Après le Haut Conseil de Sécurité Financière, c'est au tour de la Banque de France de recadrer les banques françaises. À l'occasion de la présentation des vœux de nouvelle année, le gouverneur de l'institution a vertement tancé les établissements, les appelant à modifier leurs pratiques d'octroi des crédits immobiliers aux particuliers.
Des dérives condamnées par la Banque de France
Les conditions d'emprunt vont-elles se durcir en 2020 ? Ceux qui portent un projet immobilier risquent de pâtir du récent discours de François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France (BdF). Mardi dernier, face aux banquiers, il n'a pas mâché ses mots pour exprimer ses inquiétudes quant à la politique d'octroi des crédits immobiliers, mettant en garde les établissements bancaires contre une éventuelle tentation d'accorder des financements à des ménages dont les critères de solvabilité seraient en-deçà des normes requises. Il a tout simplement fustigé une tendance observée ces dernières années en matière de distribution de crédits à l'habitat et parlé de "dérives" qui "doivent s'arrêter" et "des comportements" qui "doivent changer, vite".
Depuis plusieurs mois, les autorités s'inquiètent d'une possible surchauffe du crédit immobilier. Courant décembre, le Haut Conseil de Stabilité Financière, placé sous l'égide du ministère des Finances, avait émis officiellement des recommandations visant à plafonner le taux d'endettement et la durée de remboursement des crédits. Les banques ont pour consigne de limiter le taux d'effort à 33% et la durée d’emprunt au maximum à 25 ans, et de ne jamais s'écarter de ce principe sauf à la marge pour octroyer des prêts aux ménages primo-accédants qui acquièrent leur résidence principale. François Villeroy de Galhau enfonce le clou et insiste pour que ces recommandations "s'appliquent à tous les nouveaux prêts déposés depuis ce mois de janvier".
La menace d'une augmentation de capital
Si les banques rechignent à rentrer dans le rang, le gouverneur de la BdF menace de prendre des mesures et de passer "à une surcharge en capital pour les prêts non conformes". En cause les pratiques de tarification des crédits immobiliers. Dans un environnement de taux bas, "les marges doivent être suffisantes pour couvrir les coûts et les risques associés aux crédits immobiliers"
L'année 2019 aura été exceptionnelle en termes de transactions (plus d'un million dans l'immobilier ancien) et de production de crédits (250 milliards d'euros distribués en 2019 et un encours global de plus de 1 000 milliards d'euros). En dépit d'une hausse notable des prix des logements, les Français se sont rués sur la pierre grâce à des taux d'intérêts à des niveaux bas inégalés (autour de 1% sur 20 ans hors assurance). Ces conditions historiques ont permis à des ménages modestes de franchir le pas du premier achat en s'endettant sur des longues durées (25 ans et plus), au risque d'être fragilisés financièrement. Pour compenser la contraction des marges compte tenu des taux bas, les banques, plus que jamais engagées dans une guerre commerciale, tablent sur les volumes. Les prêts d’une durée supérieure à 25 ans ont augmenté de 5% en quatre ans. Pour la BdF, s’endetter si longuement intensifie les risques de défaut de paiement, les Français « doivent pouvoir sainement, paisiblement, financer leurs acquisitions, sans courir de risques pour l’avenir ».
La France est le pays de la zone euro où la distribution de prêts est la plus forte. 2020 devrait pourtant freiner la tendance. Les taux d'intérêts ne baisseront plus ou de façon minime, et au regard des prix des logements, la demande devrait se tarir. Le marché de l'immobilier est en passe de se stabiliser et l'euphorie passée devrait laisser place à une légère gueule de bois, comme un lendemain de fêtes.