Effet collatéral de l'encadrement du crédit immobilier, les Français qui empruntent pour acquérir un logement étaient plus âgés en 2021. La proportion des plus jeunes recule sous l'effet de la double limitation du taux d'endettement et de la durée de remboursement. Les observations des courtiers indiquent également que les investisseurs locatifs pâtissent de la réglementation et, sans surprise, que l'achat de maisons monte en flèche.
Typologie des emprunteurs en 2021
La production de crédits immobiliers a battu des records en 2021, totalisant 273 milliards d'euros selon les projections de la Banque de France (avant consolidation des chiffres de décembre 2021), et les Français ont acheté 1,2 millions de biens immobiliers, autre performance inédite pour le marché. Facilitée par le maintien des taux d'intérêt à des niveaux historiquement bas, l'activité s'est révélée hyper dynamique dans un contexte compliqué par la crise sanitaire qui a, paradoxalement, poussé les ménages à s'endetter pour acheter leur logement.
Cet environnement particulier empreint de contraintes (confinements, télétravail, etc.) a quelque peu modifié les comportements immobiliers des Français. On a maintes fois évoqué leur appétence pour la pierre, renforcée depuis l'émergence de la pandémie, qui met en exergue un désir d'espace et de cadre de vie amélioré. Les Français qui ont pu acquérir un nouveau logement ont été plus nombreux en 2021 par rapport à 2020 et ce, malgré les restrictions d'accès au crédit immobilier qui limitent le taux d'endettement à 35% des revenus nets et la durée de remboursement à 25 ans (sauf exceptions jusqu’à 27 ans).
Conséquence du durcissement des conditions d'emprunt, les emprunteurs sont plus âgés.
Selon les données du courtier Artémis, 25% des emprunteurs avaient entre 30 et 34 ans en 2021, contre 32% en 2020. Tous projets confondus, l'âge moyen de la clientèle de cet intermédiaire était de 33 ans. Autre effet visible du resserrement du crédit, les primo-accédants, c'est-à-dire ceux qui achètent un bien immobilier pour la première fois, généralement la résidence principale, représentaient 40% des emprunteurs en 2021 contre 44% en 2020. L'an dernier, 68% des acheteurs étaient en couple, un ratio qui ne change pas par rapport à 2020.
L'Observatoire Crédit Logement nous donne d'autres indicateurs du crédit immobilier qui permettent de mesurer le changement de paradigme entre 2020 et 2021 (tous dossiers confondus) :
- le revenu annuel du ménage emprunteur augmente de 6% ;
- le montant moyen du prêt progresse de 3% ;
- le montant moyen de l'apport personnel est en hausse de 1,3% ;
- la durée moyenne du prêt gagne 4 mois (240 mois soit 20 ans), et même 6 mois pour les seuls primo-accédants (23 ans et 1 mois) ;
- le taux de refus s'établit à 4,2% contre 6,5% en 2020.
Les deux derniers chiffres illustrent la nouvelle orientation des acquéreurs immobiliers vers les zones périurbaines, également littorales et rurales :
- les achats de maisons représentaient 40% des demandes de financement en 2021 contre 31% en 2020 et 24% en 2019 ;
- le nombre de prêts destinés à financer l'achat d'une résidence secondaire a été multiplié par 2 entre 2020 et 2021.
Les jeunes et les investisseurs pénalisés par les conditions d'octroi
Pour Ludovic Huzieux, cofondateur d'Artémis Courtage, l'encadrement du crédit immobilier voulu par le Haut Conseil de Stabilité Financière (HCSF) "donne une prime à l'emprunt aux emprunteurs qui ont déjà une carrière bien installée avec des salaires confortables". Ceci explique le recul sensible des primo-accédants, qui sont en grande majorité de jeunes actifs. Pour ces candidats qui débutent leur vie professionnelle, l'exigence d'apport personnel est un réel problème quand l'épargne fait défaut, puisqu'ils ne peuvent plus s'emprunter au-delà de 25 ans pour rester dans les clous de l'endettement.
L’allongement de la durée d’emprunt, désormais à 20 ans, est la conséquence du plafond du taux d’effort fixé à 35%. Pour rester sous le seuil, les emprunteurs doivent s’endetter plus longtemps.
Autres recalés du crédit, de nombreux investisseurs locatifs. Chez Artémis, leur proportion évolue toujours entre 17% et 22% du nombre total des emprunteurs. En 2021, ils ne représentaient plus que 11,15% de leur clientèle. Ils ne peuvent plus compter sur les futurs revenus locatifs pour diminuer leur mensualité de crédit (méthode différentielle de calcul du taux d’effort), ceux-ci étant ajoutés aux revenus globaux, ce qui gonfle le taux d'endettement au-delà du seuil autorisé. Le constat est partagé par Thierry Vignal, président de Masteos, une start-up de conseil en investissement locatif, mais relativisé : seuls les très gros multi-investisseurs, soit une infime partie de ce segment (1% selon l'Anil), sont affectés par la norme et ne peuvent plus faire autant qu'acquisitions d'auparavant.
Il est clair que l’encadrement strict du crédit immobilier, devenu une norme imposée depuis le 1er janvier 2022, va alimenter l’actualité du marché pendant longtemps, même si sa mise en œuvre a déjà plus d’une année d’ancienneté. Banques et consommateurs sont rodés, les chanceux étant les candidats éligibles à une forme de souplesse qui permet au prêteur de s’affranchir des règles à la marge : ceux qui achètent leur résidence principale.