Les ménages français sont de plus en plus nombreux à solliciter les services d'un courtier pour obtenir leur prêt immobilier. Profession réglementée, le courtage en crédit facilite la relation entre le prêteur et l’emprunteur grâce à l'expertise nécessaire dans un domaine structuré par une formalisation et des normes strictes. Combien coûte cette intermédiation ? Comment est-elle comptabilisée ?
40% de parts de marché
Dans un environnement de taux d'intérêt au plancher, on serait tenté de croire que l'accompagnement d'un courtier en crédit immobilier est superflu. Que nenni ! Alors que les taux se réduisent comme peau de chagrin depuis fin 2016, la présence du courtage se veut plus manifeste.
En 2020, 40% des Français qui remboursent un crédit immobilier ont eu recours à un courtier pour décrocher leur prêt, contre 37% en 2019 et 29% en 2015. La proportion grimpe à 65% chez les jeunes acquéreurs (18-34 ans). En région Île-de-France, environ 60% des emprunteurs font confiance aux courtiers.
Pour plus de la moitié de ceux qui passent par un intermédiaire, obtenir un taux plus avantageux reste la première des motivations. Pour un tiers, les services de ce professionnel leur permettent de financer leur projet immobilier dans un contexte plus compliqué. Cela fait entre autres référence aux règles d'octroi édictées par le Haut Conseil de Stabilité Financière à partir de janvier 2020 qui plafonnent le taux d'endettement et la durée de remboursement. Le fait que ces normes deviennent juridiquement contraignantes à partir du 1er janvier 2022 pourrait d’ailleurs renforcer la position du courtage dans la distribution des crédits immobiliers.
Une double rémunération
Le rôle du courtier en crédit est de jouer l'intermédiaire entre le client demandeur et la banque. Cet expert intervient aussi en amont, pour conseiller son client quant à son projet immobilier, lui indiquant notamment les aides publiques auxquelles il est éligible, et pour l'aider au montage de son dossier de financement avant de négocier la meilleure offre auprès des banques avec lesquelles il a un accord de partenariat.
Le courtier n’est pas un simple bradeur de taux. Il connaît les politiques d’octroi des banques, s’assure que tous les documents sont bien réunis et vérifie tous les paramètres financiers qui attestent de la faisabilité de la demande (taux d'endettement, apport personnel, reste à vivre). Il prépare le terrain pour le conseiller bancaire, permettant à chaque partie de gagner du temps. Le courtier agit pour le compte d'un client particulier, mais s'affiche aussi comme un partenaire incontournable pour les banques.
À ce double titre, il est rémunéré et par l'emprunteur, qui lui confie un mandat de recherche de capitaux, et par la banque avec laquelle il a signé un accord commercial. Les frais de courtage payés par l'emprunteur à son courtier sont librement déterminés par ce dernier et ne sont dus qu'une fois les fonds débloqués par la banque. Tout courtier qui facturerait ses services avant la signature de l'offre de prêt serait hors la loi. Une demande intermédiée qui n'aboutit pas ne donne lieu à aucune rémunération.
Il convient toujours de vérifier que le courtier est bien immatriculé à l'Orias, une formalité obligatoire pour être autorisé à proposer des crédits immobiliers. Elle est doublée d'une obligation de formation et d'un devoir de conseil et d'information. Ce cadre réglementaire très strict apporte une légitimité aux courtiers vis-à-vis des consommateurs comme des prêteurs.
Si l'affaire est conclue, le courtier perçoit, selon l'opération et sa complexité, une somme forfaitaire ou un pourcentage du montant du prêt, le plus souvent 1% avec plafonnement.
Passe d'armes entre banques et courtiers
Quant à la commission bancaire, l’usage voulait qu’elle soit fixée à 1% du montant de l'opération, jusqu'à ce que les relations entre les établissements de crédit et les courtiers ne s'enveniment. En novembre 2019, le Crédit Agricole du Languedoc jette un pavé dans la marre en prenant la décision de se passer des courtiers à l'avenir. Le courtier ne serait d'aucune utilité ! Certes, la banque est légalement seule décisionnaire dans l'octroi des crédits, mais tout le travail préparatoire réalisé par l'intermédiaire facilite l'analyse du prêteur. S'il agit au mieux des intérêts de son client, le courtier est aussi un apporteur d'affaires pour la banque. D'autant que le recours à un intermédiaire pour emprunter est bien souvent synonyme de changement de banque.
Pourquoi tacler les courtiers et saper leur travail auprès de la clientèle ? En période de taux au plancher, le crédit immobilier est peu rémunérateur, il faut donc trouver des sources de profit via d'autres produits annexes, au premier rang desquels l'assurance emprunteur qui génère en moyenne 68% de marges pour les banques. Quand un candidat à l'emprunt immobilier sollicite les services d'un courtier, il lui confie aussi le soin de lui trouver l'assurance qui va couvrir le crédit.
Dans ce contexte de taux historiquement bas, l'assurance représente en moyenne 40% du coût global d'un crédit immobilier, soit le deuxième poste de dépenses après les intérêts. Un poids que tout consommateur est heureux de minimiser en souscrivant un contrat qui peut être jusqu'à quatre fois moins cher que l'offre proposée par la banque. Sur la durée du prêt, l’emprunteur allège sa facture de plusieurs milliers d’euros simplement grâce à la délégation d’assurance.
Le conflit entre les banques et les intermédiaires a fait tache d'huile. Certains établissements de crédit ont tout simplement mis fin à leur engagement commercial avec les courtiers, mesure qui a pu donner lieu à un règlement devant les tribunaux pour rupture de contrat et abus de position dominante. La plupart ont toutefois décidé de réduire les commissions versées : dorénavant elles n'excèdent pas 0,8% du montant emprunté, mais plafonnent le plus souvent à 0,5%. En moyenne, les courtiers ont perdu la moitié de leurs commissions bancaires.
Collision entre le TAEG et le taux de l'usure
Les frais de courtage sont intégrés dans le Taux Annuel Effectif Global (TAEG) dès qu'il y a intervention d'un courtier pour l'obtention du financement. Le TAEG agrège tous les frais inhérents à l'emprunt (intérêts, garantie, frais de dossier, frais d'expertise du bien immobilier, assurance) et ne doit en aucun cas outrepasser le taux de l'usure applicable sur la durée concernée.
Le taux d'usure est calculé chaque trimestre par la Banque de France sur la base des TAEG octroyés par les organismes de crédit durant le trimestre précédent, augmentés d'un tiers. Le taux légal suit donc les mouvements des TAEG accordés : quand ceux-ci baissent, les taux d'usure aussi. Ce qui semble à première vue favorable à l'emprunt du plus grand nombre est dommageable aux profils modestes et/ou fragiles qui doivent s'endetter sur les durées les plus longues aux taux les moins performants.
Il devient alors mathématiquement compliqué de faire entrer dans le TAEG tous les autres frais complémentaires des intérêts. Nombreux sont les courtiers à rogner leurs honoraires pour éviter à leurs clients la relégation. Sont pénalisés les personnes avec des risques aggravés pour raisons médicales ou professionnelles, qui paient cher leur assurance de prêt. L'ajustement à la baisse des honoraires de courtage et la délégation d'assurance, pour sa part entièrement gratuite, leur permettent d'emprunter pour concrétiser leur projet immobilier.
Le courtier en crédit n’a pas perdu en valeur avec les taux d’intérêts au plancher. Sa mission auprès de l’emprunteur va bien au-delà d’une simple négociation de taux. Son intercession permet de valoriser chaque dossier et d’utiliser tous les leviers pour faire baisser le coût du crédit.