C'est historique : les encours de crédits immobiliers excèdent désormais 1 000 milliards d'euros. Un volume d'activité sans précédent, à mettre au compte des conditions d'emprunt qui n'ont jamais été aussi favorables. Cette situation inquiète le Haut Conseil de Stabilité Financière (HCSF) qui alerte sur l'endettement excessif des ménages.
Prix immobiliers et ventes en forte hausse
Dans son diagnostic des risques dans le secteur de l'immobilier résidentiel publié le 1er octobre, le HCSF analyse la dynamique du marché immobilier et les risques qu'elle fait peser à la fois sur les établissements de crédit et les ménages. Depuis 2015, les prix des logements sont en hausse et ont même atteint, fin 2018, leur point le plus élevé établi en 2011. Depuis fin 2017, la progression annuelle des prix est en moyenne de 3%, avec, on s'en doute, une évolution hétérogène à travers l'hexagone.
Les grandes agglomérations comme Bordeaux, Lyon, Nantes, Rennes et Toulouse, sans oublier Paris, concentrent cette inflation des prix immobiliers. Entre le 1er trimestre 2015 et le premier trimestre 2019, les prix dans l'ancien ont gagné 26,5% à Lyon, 22,5% à Paris, contre une moyenne de 9% en régions.
Le nombre record de transactions témoigne également de cette ardeur du marché de l'immobilier : 994 000 ventes dans l'ancien sur un an à fin mai 2019, largement au-dessus de la moyenne annuelle enregistrée au début des années 2000 (environ 800 000). Quant au marché du neuf, il recule depuis la seconde moitié de 2018 après avoir rejoint entre 2017 et 2018 le niveau historique de l'année 2007 (130 000 ventes annuelles).
Taux historiquement bas
La raison de cette activité exceptionnelle échoit aux taux d'intérêts qui n'ont jamais été aussi bas. Sous la barre de 2% en 2016, puis inférieur à 1,5% courant 2018, le taux moyen s'approche désormais de 1% (1,17% en août 2019 selon l'Observatoire Crédit Logement/CSA). La production de crédits à l'habitat est tirée vers le haut, la croissance annuelle avoisinant les 6% depuis juin 2017 contre 2,6% début 2015.
La baisse continue des taux a aussi eu pour effet de permettre à un grand nombre d'emprunteurs de renégocier leurs crédits, parfois à plusieurs reprises. Entre septembre 2016 et mars 2017, le volume des rachats de crédits immobiliers a même été supérieur à celui des nouveaux prêts (61,6% de la production de crédits). Depuis fin 2017, l'encours des rachats de prêts se stabilise en-dessous de 20%.
Hausse de l'endettement des ménages
Une épée de Damoclès pèse les ménages emprunteurs. En dépit des taux faibles et de l'allongement des durées d'emprunt, qui ont permis de limiter la hausse des prix des logements, la charge de remboursement s'est accrue. La probabilité étant minime que les taux aillent plus bas et que les maturités s'allongent encore, la part de revenus consacrée à la dette immobilière devrait s'aggraver. Entre fin 2017 et fin 2018, l'endettement des ménages français est passé de 92,8% de leur revenu disponible à 95,1%, soit le deuxième taux le plus élevé des pays de la zone euro. Cet endettement est constitué à 83% de crédits immobiliers. Les emprunteurs français restent pourtant protégés par une éventuelle remontée des taux, puisque l'immense majorité des crédits sont détenus à taux fixe (98,5% des nouveaux prêts en 2018).
Par ailleurs, un réajustement brutal des prix à la baisse aurait pour effet de réduire la valeur du patrimoine immobilier des emprunteurs et avec elle, leurs projections de revenus futurs. L'impact sur la consommation et donc sur l'économie en général, serait réel, même si le HCSF estime qu'il n'y a pas pour l'heure de signe clair de surévaluation des prix.
Les banques sont elles aussi touchées par ce contexte de taux bas. Les marges sur la production de crédits ont atteint un très faible niveau en 2016, engendré par le volume excessif des rachats et renégociations de prêts. Malgré une marge quasi nulle, les banques continuent d'accorder des financements et compensent le manque à gagner par la distribution d'autres produits comme les assurances emprunteurs. Une nouvelle vague de rachats ferait peser un risque financier aux établissements bancaires ; le scenario n’est heureusement guère plausible, puisque les prêts récemment émis ont bénéficié de taux fixes exceptionnellement bas.