Les taux de l'usure pour le troisième trimestre 2020 affichent une hausse de quelques points qui devrait faciliter l'accès au financement immobilier sur les durées les plus courantes. À leur plus bas niveau depuis le début de l'année, les seuils légaux se relèvent enfin, mais l'impact sur la distribution du crédit risque d'être limité compte tenu du relèvement récent des taux d'emprunt.
Une remontée de l'usure en demi-teinte
Comme chaque fin de trimestre, la Banque de France fixe les nouveaux taux de l'usure pour le trimestre suivant. Publiés par avis au Journal Officiel au plus tard le dernier jour du trimestre, les seuils maximaux applicables à compter du 1er juillet 2020 enregistrent une légère remontée sur les durées classiques de 20 ans et plus, mais restent stables pour les prêts compris entre 10 et moins de 20 ans. Le tableau ci-dessous permet de comparer les valeurs d'un trimestre à l'autre.
Durées/Taux d’usure |
2ème trimestre |
3ème trimestre |
Variation |
Prêts d’une durée < à 10 ans |
2,41 % |
2,39 % |
-0,02 % |
Prêts d’une durée de 10 à < 20 ans |
2,40 % |
2,40 % |
0 % |
Prêts d’une durée de 20 ans et plus |
2,51 % |
2,57 % |
+0,06 % |
Prêts à taux variable |
2,27 % |
2,28 % |
+0,01 % |
Prêts-relais |
2,99 % |
3,01 % |
+0,02 % |
Ces taux légaux au-delà desquels les établissements de crédit ne peuvent accorder des financements aux particuliers sont en baisse constante depuis le premier trimestre 2018 sur toutes les durées. À l'époque, le taux d'usure sur 20 ans et plus titrait 3,36%, il descendra sous la barre des 3% au deuxième trimestre 2019. La fonte graduelle des taux d'intérêts pratiqués par les banques explique le mouvement baissier des taux légaux, puisque ces derniers sont calculés sur les taux effectifs moyens octroyés le trimestre précédent, augmentés d'un tiers. Ceux applicables pour la période du 1er juillet au 30 septembre témoignent donc de l'inflation des taux d'intérêts ces dernières semaines, une remontée imputable à la politique des banques, désormais exposées à des risques accrus par rapport à 2019.
Jouer sur l'assurance pour rester sous l'usure
Pour les emprunteurs qui demandent un financement immobilier sur les durées de 20 ans et plus, la timide remontée des taux de l'usure devrait leur faciliter la tâche. Ceux qui se trouvent actuellement sur le fil pourront bénéficier de ces 6 points supplémentaires pour faire passer leur dossier. Le taux de l'usure indique le TAEG (Taux Annuel Effectif Global) que les organismes de crédit ne doivent pas dépasser, taux qui agrège tous les coûts liés au financement, à savoir :
- les intérêts d'emprunt,
- les frais de dossier,
- les frais de garantie (hypothèque ou caution),
- les frais de tenue de compte,
- les primes d'assurance emprunteur.
Si le dossier est présenté par un intermédiaire, s'y ajoutent les dépenses de courtage.
Un emprunteur recalé par un TAEG outrepassant de quelques points le seuil de l'usure peut représenter sa demande à partir de juillet prochain. Il augmentera ses chances de décrocher son crédit à l'habitat s'il a pris l’excellente initiative de déléguer l'assurance à un prestataire externe. Les contrats individuels étant en moyenne deux ou trois fois moins chers, à garanties équivalentes, que les contrats bancaires, un emprunteur, quel que soit son profil, pourra faire baisser significativement le TAEG de sa demande de crédit en souscrivant une offre concurrente à celle présentée par le prêteur. L'assurance est d'ailleurs le seul et véritable levier d'économies en période de taux bas, puisqu'elle constitue le deuxième poste de coûts après les intérêts d'emprunt, voire le premier pour les seniors et les personnes présentant des risques de santé élevés.
Les taux d'intérêts augmentent plus vite que les taux d'usure
La remontée même modeste des taux d'usure sur 20 ans et plus est certes une bonne nouvelle pour les candidats concernés, mais elle aura malgré tout une incidence toute relative sur la distribution du crédit immobilier, car elle reste inférieure à la hausse des taux d'emprunt sur ces durées. Au cours du deuxième trimestre, les barèmes bancaires ont grimpé de 20 points en moyenne. Les profils les plus à risques sont mal armés pour négocier des taux d'intérêts performants, et se trouvent confrontés à l'effet ciseaux de l'augmentation des taux bruts et du niveau historiquement bas des taux légaux.
Les refus de prêts risquent malheureusement de toucher les mêmes types d'emprunteurs, ceux dont l'endettement frôle les 33%, maximum désormais autorisé, à savoir les ménages à revenus modestes comme les primo-accédants dotés d'un faible apport personnel, et les investisseurs locatifs qui pouvaient en 2019 s'endetter au-delà du tiers de leurs revenus grâce à l'encaissement les loyers. Les seuils légaux sont toujours trop bas pour soutenir le crédit immobilier, un problème qui n'est pas nouveau mais qui prend une proportion différente dans le contexte actuel.
L'année 2019 semble un lointain souvenir, quand les vannes du crédit immobilier, ouvertes en grand, ont permis plus d'un million de transactions. Les règles d'octroi édictées par le Haut Conseil de Stabilité Financière en décembre dernier orientent aujourd'hui davantage les financements vers les populations les plus aisées, celles qui obtiennent les taux d'emprunt les plus faibles sur les durées les plus courtes. Il en résulte le décalage entre les taux de l'usure et les taux effectifs réels : les taux de l'usure restent bas car ils sont calculés uniquement sur la base des dossiers acceptés.
Une lueur d'espoir toutefois pour ceux qui portent un projet immobilier : après être repartis à la hausse en avril dernier, les taux d'emprunt se stabilisent, signe d'une concurrence interbancaire dans une période de reprise cruciale pour le marché immobilier.