Le gouvernement semble décidé à relancer le marché immobilier, en panne depuis la remontée de taux et à cause de règles d’octroi trop rigides. Christophe Béchu, le ministre de la Transition écologique, sollicite les banques pour mettre en place de nouveaux outils financiers comme le prêt in fine et le prêt hypothécaire. Les professionnels sont sceptiques et ne voient pas dans cette annonce une solution pour les emprunteurs en difficulté.
Les pistes du gouvernement pour résoudre la crise immobilière
Selon les données de la Banque de France, la production de crédits immobiliers est tombée à son point le plus bas depuis 2015, à 129,5 milliards d’euros en 2023. Les derniers chiffres de l’Observatoire Crédit Logement/CSA, qui fait référence en matière de distribution de crédits à l’habitat, indiquent une chute de 40% l’an dernier par rapport à 2022.
Le marché immobilier est en plein marasme et le gouvernement ouvre enfin les yeux sur la catastrophe sociale qui se profile si aucune mesure n’est prise pour permettre aux ménages d’accéder au crédit immobilier. Les premières annonces ont été faites fin décembre. Les règles du HCSF (Haut Conseil de Stabilité Financière) évoluent très marginalement depuis janvier 2024 :
- La durée de remboursement peut aller jusqu’à 27 ans (au lieu de 25 ans) en cas d’achat dans l’ancien avec condition de travaux d’un montant minimum de 10% du coût total de l’opération, contre 25% auparavant.
- Les intérêts d’un prêt relais n’entrent pas dans le calcul du taux d’endettement.
Fin janvier, a été confirmée une autre mesure : le réexamen, à la demande du candidat, d’un prêt refusé une première fois, sous réserve que le taux d’endettement soit conforme à la limite réglementaire, c’est-à-dire au plus 35% des revenus nets, assurance de prêt incluse. Autant dire que cette possibilité est un cataplasme sur une jambe de bois, les difficultés d’accès au crédit résidant notamment dans cette limite aveugle qui ne prend pas en compte le reste à vivre.
Dans une interview donnée au journal Le Parisien lundi 12 février, le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu demande aux « banques de fournir des efforts », et propose de développer les prêts in fine et les prêts hypothécaires, citant l’exemple de la Suisse où ces derniers fonctionnent très bien.
Qu’est-ce que ce nouveau prêt in fine ?
Le prêt in fine n’est pas nouveau mais peu usité en France. Ce type de crédit dissocie le paiement des intérêts et le remboursement du capital. Celui-ci est remboursé en une seule fois au terme du prêt. Pendant la durée du crédit, l’emprunteur rembourse uniquement les intérêts et les primes d’assurance de prêt immobilier. Dans l’intervalle, il effectue un versement mensuel sur un produit de placement, généralement une assurance vie, afin d’avoir constitué le capital au terme du prêt. On parle alors de nantissement : la banque est le bénéficiaire de l'assurance vie.
Le prêt in fine est assorti de conditions plus strictes que le prêt classique amortissable : les taux sont plus élevés et la banque exige une forte solidité financière, ainsi qu’un apport personnel équivalent à 30% du capital emprunté. Le prêt in fine cible avant tout les ménages fortement imposés, autorisés à déduire de leurs revenus fonciers les intérêts d’emprunt et les primes d’assurance de prêt quand ils investissent dans l’immobilier locatif. Il est peu pertinent dans le cadre d’achat de la résidence principale compte tenu d’intérêts débiteurs plus importants qu’un prêt classique, puisque le capital n’est pas amortissable.
Le prêt in fine proposé par le ministre serait une forme hybride entre le prêt in fine et le crédit classique : le montant emprunté via le prêt in fine ne couvrirait que 70% ou 80% du prix d’achat, les 30% ou 20% restants demeurant sous forme d’hypothèque sur lesquels l’emprunteur ne rembourserait que les intérêts.
Le ministre a par ailleurs évoqué le crédit hypothécaire qui oblige l’emprunteur à gager un bien immobilier dont il est déjà propriétaire. Ce type de crédit peut être in fine ou amortissable. Les primo-accédants, qui composent la majorité des candidats à l’emprunt immobilier, ne sont donc pas concernés. On a vu mieux comme proposition pour faciliter l’accès à la propriété !
Que pensent les banques du prêt in fine ?
La balle est dans le camp des banques pour relancer la distribution de crédit immobilier, mais elles se montrent circonspectes quant aux suggestions du gouvernement.
Suite à la proposition sur les prêts in fine, la Fédération bancaire française a réagi immédiatement dans une déclaration transmise à l’AFP : « En France, les prêts in fine peuvent parfois être opportuns dans certaines opérations patrimoniales ou d’investissement locatif et très rarement en accession à la propriété. » Quant au crédit hypothécaire, largement pratiqué en Suisse, la Fbf a tenu à souligner que le contexte économique, fiscal et juridique de la Suisse n’est pas celui de la France.
Ministre et acteurs du secteur bancaire ont prévu de discuter de ces sujets fin février.