Alors que les prix de l’immobilier commencent doucement à baisser en France, d’aucuns s’interrogent sur les conditions d’emprunt. Quel est le niveau des taux d’intérêts ? La révision des taux d’usure au 1er janvier 2023 va-t-elle faciliter l’accès au crédit ? Déjà confrontés à l’effet ciseau dès la mi-2022, les ménages français vont-ils pouvoir concrétiser leur projet immobilier en ce début 2023 ?
Un bilan immobilier 2022 contrasté
Le volume de transactions immobilières dans l’ancien conserve un niveau élevé en 2022, avec plus de 1 million de ventes selon les prévisions des notaires de France. 2021 avait été un millésime record avec 1,2 million de logements anciens vendus, une performance facilitée par la faiblesse des taux d’emprunt. Pour mémoire, à l’automne 2021, le taux moyen sur 20 ans s’affichait autour de 1% (hors assurance emprunteur et coût des sûretés).
Compte tenu de la remontée brutale des taux d’intérêt depuis mars 2022, consécutive à la guerre en Ukraine, les chiffres de l’année écoulée sont remarquables. Le dynamisme s’est concentré sur le premier semestre, la progression des taux ralentissant la demande par la suite. Mais ce qui marquera l’année 2022 est le frein opéré par les taux d’usure, en total décalage avec l’augmentation progressive des taux du marché. Dès juin dernier, les courtiers ont constaté une nette hausse des refus de prêts immobiliers en raison du blocage de l’usure, et non pour raison d'insolvabilité des dossiers.
Il y avait toujours plus d’exclus en décembre 2022 à cause du taux d’usure. Le 1er janvier 2023 était donc attendu avec fébrilité pour savoir si les conditions vont de nouveau permettre d’emprunter. Les deux facteurs conjugués de hausse des taux d’emprunt et de révision de l’usure vont-ils de nouveau fermer l’accès au crédit ?
Hausse du taux d’usure au 1er janvier 2023
Les taux d’usure applicables pour le premier trimestre sont les suivants :
Crédits immobiliers |
Taux usure au T4 2022 |
Taux usure au T1 2023 |
Prêts à taux fixe d’une durée inférieure à 10 ans |
3,03 % |
3,41 % |
Prêts à taux fixe d’une durée comprise entre 10 ans et moins de 20 ans |
3,03 % |
3,53 % |
Prêts à taux fixe d’une durée supérieure à 20 ans |
3,05 % |
3,57 % |
Prêts à taux variable |
2,92 % |
3,35 % |
Prêts relais |
3,40 % |
3,76 % |
Sera-t-il plus facile d'accéder au crédit immobilier grâce à la hausse des taux d’usure en janvier 2023 ? La question est posée à chaque début de trimestre, au moment de la révision des taux maximum légaux. La fenêtre de tir s’était vite refermée en octobre dernier face à la progression constante des taux d’emprunt.
La marge de manœuvre risque une nouvelle fois d’être bien faible. La hausse du taux d’usure ne va pas relancer le marché immobilier, car la problématique reste entière tant que les banques de détail ne peuvent engranger aucune profitabilité sur les nouveaux prêts.
Les banques définissent leurs barèmes de taux sur la base du taux de refinancement de la Banque Centrale Européenne (2,50%), mais également de l’OAT 10 ans, sur laquelle elles appliquent leur marge tout en tenant compte du risque. La France emprunte désormais sur 10 ans au-dessus de 3%, une première en dix ans. Il est alors logique que les banques de détail augmentent leurs barèmes, mais la latitude est mince, car bloquée par la réglementation de l’usure.
Les taux des crédits immobiliers se situent actuellement entre 2,50% et 3% sur la durée classique de 20 ans, et au-delà de 3% sur 25 ans, qui est, rappelons-le, la durée maximale réglementaire.
Accès au crédit immobilier toujours entravé en janvier 2023
Dans les semaines à venir, les taux d’intérêts vont rester positionnés au-delà des 3%, une prévision faite par les courtiers dès octobre 2022. Avec un taux d’usure plafonné à 3,57% pour 3 trois mois, de nombreux ménages emprunteurs vont de nouveau se voir opposer un refus, car leur TAEG (Taux Annuel Effectif Global) excèdera le seuil légal, quand bien même ils seraient parfaitement solvables.
Pour noircir le tableau, il faut s’attendre à une nouvelle décision de hausse des taux directeurs de la BCE au cours du premier trimestre 2023, afin de contrer l’inflation en zone euro. Entre le blocage réglementaire posé par l’usure et la pression mise sur les banques à provisionner les risques d’encours en prévision d’une récession, l’inertie du marché immobilier s’installe, certaines grandes banques ayant laissé filtrer qu’elles ne rouvriront pas le robinet du crédit avant le deuxième trimestre 2023.
2023 va-t-elle rejouer le scénario de 2022 ? Sans une baisse de l’inflation et des taux de refinancement, l’accès au crédit immobilier va rester compliqué sachant qu’aucune réforme de l’usure ne se profile en 2023. On comprend mal l’obstination de la BdF à refuser toute modification du calcul de l’usure. L’institution semble hors sol, alors que les chiffres de la production de crédits immobiliers montrent un recul de 37% sur un an en trimestre glissant sur la période septembre/novembre 2022.