Vieillir chez soi est le souhait de 90% des Français. Encore faut-il bénéficier d'un habitat adapté à la problématique des seniors. Un rapport remis le 26 mai dernier au gouvernement explore les solutions pour accompagner le vieillissement sans nécessairement recourir aux Ehpad.
Favoriser le maintien à domicile : une révolution culturelle
Le vieillissement de la population est un enjeu de société qui va bien au-delà du sujet du très grand âge. Des études ont montré qu'une majorité des seniors n'ont que peu, voire pas du tout déménagé au cours de leur vie, et souhaitent demeurer le plus longtemps possible chez eux. La question du bien vivre est sous-jacente, elle implique l'invention d'une nouvelle forme d'habitat et l'adaptation de l'habitat existant, une problématique jusqu'alors peu traitée.
Selon l’Insee, en 2060, le nombre des plus de 85 ans atteindra en France 5 millions de personnes contre 1,4 million aujourd’hui. Or, seuls 6% du parc immobilier français est adapté aux plus de 65 ans.
Luc Broussy, président de France Silver Eco (réseau national des acteurs publics et privés de la Silver Économie), a remis mercredi 26 mai à l'exécutif un rapport interministériel intitulé "Nous vieillirons ensemble...", contenant 80 mesures visant l'adaptation des logements, des villes, des mobilités et des territoires à la transition démographique. En quelques mots, permettre aux seniors de mieux vieillir à domicile, ce qui suppose :
- un logement adapté aux fragilités présentes et futures
- bénéficier d'un quartier sécurisant et d'une ville accueillante, gages du maintien des liens sociaux
- des moyens adaptés de mobilités et de transports
- prendre en compte la "géographie du vieillissement", car il n'y a pas un vieillissement mais "des vieillissements", nul n’avançant en âge de la même façon selon l'environnement dans lequel on réside (urbain, périurbain, zones rurales, composition de la population, accès aux services, etc.)
L'approche se veut sociétale et intergénérationnelle, car tous nous vieillissons. L'arrivée au grand âge de la génération 68 est l'occasion de révolutionner la vieillesse et la massification du vieillissement une opportunité économique pour les jeunes générations.
Répondre aux besoins des 75-84 ans
D'ici la fin de la décennie, le nombre de personnes nées tout juste après la Seconde Guerre Mondiale, ceux qu'on nomme les baby-boomers, va quasiment augmenter de 50%, rappelle Luc Broussy. Cette génération, composée de citoyens encore autonomes, va rapidement être rattrapée par les soucis de santé inhérents à leur âge. Dans son rapport, Luc Broussy détaille diverses mesures pour faciliter leur maintien à domicile, notamment la mise en place d'un guichet unique d'aide aux travaux d'adaptation des logements, sur le modèle de Ma Prime Rénov' pour la rénovation énergétique de l'habitat résidentiel.
74% des seniors sont propriétaires de leur logement, majoritairement des pavillons et des maisons.
Les aides financières aujourd'hui proposées sont accordées uniquement si la personne est déjà en perte d'autonomie. Le rapport accorde une place centrale à la prévention, en effectuant les travaux d'adaptation en amont pour éviter les chutes qui provoquent chaque année des milliers de décès. Si la chambre est statistiquement le lieu où se produisent le plus fréquemment les chutes (20%), devant le salon (14%) et les parties extérieures (12%), la salle de bains et les toilettes sont facteurs de risques pour la personne âgée. Pour favoriser la diminution des chutes mortelles de 30% d'ici 2030, le rapport indique que l'adaptation des sanitaires semble un passage obligé.
Parmi les autres propositions phares de ce rapport, retenons :
- inclure la question du vieillissement parmi les priorités de la deuxième programmation d'Action Cœur de Ville
- évaluer les besoins d'adaptation du logement à chaque demande d'APA (Allocation Adulte Handicapé)
- l'obligation d'expertise d'un ergothérapeute pour toute demande de travaux d'adaptation du logement
- la possibilité pour les bailleurs sociaux de délivrer des prestations aux locataires âgés et de les facturer en plus des charges
- une attention particulière à la mobilité verticale des personnes âgées dans le parc social
- améliorer la connectivité des logements
Ne pas vieillir en Ehpad
À 90 ans, 75% des Français vivent à la maison. Pour ces seniors, vieillir à domicile consiste surtout à échapper à l'Ehpad. Parfois, la vie chez soi n'est plus possible, car le logement n'est pas aménagé à la problématique du grand âge. Il faut alors soit l'adapter, soit déménager dans un logement qui répond aux besoins, qu'il soit individuel ou en habitat collectif. Chaque retraité sera un jour confronté à ce choix. Il est donc important d'anticiper, pour éviter notamment aux nombreuses femmes qui se retrouvent seules de devoir gérer ces questions d'adaptation.
Le rapport insiste sur les résidences services seniors, proposant d'encourager le développement raisonné de cet habitat inclusif pour en assurer une bonne répartition territoriale. La mesure n°6 s'intéresse quant à elle aux résidences autonomie qui s'adressent aux personnes âgées majoritairement autonomes qui ne peuvent plus ou ne souhaitent plus résider chez elles pour diverses raisons (baisse des revenus, difficultés d'accès aux commerces et services, sentiment d'isolement). Ces résidences autonomie à loyer modéré permettent de continuer à vivre de manière indépendante, dans un environnement sécurisé, tout en bénéficiant des services collectifs (restauration, ménage, animations). Le rapport préconise d'engager une vaste politique de modernisation de ces quelque 2 200 résidences autonomie.
Tout le monde aspire à vivre le plus longtemps possible en totale autonomie. Ce rapport rappelle noir sur blanc les conditions qui peuvent favoriser le bien vieillir ensemble.