Le 20 juillet dernier, le Parlement a définitivement adopté la loi Climat et Résilience qui contient entre autres un important volet sur l'habitat et la rénovation des logements. Si vous achetez un bien immobilier en vue de le louer, vérifiez bien le DPE, car une mauvaise étiquette risque de compromettre votre projet, à moins d'engager de lourds travaux de rénovation. Faisons le point sur les mesures qui concernent les passoires thermiques et les conséquences en cas de non-respect du seuil minimal de performance énergétique. Implicitement, l'éco-conditionnalité d'un logement va subordonner l'obtention d'un crédit immobilier.
Interdiction progressive des passoires thermiques
La loi Climat et Résilience votée le 20 juillet dernier entend notamment renforcer la lutte contre les passoires thermiques, ces logements gros consommateurs d'énergie car mal isolés ou/et équipés d'appareils de chauffage peu respectueux de l'environnement. Classés E, F ou G sur l'échelle du DPE (Diagnostic de Performance Énergétique), ces logements peu vertueux en termes de consommation d'énergie et de gaz à effet de serre doivent disparaître du marché immobilier privé, l'ambition du gouvernement étant de les éradiquer pour atteindre la neutralité carbone du parc logement à l'horizon 2050, à savoir l’équilibre entre les émissions de carbone et l'absorption du carbone de l'atmosphère par les puits de carbone.
La France compte environ 4,8 millions de logements considérés comme des passoires thermiques. Cette loi prévoit leur sortie progressive du marché de la location d'ici 2034. Les propriétaires bailleurs n'auront plus le droit de louer des logements classés E, F, ou G selon un calendrier précis :
- à partir de 2025 : logements classés G
- à partir de 2028 : logements classés F
- à partir de 2034 : logements classés E.
Le texte de loi prévoit également une obligation d'audit énergétique pour toute transaction immobilière à compter du 1er janvier 2022 pour les logements classés F et G. Accompagné du DPE, cet audit formulera un plan de travaux et indiquera le gain sur la facture énergétique. Cette mesure concernera les transactions de logements classés E en 2025, et en 2034 celles des logements classés D.
Nouveau DPE : déclassement de certains logements
Cette sanction pour les logements énergivores est précédée par la mise en application du nouveau DPE depuis le 1er juillet 2021. S'il continue d'évaluer la performance énergétique des logements en leur attribuant un note allant de A pour les plus économes à G pour les plus gourmands en énergie, le DPE, qui n'avait jusqu'à présent qu'une seule valeur informative, est aujourd'hui plus fiable et plus lisible. Il devient surtout juridiquement opposable, ce qui signifie qu'en cas d'erreur l'acheteur ou le locataire peut obtenir réparation.
La validité du DPE nouvelle formule est maintenue à 10 ans. Attention à la validité des DPE existants : ceux réalisés entre le 1er janvier 2013 et le 31 décembre 2017 sont valides jusqu'au 31 décembre 2022, et ceux réalisés entre le 1er janvier 2018 et le 30 juin 2021le sont jusqu'au 31 décembre 2024.
La nouvelle prise en compte des émissions de gaz à effet de serre va avoir une incidence sur le classement d'un grand nombre de biens immobiliers. Selon les estimations du gouvernement, environ 40% des logements vont voir leur note évoluer à la hausse ou à la baisse en fonction du chauffage utilisé. Les logements chauffés au fioul ou au gaz seront davantage pénalisés que ceux chauffés à l'électricité ou au bois : 800 000 logements avec l'étiquette E pourraient ainsi basculer en classe F ou G, et près de 800 000 autres classés F et chauffés par un système électrique pourraient sortir du statut de passoires thermiques.
Logement loué énergétiquement décent
Actuellement, la notion de décence pour un logement ne contient aucune obligation en matière d'écologie, puisqu'aucune loi ne prévoit de seuil minimal de performance énergétique ni de plafonnement de la dépense énergétique assumée par le locataire. Cette absence de la consommation énergétique dans la notion cardinale de décence explique pourquoi des passoires thermiques continuent d’être louées ou proposées à la location.
Dès janvier 2023, un critère de performance énergétique minimal devra être respecté pour qu'un logement mis en location puisse être qualifié de "décent" : le logement devra avoir une consommation d’énergie inférieure à 450 kWh d’énergie finale par mètre carré de surface habitable et par an, soit au pire un classement F sur le nouveau DPE. Cette mesure ne s'applique qu'aux nouveaux contrats de location conclus à compter du 1er janvier 2023. Les contrats de location en cours à la date d’entrée en vigueur ne sont donc pas concernés.
Incitation à la rénovation thermique
Ces mesures discriminatoires au bénéfice de la communauté visent à inciter les propriétaires à rénover leurs logements. Que vous soyez propriétaire occupant ou propriétaire bailleur, la "valeur verte" de votre logement a désormais une grande importance dans le prix du bien. Selon les notaires, un logement avec une étiquette F ou G se vend entre 2% et 18% moins cher qu'un bien de classe D à superficie et localisation identiques. En cas de classement médiocre et en l'absence de travaux de réelle envergure, la valeur de votre bien diminue effectivement.
Si vous envisagez de vendre, vous serez obligé de revoir vos prétentions, car l'acheteur va scruter avec la plus grande attention la qualité thermique du logement convoité. Le coup de cœur ne suffit plus. En présence d'un bien en queue de peloton du DPE, l'acheteur est en position de force pour négocier. Et si vous comptez louer, vous savez désormais à quoi vous êtes exposé : une interdiction progressive de louer qui entre en jeu à compter de 2025.
La définition de décence qui s'impose au 1er janvier 2023 aux baux en cours et en janvier 2025 aux nouveaux baux offre au locataire un recours contre son bailleur. Il pourra demander au propriétaire la mise en conformité du logement par la réalisation des travaux nécessaires. En l'absence de réponse dans les deux mois, il pourra saisir la commission départementale de conciliation. Sur saisine du juge, ce dernier pourra :
- contraindre le bailleur à engager les travaux,
- imposer une réduction de loyer,
- imposer des dommages et intérêts à payer au locataire.
L'obligation de travaux ne concerne pas les logements en copropriété pour lesquels, malgré les actions entreprises pour rénover les parties communes ou privatives, le niveau minimal de performance énergétique ne peut être atteint, ni les logements soumis à des contraintes architecturales ou patrimoniales incompatibles avec la réalisation de travaux visant la l'objectif minimal de rénovation énergétique. Le bailleur peut toutefois se voir imposer une baisse de loyer et le versement de dommages et intérêts au locataire.
À compter de janvier 2022, les propriétaires bailleurs de logements classés F et G seront visés par deux premières interdictions :
- augmenter le loyer à la relocation
- indexer le loyer en cours de bail.
Sans condition de zone géographique, lors d'un changement de locataire, le loyer d'un logement énergivore ne pourra être supérieur au loyer appliqué au locataire précédent. En cours de bail, le loyer est figé, le propriétaire ne pouvant s'appuyer sur la clause d'indexation contenu dans le contrat de bail.
Conséquences sur le crédit immobilier
La valeur verte des logements va gagner en importance au rythme de l'application des différentes mesures. On vient de voir les conséquences pour les propriétaires bailleurs qui ne respecteraient pas les échéances. Pour les futurs investisseurs, l'impact du nouveau DPE se révèle à deux niveaux :
- la négociation du prix du logement
- l'obtention du financement bancaire.
N'hésitez pas à faire réaliser un nouveau DPE à vos frais (entre 100€ et 250€), si le DPE fourni par le vendeur a été établi avant le 1er juillet 2021. Comme indiqué précédemment, le nouveau DPE va déclasser ou surclasser certains logements, ce qui va orienter votre décision. En cas de mauvais classement (F ou G), vous avez toute latitude pour négocier le prix du logement à la baisse, mais les travaux de rénovation énergétique vont rapidement s'imposer à vous pour être en mesure de louer votre bien. Ces travaux vont grandement limiter la rentabilité locative, ils pourront toutefois entraîner un déficit foncier, car ils viendront diminuer les revenus locatifs à titre de charges déductibles.
Le DPE affiché par le logement va également déterminer les conditions du crédit qui permet de financer votre investissement locatif. Les banques vont regarder avec la plus grande attention les DPE. La Fnaim (Fédération nationale de l'immobilier) a récemment alerté sur les tous premiers refus de prêts immobiliers à des investisseurs locatifs causés par le DPE. Si la banque n'a pas l'assurance que des travaux sont programmés, elle va recaler le projet car le revenu locatif ne sera pas au rendez-vous. Le DPE va devenir rapidement un critère d'analyse supplémentaire des demandes de financement dans le cadre d'un projet locatif en plus du taux d’endettement et de l’apport personnel.
Les aides à la rénovation énergétique
Les travaux de rénovation sont coûteux, mais tous les propriétaires, qu'ils soient occupants ou bailleurs, peuvent bénéficier d'aides publiques qui leur permettent de financer en partie la dépense engagée. Le premier de ces coups de pouce est MaPrimRénov', le dispositif phare mis en avant par le gouvernement.
MaPrimRénov' est accessible aux bailleurs depuis le 1er juillet 2021, sous 5 conditions :
- Le logement doit avoir au moins 2 ans.
- Le locataire doit être installé dans les 6 mois qui suivent la réception de la prime.
- Le bail de location doit durer au moins 5 ans.
- Le locataire doit être informé des travaux réalisés grâce à la prime.
- La réévaluation du loyer suite à l'investissement doit être basée sur le montant des rénovations après déduction de la prime, et le locataire en être informé.
Pour qu'une rénovation puisse être considérée comme performante, les logements doivent obtenir la note A ou B du DPE, avec des dérogations pour les biens en raison de contraintes techniques, architecturales ou patrimoniales qui pourront être reconnus performants à partir de la lettre C. Pour atteindre la norme BBC qui fait référence, 6 postes de travaux de rénovation énergétique devront être traités : isolation des murs, isolation des planchers bas, isolation de la toiture, remplacement des boiseries extérieures, ventilation, ainsi que production d'eau chaude sanitaire et de chauffage. Pour qu'elle soit qualifiée de rénovation globale, les travaux devront être réalisés dans un délai de 18 mois.