Lors d'une demande de crédit immobilier, la banque va analyser la solvabilité de l'emprunteur et sa capacité d'emprunt. Si le prêt est souscrit par deux emprunteurs, le taux d'endettement sera global et calculé en fonction de l'ensemble des revenus du couple, non pas vis-à-vis des capacités de chacun. La Cour de cassation vient de rappeler ce principe aux dépens d'un couple dont l'épouse, sans revenus ni patrimoine, accusait la banque d'avoir manqué à son devoir de mise en garde contre un risque d'endettement excessif.
Défaut de mise en garde de la banque ?
Courant 2004, un couple fait une demande de crédit immobilier auprès de la caisse Sud-Rhône-Alpes du Crédit Agricole pour financer l'acquisition d'un appartement. Monsieur fait l'apport personnel de 29 974 euros, Madame n'a quant à elle ni revenus ni patrimoine tel que confirmé dans l'avis d'imposition au titre des années 2003 et 2004. Le prêt est consenti, mais la banque prononce la déchéance du terme et engage une procédure de saisie immobilière, les emprunteurs ayant cessé d'honorer leur dette quelques années après la signature de l'offre de prêt. L'épouse se retourne alors contre l'établissement bancaire en mettant en cause son défaut de mise en garde quant à l’inadéquation du crédit à ses propres capacités financières.
Dans un premier jugement, la cour d'appel de Grenoble retient le manquement de la banque à son devoir de mise en garde, manquement qui aurait fait perdre à la plaignante 90% de chance de ne pas contracter. Elle condamne le Crédit Agricole à payer la somme de 200 000€ au titre de préjudice et la somme de 3 000€ au titre de frais irrépétibles (frais à verser à l'avocat de la partie qui gagne le procès). La cour a recherché si la banque avait bien vérifié que le prêt consenti était adapté aux capacités financières de l'épouse. Étant donné que seul monsieur disposait de revenus et que chacun vivait séparément, ce qui excluait toute communauté de vie, la cour a estimé que la banque avait accordé un prêt sans tenir compte des capacités financières de l'épouse ni alerter cette dernière sur le risque d'endettement né de l'octroi du prêt.
L'endettement des coemprunteurs s'apprécie globalement
Dans un arrêt rendu en juillet dernier, la Cour de cassation annule la décision de la cour d'appel de Grenoble, estimant qu'il ne peut être reproché à la banque un quelconque défaut de mise en garde. L'article L.311-9 du code de la consommation stipule qu'"avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur vérifie la solvabilité de l'emprunteur à partir d'un nombre suffisant d'informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur". Lorsqu'un emprunt est souscrit par plusieurs emprunteurs, la banque doit apprécier le risque d'endettement excessif résultant de l'octroi de ce prêt au regard des capacités financières globales des co-emprunteurs. En l'occurrence, la situation des deux emprunteurs avait bien été estimée dans son ensemble et non séparément comme le couple souhaitait le faire valoir.
L'absence de communauté de vie retenue par la cour d'appel était par ailleurs un motif inopérant, puisque la qualité de co-emprunteurs avait été retenue lors de l'octroi du prêt, ce qui impliquait de prendre en considération l'ensemble des biens et revenus du couple en tant qu'entité unique. Si le couple emprunteur ne peut plus honorer ses mensualités, le conjoint qui ne disposait pas de revenus suffisants au moment de la souscription du prêt demeure redevable auprès de la banque et ne peut faire valoir l'argument d'un défaut de mise en garde.
réf/Cour de cassation, Chambre commerciale, 9 juillet 2019, 17-31.255