Vous allez pouvoir résilier votre assurance de prêt immobilier à tout moment dès cette année. Réunis hier jeudi 3 février en commission mixte paritaire, députés et sénateurs ont, contre toute attente, trouvé un accord sur la proposition de loi Lemoine. Le texte adopté prévoit également des avancées majeures pour les personnes touchées par un cancer en raccourcissant le délai du droit à l'oubli. La suppression de la sélection médicale est elle aussi validée sous certaines conditions. Cette réforme de l'assurance emprunteurr était nécessaire afin de libéraliser un marché détenu à 88% par les banques et de faciliter l'accès au crédit.
Changer d'assurance de prêt à tout moment
La surprise est de taille car peu misaient sur un accord tant les deux chambres semblaient irréconciliables et le calendrier ténu. La commission mixte paritaire qui rassemblait hier 7 députés et 7 sénateurs, ainsi que leurs suppléants, s'est entendue, sans heurt, sur la possibilité de résiliation à tout moment des contrats d'assurance de prêt immobilier. Ce droit fondateur de la proposition de loi Lemoine avait été adopté en première lecture par l'Assemblée nationale, avant d'être retoqué il y a quelques jours par le Sénat. Cette opposition obligeait les parlementaires à se réunir en CMP.
Les sénateurs jugeaient suffisants les dispositifs en place, à savoir la loi Hamon qui permet de changer d'assurance à tout moment durant la première année du prêt et l'amendement Bourquin qui autorise la substitution annuelle à date d'échéance, se contentant alors de préciser cette date butoir et de renforcer l'information des emprunteurs.
Ils ont finalement estimé que "tous les éléments sont réunis pour que le marché de l'assurance emprunteur soit véritablement fluide", comme l'a admis le sénateur Daniel Gremillet, rapporteur de ce texte de loi au nom du Sénat. La libéralisation de ce marché est fondamentale pour permettre à tout emprunteur d'exercer librement son droit au libre choix du contrat. Sans la possibilité de changer de formule quand bon lui semble, comme cela est autorisé en assurances auto, habitation et santé, l'emprunteur se voit priver d'une opportunité d'économiser sur le coût de son assurance.
Le changement d'assurance devient enfin réaliste en n'étant plus soumis à une date d'échéance, pierre d'achoppement d'une grande majorité de demandes de substitution. À la clef, des milliers d'euros de gain tout simplement en remplaçant l'assurance du prêteur par une offre alternative à garanties au moins équivalentes.
Ce droit est accordé à tous les nouveaux contrats à compter du 1er juin 2022 et aux contrats déjà souscrits à compter du 1er septembre 2022.
Les emprunteurs mieux informés
L’accord bi-camériste prévoit également un renforcement des obligations des banques et assureurs à l'égard de leurs clients. Sans appuyer sur l'information, il aurait été illusoire que le droit au changement à tout moment puisse s'appliquer pleinement.
L'assureur doit obligatoirement informer chaque année l'assuré, sur support papier ou tout autre support durable, de son droit à résiliation à tout moment et des modalités de ce droit.
En cas de rejet d'une demande de substitution, l'assureur doit préciser explicitement sa décision, c'est-à-dire exposer par écrit tous les motifs de refus pour que l'emprunteur puisse éventuellement reformuler une demande conforme aux exigences du prêteur en termes de garanties.
Le coût de l'assurance doit par ailleurs être notifié sur 8 années, une information essentielle, car en moyenne les crédits immobiliers sont remboursés au bout d'une dizaine d'années.
Toute acception de substitution entraîne la rédaction d'un avenant au contrat de prêt dans les 10 jours ouvrés à compter de la réception de la demande.
Évolution du droit à l'oubli
Un des aspects majeurs du texte commun concerne la sélection médicale. Les assureurs n'auront plus le droit de rechercher aucune information relative aux pathologies cancéreuses et à l'hépatite virale C passé un délai de 5 ans après la fin du protocole et sans rechute. Le législateur retire en revanche de cette disposition les pathologies chroniques.
Jusqu'à présent, les personnes guéries d'un cancer devaient attendre au moins 10 ans pour faire silence sur leur ancienne maladie. En raccourcissant le délai pour bénéficier du droit à l'oubli, le législateur va faciliter l'accession à la propriété à bon nombre de personnes touchées par ces pathologies stigmatisantes quand on veut emprunter.
La suppression du questionnaire médical est elle aussi adoptée, mais son champ d'action est réduit :
- Le montant de la quotité assurée doit être inférieur à 200 000€.
- Le crédit doit être remboursé avant 60 ans.
La proposition initiale des sénateurs prévoyait un montant allant jusqu'à 350 000€ pour un terme du crédit au 65ème anniversaire de l'assuré. Exigé lors de la souscription à l'assurance, le questionnaire renseigne l'assureur sur les risques incarnés par le candidat à l'emprunt. L'existence de certaines maladies comme le cancer entraîne des surprimes exorbitantes, voire des exclusions de garanties, qui empêchent souvent d'accéder au crédit immobilier et de concrétiser un projet de vie.
Ce texte adopté en commission mixte paritaire est une immense victoire pour les partisans d’une ouverture effective du marché de l'assurance de prêt. En insufflant davantage de concurrence, le législateur préserve le pouvoir d'achat des ménages emprunteurs, une préoccupation centrale des Français. La future loi est aussi une avancée décisive pour les personnes touchées par la maladie.
Le texte doit être validé pour la forme par l'Assemblée nationale et le Sénat les 10 et 17 février prochain, avant sa promulgation et sa publication au Journal Officiel.