La reprise du marché immobilier est non seulement conditionnée au pouvoir d'achat des ménages mais également à la politique d'octroi des financements par les banques. Le courtier Cafpi, comme bon nombre de ses confrères, observe un accroissement des refus de prêt à l'habitat et réclame l'abandon des nouveaux critères d'emprunt édictés par le régulateur en décembre dernier, tout en souhaitant une réforme du calcul des taux d'usure.
La pierre fait toujours rêver
Le Covid-19 a provoqué l'arrêt quasi total du marché immobilier, en bloquant les projets des Français ainsi que les demandes de financement. La fin du confinement lundi 11 mai va remettre l'activité sur les rails, car l'appétit pour la pierre reste intact. L'immobilier renforce son caractère d'éternelle valeur refuge : les difficultés liées au confinement ont suscité des envies de maisons avec jardin et de déménagement vers des zones moins urbanisées, et la crise économique qui sévit en parallèle de la crise sanitaire confirme la volatilité des marchés boursiers. Enfermés chez eux, les Français ont eux le temps de peaufiner leur projet immobilier et de prendre contact avec les courtiers pour monter leur dossier de financement. Mais une menace plane toujours : le durcissement des conditions d'emprunt.
Augmentation des refus de prêts immobiliers
La relance de l'activité pourrait pâtir des recommandations émises fin 2019 par le Haut Conseil de Stabilité Financière. Depuis janvier 2020, les banques appliquent à la lettre les 3 consignes du régulateur :
- taux d'endettement plafonné à 33%,
- durée d'emprunt limitée à 25 ans,
- et montant du prêt limité à 7 années de revenus.
Au cours du premier trimestre 2020, la structure de la production de crédits immobiliers s'est déformée en faveur des clientèles les plus aisées, excluant les profils plus risqués comme les primo-accédants sans apport et les investisseurs locatifs. Ces recommandations ont valeur d'obligations, puisque des sanctions potentielles planent sur les organismes de crédit s'ils ne s'y plient pas. À l'occasion des vœux en janvier 2020, la Banque de France a en effet menacé les établissements d'une surcharge en capital pour les prêts non conformes.
Conséquence immédiate : au cours du premier trimestre, les courtiers ont constaté un taux de refus de 20% comparativement à la même période un an plus tôt. Le courtier Cafpi a observé que les banques appliquent rigoureusement les nouvelles conditions d'octroi, omettant d'évaluer le reste à vivre, paramère qui est pourtant tout aussi essentiel que le taux d'endettement. Un emprunteur avec des revenus confortables peut s'affranchir à la marge de ce taux de 33% sans mettre en péril sa capacité de remboursement.
Taux d'usure trop bas
Un autre facteur va gripper la reprise : le niveau trop bas des taux d'usure. Calculés sur la base des taux octroyés le trimestre précédent, les taux maximum auxquels les banques sont autorisées à prêter sont en décalage avec le terrain. En cas de remontée des taux d'intérêt, de nombreux candidats à l'emprunt se voient recalés pour cause de TAEG (Taux Annuel Effectif Global) au-delà du seuil légal, en dépit de leur solvabilité. Cela fait des mois voire des années que les courtiers réclament une réforme du calcul des taux d'usure. La nouvelle baisse des plafonds légaux pour le deuxième trimestre 2020 va rendre encore plus difficile l'accès au crédit pour certains en raison notamment du taux élevé d'assurance. Rappelons que l'assurance de prêt est un des coûts intégrés dans le TAEG, et peut représenter jusqu'à un tiers du coût global d'un crédit immobilier.
Conjugués aux consignes du HSCF, les taux de l'usure trop faibles fragilisent la reprise du marché immobilier en contrariant l'accès au crédit. Philippe Taboret, directeur général adjoint de Cafpi, souhaite un abandon de ces nouvelles règles, et une réforme en profondeur du calcul des taux usuraires. Il plaide également pour que le gouvernement réhabilite l'APL Accession et élargisse les conditions d'éligibilité au PTZ. Ces deux voeux pourraient être inclus dans le plan de relance de l'immobilier lors de la préparation du projet de loi de finances 2021.