays à appliquer des taux d’usure, n’est plus à un paradoxe près.