La crise économique et sanitaire a renforcé la vigilance des banques en matière de financements immobiliers, mais ce sont davantage les recommandations d'octroi édictées par les autorités qui ont durci l'accès au crédit pour les primo-accédants. Une étude réalisée par le courtier Cafpi analyse le profil des emprunteurs qui achètent un premier bien immobilier. Non seulement il faut emprunter plus pour devenir propriétaire, mais le montant de l'apport personnel a lui aussi sensiblement augmenté.
Primo-accédant : principal acheteur immobilier
Dans son dernier observatoire des crédits, le courtier Cafpi évalue à 65% la part primo-accédants dans les acquéreurs immobiliers dont il a géré la demande de financement au cours du deuxième trimestre 2021. Autant dire que cette clientèle est essentielle pour ce professionnel et pour toute la chaîne de l'immobilier. Les accédants représentent 21% des acheteurs, et les investisseurs locatifs 12%, les 2% restant étant détenus par les autres types d'achats immobiliers (résidence secondaire, commerce,...).
Au deuxième trimestre 2020, les primo-accédants totalisaient 67% des dossiers montés : leur part a donc diminué de 2 points en un an.
Montant de l'emprunt et apport personnel en hausse
L'étude dresse le portrait de ces clients qui achètent leur première résidence principale. Le montant de l'emprunt moyen atteint 235 530€, soit une progression de 1,3% sur un an, et de 2,3% sur un trimestre, ce qui témoigne de la hausse des prix des logements partout en France. Il faut emprunter plus pour devenir acquéreur.
L'apport personnel augmente lui aussi, passant de 15,8% de l'opération au deuxième trimestre 2020 à 16,6% au deuxième trimestre 2021. Deux autres paramètres sont également poussés vers le haut (évolution sur un an au T2 2021):
- +0,3% pour le revenu annuel par famille (46 115€)
- +0,6% pour la durée initiale du prêt (283 mois).
L'endettement des primo-accédants représente désormais 5,37 années de revenus, soit près d'un mois de plus qu'au premier trimestre 2021. La part des dossiers de prêt immobilier à taux zéro a quant à elle reflué de 2,8 points, atteignant 14% au T2 2021 contre 16,8% au T2 2020. Ce recul est le signe d'un ralentissement de la construction neuve.
L'achat dans l'ancien est largement majoritaire à 83% des opérations, essentiellement pour une maison (60%) acquise en commun (58%).
La faute aux règles d'octroi
Depuis janvier 2020, la durée d'emprunt est devenue une des mesures contrôlées par le Haut Conseil de Stabilité Financière (HCSF). L'autorité de régulation a fixé cette durée à 25 ans maximum, pouvant aller jusqu'à 27 ans dans certains cas (achat dans le neuf avec jouissance du bien postérieure à l'octroi du crédit).
Impossible dès lors d'emprunter au-delà de cette limite. Les prêts sur 30 ans ont disparu, alors qu'ils offraient ces dernières années l'opportunité aux candidats disposant de faibles revenus et d'un apport réduit voire inexistant de pouvoir devenir propriétaires en s'endettant sur une longue durée.
Cette limitation est double puisqu'elle concerne aussi le taux d'endettement : les remboursements d'emprunt ne doivent pas excéder 35% des revenus nets.
Ces contraintes imposées à tous les emprunteurs les obligent à mobiliser davantage d'apport personnel, une démarche difficile pour les primo-accédants généralement peu pourvus. Les jeunes actifs sont le cœur de cette clientèle ; quand on débute dans la vie active, on n'a pas eu le temps de se constituer une épargne suffisante pour démarrer un projet immobilier.
Ce constat est le même que celui posé par l'Observatoire Crédit Logement qui analyse chaque mois la distribution des prêts immobiliers. Depuis la fin de l'année 2019, les ménages les plus modestes ont dû accroître sensiblement le niveau de l'apport personnel, alors qu'auparavant cette catégorie d'emprunteurs pouvait concrétiser un projet immobilier avec des taux d'apport très faibles.
Soutenir la demande de financement des plus faibles
Les taux bas ne permettent plus de compenser la baisse du pouvoir d'achat immobilier. Les primo-accédants se trouvent empêchés d'emprunter par la conjonction de la hausse des prix des logements et du resserrement des conditions d'octroi.
La période est d’autant plus critique pour les candidats les moins bien dotés que les recommandations émises par le HCSF ont été transposées dans la réglementation cet été. Les banques ne peuvent plus s’affranchir des règles qui sont devenues juridiquement contraignantes. La marge de flexibilité accordée concerne heureusement cette clientèle : 20% de la production trimestrielle de crédit sont à destination de la primo-accession et de la résidence principale. Ce n’est visiblement pas suffisant pour permettre au plus grand nombre de devenir propriétaire de son logement.
Philippe Taboret, directeur général adjoint de Cafpi, estime qu'il est primordial de relancer la politique du logement et d'accompagner les profils les plus fragiles par un renforcement des dispositifs existants (PTZ) et en remettant en place l'APL Accession.