Les Français empruntent des montants plus importants dans un marché immobilier marqué par une hausse continuelle des prix des logements et des conditions d'octroi devenues plus strictes. Les banques opèrent une sélection plus fine des dossiers, ce qui risque à terme de refermer l'accession à la propriété au plus grand nombre.
Hausse du montant emprunté
Selon son dernier baromètre du crédit immobilier, le courtier Cafpi observe une très nette hausse des montants moyens empruntés au cours du deuxième trimestre 2021, et ce, quel que soit le profil de l'emprunteur :
- +2,3% pour les primo-accédants, soit 235 530€
- +4,5% pour les secundo-accédants, soit 392 199€
- +3,8% pour les investisseurs locatifs, soit 203 803€.
Cette augmentation significative des sommes empruntées s'accompagne d'une montée en puissance de l'apport personnel pour les personnes qui financent leur résidence principale :
- de +0,5 point pour les primo-accédants, soit 16,6% du montant de l'opération,
- à +1,4 point pour les secundo-accédants, soit 20,7% du montant de l'opération.
Comment expliquer cette hausse des dettes immobilières ? La crise sanitaire bouleverse le rapport des Français à leur habitat. La recherche d'un logement plus spacieux, situé dans un environnement plus agréable, s'est accentuée au fil des mois, après les confinements successifs et les restrictions de déplacement. Les acheteurs convoitent davantage les biens avec accès extérieur, et le télétravail, méthode d'organisation désormais entrée dans les mœurs, facilite l'éloignement des grandes agglomérations et des bassins économiques. Pour l'heure, pas de retournement du marché, les nouvelles attentes des accédants tirent vers le haut les maisons et les appartements avec balcon ou terrasse.
La forte demande confrontée à une réduction de l'offre dans certaines zones entraîne une hausse des prix des logements, qui n'est malheureusement plus compensée par les taux d'intérêts au plancher. Résultat : les emprunteurs doivent solliciter des prêts d'un montant plus élevé que ces derniers mois et mobiliser un apport plus important, ce qui recentre l'accès au crédit sur les candidats les mieux dotés.
Exclusion des primo-accédants
La progression du taux d'apport personnel est le signe manifeste d'une sélection plus rigoureuse exercée par les banques. La préférence est donnée aux meilleurs dossiers, ceux qui, hors des critères habituels de solvabilité, peuvent mettre sur la table une mise de départ suffisamment conséquente pour rassurer le prêteur.
Les crédits immobiliers financés à 110%, c'est-à-dire le prix du logement additionné des frais d'acquisition (frais de notaire et de dossier), ont disparu, de même que les emprunts de très longues durées (à 30 ou 35 ans). Peu pourvus en épargne, en raison de leur récente entrée dans la vie active, de nombreux jeunes primo-accédants se voient exclus de l'accès au crédit immobilier, eux qui d'ordinaire doivent s'endetter sur les maturités les plus longues pour pallier au manque d'apport et rester dans les clous de l'endettement. Avec la règle stricte qui consiste à limiter la durée des prêts à 25 ans, les plus modestes peinent à emprunter pour se loger.
Si l'immense majorité des prêts courent sur des durées égales ou inférieures à 25 ans, on voit toutefois apparaître une légère progression des crédits sur plus de 25 ans, parfois hors des limites de flexibilité accordées par le régulateur (20% de la production trimestrielle de crédits). Le relâchement des mesures prises par le Haut Conseil de Stabilité Financière en ce début d'année (taux d’endettement de 33% à 35%, durée maximale de remboursement de 25 à 27 ans pour l’achat dans le neuf) profite en revanche aux profils premium dans une très large proportion, profils où les risques sont minimisés aux yeux des banques.
La Banque de France pourrait prochainement sonner le glas de ces libertés prises avec les règles d'octroi. Il est prévu que l'encadrement de la distribution des crédits immobiliers devienne opposable aux banques au cours de cet été. Elles n'auront alors plus aucun loisir de s'affranchir des règles sous peine d'être pénalisées juridiquement.
Le crédit à la rentrée ?
La demande de prêt immobilier est toujours très soutenue, portée par les taux encore très bas. Mais les signaux monétaires indiquent un changement d'environnement dans les prochaines semaines. Le taux de l'inflation remonte nettement (+1,5% sur un an à fin juin 2021), et l'emprunt d'État obligataire sur 10 ans, marqueur des taux d'intérêts des crédits immobiliers à taux fixes, est repassé en territoire positif depuis deux mois. La hausse des taux d'emprunt se profile. Sans être probable, elle est tout à fait possible, les taux n'ayant plus vocation à baisser.
On voit immédiatement l'incidence que cela pourrait avoir sur les clientèles les plus fragiles. Avec un taux de l'usure en baisse depuis le début de l’année 2021, une remontée des taux d'intérêts, même minime, est facteur d'exclusion par l'effet ciseaux tant redouté.
Le courtier Cafpi suggère de remettre en place l’APL Accession et de renforcer le PTZ, ce qui permettrait de faciliter l’emprunt aux candidats freinés par un manque d’apport. Ce professionnel attend des réponses fortes du gouvernement pour soutenir le marché immobilier et l’accession à la propriété, alors que le printemps 2022 sera une période d'attentisme pour les porteurs de projet avec la prochaine échéance présidentielle.