Jeudi dernier, l'Assemblée Nationale a adopté en première lecture la proposition de loi relative à la résiliation à tout moment en assurance de prêt immobilier. Les articles 7 et 8 de ce texte s’intéressent à la convention Aeras et au droit à l'oubli. L'objectif est de faire évoluer le dispositif pour une meilleure inclusion des personnes malades ou anciennement malades, et en particulier de raccourcir le droit à l'oubli dont le délai de 10 ans pour en bénéficier est considéré bien trop long pour les associations.
Que propose la future loi ?
La proposition de loi (PPL) permettant de résilier à tout moment un contrat d’assurance emprunteur a été adoptée par les députés réunis jeudi dernier en séance publique. C’est un grand pas vers la libéralisation du marché de l’assurance de prêt. En ligne de mire, des économies importantes pour les millions d’emprunteurs qui décideront de changer de formule en cours de crédit immobilier.
Une partie du texte concerne la convention Aeras (s'Assurer et emprunter avec un risque aggravé de santé), dispositif d’accès à l’assurance emprunteur pour les personnes souffrant ou ayant souffert d’une maladie grave. L'article 7 prévoit de lancer des travaux pour réduire les délais du droit à l'oubli pour les différentes pathologies cancéreuses, également d'examiner la faisabilité que la grille de référence de la convention Aeras puisse intégrer davantage de maladies, non cancéreuses, éventuellement de les insérer dans le droit à l'oubli.
Pour mémoire, le droit à l'oubli concerne les personnes guéries d'un cancer depuis au moins 10 ans et sans rechute (5 ans pour les cancers diagnostiqués avant l'âge de 21 ans) et les autorise à ne pas déclarer leur ancienne pathologie dans le questionnaire de santé préalable à la souscription à une assurance de prêt (immobilier ou professionnel). Le dispositif permet aux bénéficiaires d'avoir accès à l'assurance à des conditions identiques à celles d'une personne n'ayant jamais eu de cancer. Pour les personnes qui ne relèvent pas du droit à l'oubli, a été mise en place une grille de référence qui liste les pathologies, notamment chroniques (diabète, VIH, hépatite, mucoviscidose), pour lesquelles les délais d'accès et les conditions d'assurance sont encadrés (plafonds des surprimes, exclusion des garanties).
Le texte prévoit que ces travaux soient lancés dans un délai de trois mois après la promulgation de la loi, et que la commission de suivi et de propositions remette au gouvernement un rapport faisant état de l'avancement des travaux dans les neuf mois suivants. À défaut de négociations entre les parties prenantes (banques, assureurs, courtiers, associations de malades), une issue réglementaire devra être donnée pour réformer les conditions d'accès au dispositif dans une sens au moins aussi favorable aux candidats emprunteurs. La PPL doit être examinée au Sénat en début d'année 2022 avant d'être définitivement votée par le Parlement avant la fin du quinquennat Macron.
Dix ans, c'est trop long !
Le droit à l'oubli a été introduit dans la convention Aeras en avril 2015. Il est le fruit d'une longue bataille engagée par les associations de malades et d'anciens malades auprès des assureurs et des bancassureurs pour faciliter l'inclusion des personnes touchées par une maladie grave. Il permet à tout ancien malade du cancer d'éviter la double peine : avoir été malade et être exclu de l'accès à l'assurance et donc à la propriété à cause de son ancienne pathologie. L'assureur a interdiction de recueillir toute information médicale relative à cette maladie.
Avant l'entrée en vigueur du dispositif, ces candidats à l'emprunt étaient considérés dans la catégorie des emprunteurs à risques aggravés, le fait d'avoir eu un cancer les stigmatisant aux yeux des assureurs comme des personnes définitivement malades. Le questionnaire de santé devenait alors une "sorte de casier judiciaire pour les malades", comme le déplorait Jacqueline Godet, présidente de la Ligue contre le cancer.
Pour bénéficier du droit à l'oubli, les candidats doivent attendre 10 ans après la fin du protocole pour reprendre le cours normal de leur vie, une attente jugée trop longue par Rose Up, association fondée en 2011 qui accompagne, informe et défend les droits des femmes touchées par le cancer à garder leur place dans la société. Sa présidente, Isabelle Huet, aurait préféré que la PPL prévoit de raccourcir ce délai, ce qui est tout à fait possible en vertu de la recherche et des données médicales et la recherche, plutôt que de renvoyer le sujet à des négociations entre les assureurs, l'État et les associations de patients. Les évolutions de la convention Aeras sont trop lentes et ne permettent pas aux anciens malades de reprendre rapidement une vie normale en concrétisant un projet immobilier ou professionnel.
Interrogée par Franceinfo, Isabelle Huet a tenu à rappeler au gouvernement l'engagement de campagne du candidat Macron lors des présidentielles de 2017 de passer le droit à l'oubli de 10 à 5 ans. Quatre ans après, les choses n'ont pas bougé par manque de volonté des acteurs de l'assurance d'aboutir à des avancées. L'association avait proposé que soit inséré dans le PPL un amendement visant à étendre le droit à 5 ans après la fin des traitements au lieu de 10 ans, mais cet ajout a été rejeté faute d'un avis favorable du gouvernement.
Dans un courrier adressé à Emmanuel Macron le 26 novembre dernier, l'association Rose Up demande au Président de la République de respecter solennellement son engagement. Aujourd'hui, près de 10 millions de Français qui ont ou ont eu un cancer attendent des améliorations d'accès au droit à l'oubli et à la grille de référence.