Alors que les taux continuent de baisser, le nombre de prêts accordés ne cesse de reculer. Un paradoxe qui s'explique par les règles d'octroi en vigueur depuis près d'un an et demi. Conséquence de ces restrictions : l’accès au crédit immobilier s’est rétréci, notamment pour les primo-accédants avec moins de 4 500€ de revenus qui voient leurs chances de convaincre le banquier de leur accorder un prêt pour leur projet immobilier diminuer notablement.
Taux bas : les banques sont frileuses
Depuis juin 2020, les taux d'intérêts des crédits immobiliers ont poursuivi une lente descente, pour atteindre en mars un seuil historique : le taux moyen toutes durées confondues s'est établi à 1,11% (hors assurance et coût des sûretés), un niveau équivalent au record de décembre 2019. Selon les données encore incomplètes de l'Observatoire Crédit Logement, le mois d'avril a de nouveau inscrit une baisse de quelques points, qui illustre la politique offensive des banques sur le marché de l'immobilier.
Aidés par le contexte monétaire favorable (taux de refinancement à 0% auprès de la Banque Centrale Européenne et taux obligataire sur 10 ans autour de 0%), les établissements financiers ajustent leurs barèmes des taux à la baisse, créant des conditions propices à l'achat immobilier. Il est possible de s'endetter actuellement à un taux autour de 1% sur 20 ans, voire en dessous de cette barre symbolique pour les meilleurs dossiers. Et ce sont bien eux qui sont privilégiés.
À la faveur d'une crise économique durablement ancrée, les banques se montrent hyper sélectives dans l'analyse des demandes de financement, réservant les offres les plus compétitives à une clientèle aisée épargnée par l'effondrement de certains secteurs d'activité comme l'hôtellerie-restauration, l'aérien, la culture ou l'événementiel. L'adage "on ne prête qu'aux riches" se révèle dans toute sa cruauté, renforcé par les conditions d'accès au crédit instaurées depuis janvier 2020.
Règles d'octroi depuis janvier 2021
Fin décembre 2019, le Haut Conseil de Stabilité Financière (HCSF) a voulu serrer la vis face à l'emballement du crédit immobilier au cours de l'année écoulée, constatant une forme de laxisme de la part des banques dans la distribution des prêts à l'habitat aux particuliers : bon nombre de crédits avaient été octroyés avec un taux d'endettement au-delà du seuil tacitement admis (33%) sur une durée longue supérieure à 25 ans. Obligées de rectifier le tir, les banques ont, à partir de janvier 2020, appliqué la triple limitation suivante :
- le taux d'endettement ne dépasse pas 33% des revenus nets de l'emprunteur ;
- la durée de remboursement est plafonnée à 25 ans ;
- le montant du prêt n'excède pas 7 années de revenus.
Les consignes ayant été scrupuleusement respectées, le régulateur décide de lâcher du lest fin 2020, en partie sous la pression des professionnels de l'intermédiation, témoins de l'exclusion de nombreux candidats à l'emprunt pourtant solvables, comme certains primo-accédants et investisseurs. Depuis le début de l'année 2021, les règles ont été assouplies :
- le taux d'endettement passe à 35% des revenus nets ;
- la durée maximale de remboursement peut aller jusqu'à 27 ans (avec différé d'amortissement de 2 ans) en cas d'achat dans le neuf ou en VEFA (Vente en l'État Futur d'Achèvement).
Les banques peuvent s'affranchir de ces règles à hauteur de 20% de leur production trimestrielle de crédits, à destination des primo-accédants et des personnes achetant leur résidence principale.
Mieux mais pas suffisant
Cet assouplissement crée des conditions plus favorables aux candidats exclus l'an passé pour cause d'endettement à la marge du seuil autorisé. Deux petits points font une différence notable pour décrocher un crédit, de même que l'allongement de la durée de remboursement pour une acquisition dans le neuf.
Pour autant, rien n'est facile en matière de crédit à l'habitat. Plus exigeantes sur les critères professionnels comme l'employabilité, c'est-à-dire la capacité de l'emprunteur à retrouver rapidement un poste en cas de chômage, les banques le sont aussi sur le niveau de l'apport personnel : le minimum de 10% du montant de l'opération est un pré-requis, à partir de 20%, le candidat augmente ses chances d'être considéré par son banquier.
Ces contraintes liées à la mise de départ pénalisent les primo-accédants, bien souvent des jeunes actifs dépourvus d'apport personnel ou n'en possédant que peu, et les investisseurs, parfois détenteurs d'un premier crédit sur la résidence principale, ce qui augmente leur taux d'endettement. Le courtier Monemprunt.com estime que les limites actuelles font perdre 25% de chances aux personnes disposant de moins de 4 500€ de revenus mensuels d'obtenir un crédit.
Malgré une demande très dynamique pour l'achat immobilier et des taux au plancher, l'accès au crédit se trouve entravé par des règles drastiques, facteurs d'empêchement pour les moins bien dotés. La mauvaise nouvelle est que les consignes d'octroi édictées par le HCSF seront inscrites dans la réglementation à compter de juillet 2021, obligeant les banques à les appliquer à la lettre.