Adoptée en février 2022, la loi Lemoine représente une avancée majeure pour tous les emprunteurs immobiliers. Trois ans après sa promulgation, cette réforme a transformé le marché de l'assurance emprunteur, permettant aux propriétaires de réaliser d'importantes économies et facilitant l'accès au crédit pour les personnes souffrant de pathologies chroniques. Quels sont les impacts concrets de cette loi sur votre pouvoir d'achat et quelles opportunités offre-t-elle pour votre crédit immobilier ? Décryptage complet des avantages et des points de vigilance.
Changement de contrat à tout moment : la révolution de l'assurance emprunteur
La loi Lemoine marque un tournant décisif dans le parcours des emprunteurs immobiliers. Son principe phare : la possibilité de changer d'assurance de prêt immobilier à n'importe quel moment de la vie du crédit, sans attendre la date anniversaire du contrat. Cette liberté nouvelle bouleverse le marché historiquement dominé par les banques.
Avant cette loi, les emprunteurs étaient soumis à des contraintes strictes pour changer d'assurance :
- La loi Hamon (2014) autorisait le changement uniquement dans les 12 premiers mois du prêt
- L'amendement Bourquin (2018) permettait la résiliation annuelle, mais seulement à la date d'anniversaire avec deux mois de préavis
Ces restrictions limitaient considérablement la mobilité des emprunteurs, alors que la loi Lagarde permet de choisir librement le contrat d’assurance depuis septembre 2010. Désormais, grâce à la loi Lemoine, cette contrainte temporelle a disparu, offrant une flexibilité totale aux 7 millions de propriétaires français concernés.
Les banques sont même tenues d'informer leurs clients, chaque année, de cette possibilité de résiliation. Elles doivent également afficher de manière transparente les coûts de leur assurance (sur la durée totale, également sur 8 ans), facilitant ainsi la comparaison avec les offres alternatives.
Des économies substantielles pour les emprunteurs
L'impact financier de la loi Lemoine est considérable. L'assurance emprunteur représentant le deuxième poste de dépense d'un crédit immobilier après les intérêts, les économies potentielles sont significatives :
- Jusqu'à 100 € d'économies mensuelles pour un couple de 45 ans changeant d'assureur
- Entre 5 000 et 15 000 € d'économies par emprunteur sur la durée résiduelle de remboursement
- 50% d'économie en moyenne pour les Français ayant opté pour une assurance alternative à celle de leur banque
Ces chiffres s'expliquent par une réalité simple : avant la loi Lemoine, les banques bénéficiaient d'une position quasi-monopolistique, leur permettant de pratiquer des marges colossales sur ces produits (jusqu’à 70%). L'ouverture du marché a intensifié la concurrence, poussant tous les acteurs à revoir leurs tarifs à la baisse pour conserver ou gagner des parts de marché.
Un accès facilité au crédit pour les personnes souffrant de maladies chroniques
Le second volet majeur de la loi Lemoine concerne l'accès à l'emprunt pour les personnes avec des risques de santé plus ou moins graves, comme une pathologie de longue durée (diabète, cancer, maladie cardio-vasculaire, etc.). Ces profils souvent exclus du marché du crédit immobilier en raison de leur historique de santé peuvent désormais bénéficier de la suppression du questionnaire de santé assurance de prêt immobilier, si elles remplissent les 2 conditions suivantes :
- La part assurée n’excède pas 200 000 € par personne (soit 400 000 € pour un couple avec une quotité à 50/50).
- Le crédit est soldé avant les 60 ans de l'emprunteur.
Cette avancée sociale considérable permet à des personnes précédemment discriminées d'accéder à la propriété. Cependant, le Comité Consultatif du Secteur Financier (CCSF) note que la limite d'âge de 60 ans "réduit de manière significative le périmètre d'application de l'abandon de la sélection médicale", compte tenu de l'allongement des durées de crédit. Il faut avoir moins de 35 ans pour en bénéficier étant donné la durée maximum légale de remboursement fixée à 25 ans.
Une baisse des prix qui profite inégalement selon les profils
Si la loi Lemoine a globalement entraîné une baisse des tarifs, tous les emprunteurs n'en ont pas bénéficié de manière égale :
- Les jeunes en bonne santé et non-fumeurs ont obtenu les réductions les plus importantes.
- Les assureurs ont augmenté préventivement (d'environ 10%) le tarif des contrats sans questionnaire médical.
- Les banques, compte tenu de leurs marges élevées, ont généralement maintenu leurs prix.
Les contrats alternatifs restent encore largement plus compétitifs que les formules bancaires. Le courtier Magnolia.fr a réalisé une étude qui montre que les tarifs des offres individuelles ont baissé en moyenne de 27% entre 2020 et 2025, tous profils confondus, et de 35% en moyenne pour les emprunteurs de + de 45 ans.
La stratégie des banques face à la concurrence
Face à cette nouvelle donne, les établissements bancaires ont dû adapter leur stratégie. Alors qu'ils détenaient autrefois 84% du marché de l'assurance emprunteur, ils voient désormais cette position menacée par les assureurs alternatifs.
Leur réponse ? Une politique de rétention active :
- Proposition de contrats alternatifs moins chers aux clients menaçant de résilier
- Baisse des marges sur leurs produits d'assurance emprunteur
- Mise en avant de la simplicité de gestion d'un prêt et de son assurance au même endroit
Cette stratégie semble porter ses fruits puisque les substitutions au bénéfice des banques sont aujourd'hui au moins aussi nombreuses que celles au profit des assureurs indépendants.
L'importance cruciale de l'équivalence des garanties
Si le prix constitue un critère de choix évident, la qualité des garanties reste fondamentale. La loi Lemoine exige d'ailleurs une équivalence de garanties lors d'un changement d'assurance :
- Le banquier peut refuser la délégation d’assurance si le nouveau contrat est moins protecteur. Il s’agit du seul et unique motif de refus, qui doit être communiqué à l’emprunteur par écrit de manière exhaustive.
- La comparaison s'effectue sur la base de 11 critères constituant un socle minimal.
Ces critères ne garantissent cependant pas une comparaison fine et approfondie des contrats. Or, les refus d'indemnisation restent significatifs :
- 10,2% des sinistres d'incapacité ou d'invalidité refusés par les groupes bancaires (2023)
- 7,7% de refus pour les contrats alternatifs externes sur ces mêmes sinistres
- 2,5% de refus pour les décès et PTIA (Perte Totale et Irréversible d’Autonomie), tant pour les banques que pour les assureurs
Comment optimiser votre changement d'assurance emprunteur ?
Pour tirer pleinement parti des opportunités offertes par la loi Lemoine sans compromettre votre protection, plusieurs recommandations s'imposent :
1. Comparez les offres de plusieurs assureurs
Les contrats d'assurance emprunteur varient considérablement selon les profils :
- Certains assureurs sont plus compétitifs pour les 33-34 ans, d'autres pour les 36-39 ans.
- Les pathologies comme le diabète peuvent être exclues par certains et acceptées par d'autres.
- Les professions à risque bénéficient d'une couverture variable selon les assureurs.
"En challenger un seul n'a pas d'intérêt. Il est crucial de faire jouer la concurrence", recommande Astrid Cousin, porte-parole du groupe Magnolia.fr.
2. Analysez attentivement les garanties proposées
Au-delà du prix, la qualité de la couverture doit rester prioritaire :
- Vérifiez la prise en charge des maladies non objectivables (burn-out, fatigue chronique, problèmes de dos, dépression)
- Examinez si la garantie famille (permettant d'arrêter de travailler pour s'occuper d'un enfant malade) est incluse : certains contrats proposent cette option depuis peu. Elle sera obligatoire à compter de juillet 2025.
- Assurez-vous que les exclusions et limitations de garantie correspondent à votre situation personnelle, comme la franchise en ITT (garantie arrêt de travail)
3. Faites-vous accompagner par un expert
Compte tenu de la complexité des contrats et des enjeux financiers, le recours à un professionnel peut s'avérer judicieux. Le rôle d’un courtier en assurance emprunteur est de :
- Identifier l'offre la plus adaptée à votre profil spécifique
- Vérifier l'équivalence réelle des garanties, au-delà des 11 critères légaux (sur la base de la fiche standardisée d’information remise par la banque lors de votre demande de financement)
- Sécuriser le processus de résiliation et de souscription du nouveau contrat
La loi Lemoine représente une avancée majeure pour les emprunteurs, tant sur le plan financier qu'en matière d'accessibilité au crédit. Les économies potentielles sont considérables et méritent d'être explorées par tous les détenteurs de prêts immobiliers.
Toutefois, cette démarche nécessite une analyse rigoureuse des offres disponibles et une attention particulière aux garanties proposées. La course au prix le plus bas ne doit pas se faire au détriment d'une protection adéquate.
La loi Lemoine a rééquilibré le rapport de force entre banques et emprunteurs, offrant à ces derniers une liberté de choix inédite. À chacun désormais de s'en saisir intelligemment pour optimiser son assurance de prêt immobilier, en fonction de sa situation personnelle et de ses besoins spécifiques de protection.