Les Français ont emprunté à des niveaux record l'an passé grâce notamment à la faiblesse des taux d'intérêt. Alors que les prévisions d'activité sont ambitieuses, 2022 pourrait marquer un tournant. Non seulement les taux remontent, mais les durées s'étirent comme jamais. Résultat, les refus augmentent sous la pression des règles d'octroi imposées, dans un contexte dégradé qui pourrait s’éterniser.
Taux d'intérêt : une hausse plus forte que prévue
Le mouvement s'est enclenché en février sous l'effet de la remontée drastique de l'inflation et des taux obligataires. Les taux d'emprunt repartent à la hausse après deux années de baisses graduelles qui surpassaient chaque mois le record précédent. Les barèmes bancaires reçus par les courtiers affichent des ajustements sur toutes les durées. Sur 20 ans, le taux moyen du marché s'établit entre 1,20% et 1,30% (hors assurance et coût des sûretés), soit entre 20 et 30 points de base supérieurs aux valeurs de décembre dernier. Il est désormais quasiment impossible d'emprunter sous la barre symbolique de 1%, alors qu'il y a seulement deux mois le phénomène était courant.
Les observateurs s'attendaient à un redressement des taux d'emprunt en raison d'un changement de l’environnement monétaire. La poussée inflationniste et l'augmentation du rendement de l'obligation de l'État français sur 20 ans obligent les banques à revoir leurs barèmes. Mais l'ampleur du mouvement est plus brutale qu'escompté à cause, notamment, de la guerre en Ukraine qui met la pression sur l'inflation en zone euro et en France. De nouvelles augmentations des taux d'intérêt sont à craindre au cours des semaines et des mois à venir.
Il convient pourtant de relativiser, car les taux proposés par les banques restent hyper attractifs. Selon l'Observatoire Crédit Logement/CSA qui recense chaque mois les taux moyens accordés par les établissements de crédit, en février dernier on empruntait en moyenne à 1,03% sur 20 ans (hors assurance et coût des sûretés), un taux identique à celui affiché un an plus tôt et plus intéressant de 5 points que celui établi en février 2020. Signe qu'en dépit de la nette progression de l'inflation et de l'augmentation rapide des taux obligataires, les banques ont maintenu une politique offensive pour attirer les candidats à l'emprunt.
Allongement de la durée d'emprunt
La durée moyenne des prêts immobiliers a reflué de 3 mois entre février et janvier 2022, mais reste à un niveau historiquement élevé. Alors qu'elle était de 163 mois en 2001 (13,6 ans), elle cumulait 239 mois en février 2022, soit 19,9 ans. À mesure que les taux d'intérêt se réduisaient comme peau de chagrin, les durées progressaient. Un mouvement logique, car la durée d'emprunt est la variable d'ajustement la plus importante pour faire baisser le taux d'endettement. En allongeant la durée, on réduit la mensualité de crédit pour rester dans les clous de l'endettement.
Règle tacite jusqu'en janvier 2020, le taux d'effort bloqué à 35% des revenus nets est devenu une obligation légale imposée aux banques. Face à la cherté du foncier et à l'augmentation des prix immobiliers ces dernières années, les emprunteurs utilisent le levier de la durée pour améliorer leur capacité d'endettement et pour amortir l'exigence d'apport personnel.
Résultat, 63,7% des prêts destinés au financement de la résidence principale ont été octroyés sur une durée comprise entre plus de 20 et 25 ans en février dernier, soit la proportion la plus élevée jamais observée. La majorité des crédits s'approche désormais du seuil des 25 ans, durée maximale autorisée selon la norme réglementaire.
Dans ce contexte de stricte application des règles d'octroi édictées par le régulateur, la production de crédits souffre quelque peu. En janvier et février 2022, l'activité s'est contractée de 1,5% par rapport à la même période en 2021, elle-même fortement dégradée en glissement annuel compte tenu de la crise sanitaire. Les chiffres de mars diront si cette tendance perdure, il y a toutefois fort à parier que le contexte géopolitique d'une extrême gravité va davantage resserrer l'accès au crédit dans des proportions et sur une durée que nul ne peut aujourd'hui évaluer.