Au-delà de l'aspect sanitaire qui est et doit être la principale préoccupation des Français, l'économie, dans quasiment tous ses aspects, est elle aussi touchée par le coronavirus. Commerces fermés, déplacements, approvisionnements, production et services au ralenti, l'épidémie a déjà un impact considérable sur l'activité du pays, et n’autorise, de surcroît, aucune visibilité. L'immobilier n'est pas épargné.
L'immobilier au ralenti
En période de crise, le repli sur soi est un réflexe connu, d’autant vérifiable aujourd'hui que la crise n'est pas financière comme en 2008 mais sanitaire, ce qui implique que chacun s'isole pour se préserver et préserver les autres. Les déplacements sont limités au strict minimum, pour acheter des provisions alimentaires, aller travailler ou se soigner. Comme tout autre secteur économique, l'immobilier va souffrir de l'épidémie de Covid-19 qui a commencé par frapper la Chine fin décembre et touche désormais la planète entière. Chaque branche repose sur une chaîne de compétences, dès qu'un maillon est touché, tout le circuit est grippé.
La construction va subir un ralentissement inévitable en raison d'un manque d'effectifs dans le bâtiment. Le secteur emploie 1,5 millions de personnes. Les ouvriers peuvent faire valoir leur droit de retrait, sans compter les personnes malades ou jugées à risque qui seront immobilisées. En amont ou en aval, ce sont les services administratifs et commerciaux qui vont inévitablement marquer le pas. Approvisionnement des matériaux, délivrance de permis de construire, cabinets d'architectes et de décorateurs, promoteurs, études notariales, diagnostiqueurs, tous ces domaines essentiels aux rouages immobiliers seront à l'arrêt ou en situation tendue par la gestion de la nouvelle menace. Et ce n'est pas le télétravail qui peut y remédier. Autre acteur indispensable à l'écosystème immobilier, la banque. Les agences font face à une baisse d'effectifs (employés malades ou absents pour garder les enfants privés d'école). Ce manque de personnel rallonge les délais de traitement des demandes d'emprunt et le travail à distance, dans ce secteur aussi sensible, ne peut fonctionner avec efficience compte tenu d'une élévation du risque cyber. Les courtiers commencent à recevoir les messages des établissements de crédit leur demandant d'éviter de prendre des engagements de délais trop courts. Le courtier Vousfinancer recommande d'allonger le délai des conditions suspensives sur l'obtention du financement à 60 jours. Dernier facteur aggravant pour l'activité immobilière, et non des moindres, la baisse de la demande.
La confiance, principal ressort de l'immobilier
L'inquiétude, pour ne pas dire l'angoisse qui prévaut dans chaque foyer français, est pour le moins inhibante. Très réactif à tout événement, qu'il soit social, politique ou financier, l'immobilier dépend de la confiance des ménages. Qui a envie de s'investir dans des projets tant que la menace n'est pas loin ? Aucune visibilité n'est permise avec ce virus. La Chine semble se redresser après 3 mois de mesures exceptionnellement drastiques dont l'efficacité est en grande partie due à la discipline des citoyens et à leur conscience de la collectivité. Qu'en sera-t-il chez nous ? Personne, ni scientifique, ni politique, ne peut prédire la fin de la pandémie. Le péril est grand et chacun doit être focalisé sur le respect des actions préventives.
Or, acheter un bien immobilier implique de se rendre sur place. Un logement n'est pas un banal produit qu'on peut acquérir en ligne sans avoir fait appel à tous ses sens pour juger de sa valeur potentielle. Tous les experts sont d’accord : même un investisseur doit aller visiter le logement qu’il compte louer pour s’assurer de la pertinence du bien en vue d’en tirer des revenus locatifs. Pas de visite = pas de vente ! Le e-commerce en immobilier se cantonne à la recherche ; une visite virtuelle, même en 3D, n’est que le prélude à la visite physique. La vente d’un bien immobilier requiert des visites de visu, entre vendeur et acheteur, également avec les acteurs financiers (banque, notaire) pour la réalisation des contrats qui nécessite confidentialité et sécurisation des données. Avec cette épidémie de coronavirus, l'immobilier ne sera malheureusement pas "l'une des planches de salut" des Français, comme aime à le penser Henry Buzy-Cazaux, président de l'Institut du Management des Services Immobiliers
Cet excès d’optimisme exprimé dans un éditorial du magazine Capital le 9 mars dernier relève de la méthode Coué. Si l'immobilier constitue un repaire, une valeur refuge, qui s'est vérifié à chaque crise qu’a connue le pays, il risque bien, cette fois-ci, de se figer au moment même où l’activité devrait être la plus forte de l’année. Peut-être Monsieur Buzy-Cazaux a-t-il révisé son point de vue depuis le renforcement des mesures de protection ? Les décisions se prennent au jour le jour. Entre le 9 mars et aujourd'hui, le gouvernement a fermé les écoles, les commerces non indispensables et les sites touristiques, interdit les rassemblements de plus de 100 personnes, les manifestations culturelles et sportives, ralenti des moyens de transport en commun. Demain, il est possible qu'un scénario à l'italienne se confirme avec un confinement total. La France est en phase d'"immunodéficience économique" selon les termes de l'hebdomadaire Challenges. Il paraît illusoire de penser que l'immobilier s'en sorte indemne. Dans toute maladie, il y a néanmoins un bénéficie secondaire. Sans jouer à madame Irma, on peut toutefois prédire que la contraction de la demande se traduira par un ajustement des prix, aspect positif qui aura le mérite de calmer la tension dans certaines zones.