En janvier 2022, le taux de l'inflation a atteint 2,9% sur un an et l'augmentation des prix à la consommation ne devrait pas s'arrêter là sur fond de tensions géopolitiques et d'envolée des cours du pétrole. Alors que les Français s'inquiètent de manière légitime pour leur pouvoir d'achat, ce retour sensible de l’inflation aura nécessairement un impact sur le niveau des salaires. Qu'en est-il de l'immobilier, en termes d'accès au crédit et de capacité d'emprunt ?
Inflation et pouvoir d'achat
En 2021, l'inflation a fait son grand retour, après un taux moyen annuel de l'évolution des prix contenu à 0,9% depuis 2015. En glissement annuel, l'inflation a atteint un niveau élevé de 2,8% et en janvier, elle pousse jusqu'à 2,9%. Sur la base du calcul harmonisé en zone euro, le taux français s'est établi à 3,2% entre décembre 2020 et décembre 2021, contre 5% de moyenne européenne. La France n'est donc pas le pays le plus mal loti, en comparaison avec la Belgique, les Pays-Bas et l'Espagne où l’inflation dépasse les 6%.
Selon les chiffres de l'Insee annoncés lors de son point de conjoncture mardi 8 février, la hausse des prix à la consommation en France devrait se poursuivre au cours de ce premier semestre, pour se hisser, en juin prochain, à 3% voire 3,5% en glissement annuel.
La faute aux prix de l'énergie, en totale surchauffe : +45% pour l'électricité, +42% pour le gaz et un baril de pétrole qui a atteint son plus haut niveau depuis 2014. Sans le bouclier tarifaire sur les prix du gaz et de l'électricité, l'inflation aurait frôlé les 4%. La flambée des prix des matières premières, la désorganisation des chaînes de production et la saturation du trafic maritime de marchandises ont également contribué à la hausse généralisée des prix.
Il en résulte une envolée des prix de production dans l'industrie et des prix agricoles, ce qui va pousser les entreprises à répercuter ces augmentations de coûts sur les consommateurs. En bout de chaîne, un risque de revendications salariales : la Banque de France anticipe d'ores et déjà une hausse annuelle des salaires de l'ordre de 3%.
La situation est crispante pour les ménages qui craignent pour leur pouvoir d'achat, première préoccupation des Français dans cette campagne présidentielle. D'autant que le contexte géopolitique avec la crise russo-ukrainienne ajoute à cette inquiétude.
La spirale inflationniste menace, mais la Banque Centrale Européenne se veut rassurante, estimant que le sursaut des prix est transitoire, et se refuse pour le moment à rehausser ses taux d'intérêt pour éviter de renchérir la dette publique des États.
Inflation et capacité d'emprunt
Malgré une remontée en ce début d'année 2022, les taux d'intérêt des crédits immobiliers sont toujours à des niveaux historiquement bas. Tombés à leur point plancher durant l'automne dernier, les taux fixes se sont stabilisés en janvier et ont légèrement poussé le curseur vers le haut en février : toutes les enseignes bancaires ont remonté leurs barèmes entre 0,05% et 0,15% sur toutes les durées (entre 5 et 15 points de base), parfois jusqu’à 0,35%.
En parallèle du retour de l'inflation, l'emprunt de l'État français sur 10 ans a lui aussi pris l'ascenseur, passant de 0,20% début janvier 2022 à 0,718% hier. Face à la poussée de ce maître-étalon du loyer de l'argent pour les prêts immobiliers, les taux d'intérêt n'ont d'autre vocation que d'augmenter.
Pas d'affolement dans l'immédiat. L'Observatoire Crédit Logement pronostique une remontée modérée des taux d'emprunt en 2022, de l'ordre de 20 à 25 points de base, ce qui placerait les taux au niveau établi en 2019. Dans les prochaines semaines, le taux brut sur 20 ans (hors assurance et coût des sûretés) pourrait passer de 1,10% à 1,30%. Les dossiers premium continuent d'emprunter sous la barre de 1%.
Pour l'heure, les taux d'emprunt restent bien inférieurs à l'inflation. Il est donc possible de s'endetter à moindre coût si le dossier est solide (revenus confortables, apport personnel d'au moins 10%). Si le profil est moins vertueux, et on pense aux primo-accédants avec un budget contraint et un apport réduit, une remontée des taux, même minime, porte en elle le risque d'exclusion du crédit immobilier, dès lors que les limites imposées par le régulateur sont atteintes : 35% de taux d'endettement et durée de remboursement à 25 ans. De surcroît, impossible de tabler sur une baisse des prix des logements face à un déséquilibre persistant entre l'offre et la demande.
Ceux qui détiennent déjà un crédit à l'habitat n'ont rien à craindre de l'inflation, au contraire. Si leurs revenus progressent au rythme de la hausse des prix, leurs mensualités d'emprunt ne bougent pas. Par conséquent, le poids du crédit dans les revenus s'affaiblit.
La bonne nouvelle dans ce tableau pour le moins incertain ? La possibilité de changer d'assurance prêt immobilier à tout moment. La loi Lemoine doit être validée dans les prochains jours par le Parlement. À compter du 1er juin 2022, tout nouvel emprunteur pourra résilier son contrat d'assurance quand il le souhaite, sans frais ni pénalité. Ce droit sera accordé aux contrats en cours à compter du 1er septembre 2022. Avec cette disposition historique qui permettra de redistribuer 500 millions d'euros la première année, le législateur préserve le pouvoir d'achat des ménages emprunteurs, tout en libéralisant le marché de l’assurance de prêt, aujourd’hui détenu à 88% par les banques.