D'aucuns tablaient sur un affaissement du marché immobilier à cause de la crise sanitaire, l'activité est au contraire très dynamique et pour diverses raisons, à commencer par l'appétit des Français pour la pierre, valeur refuge en période troublée. Sur un an, les prix dans l'ancien ont gagné près de 6% et le nombre record de plus d'un million de transactions est en partie porté par le niveau historiquement bas des taux d'emprunt.
Comment le télétravail change le rapport au logement
Depuis mars 2020, les Français vivent une relation chahutée avec leur logement. Confrontés aux confinements successifs, aux restrictions de déplacement et à une modification de leur organisation quotidienne avec le télétravail, les ménages apprécient diversement leur habitat. Les citadins privés d'espace extérieur subissent, quand d'autres profitent d'une seconde résidence pour prendre l'air et travailler à distance. Entre les deux, des familles désireuses d'acheter un logement plus spacieux et mieux adapté aux contraintes du moment, dont la crainte est qu'elles perdurent, pour améliorer leur qualité de vie.
En février dernier, Malakoff Humanis a publié son baromètre annuel du télétravail. Cette pratique du travail à distance concernait 30% des salariés avant la pandémie de Covid-19. Au plus fort de la crise en mai 2020, 41% des salariés fonctionnaient en télétravail, dont 75% d’entre eux à 100%. Fin décembre, le pourcentage de personnes en télétravail est retombé à 31%. Aujourd'hui, 75% pensent que cette organisation va se développer, une très grande majorité de télétravailleurs (86%) souhaite d'ailleurs poursuivre sur cette voie, avec un nombre idéal de jours en télétravail à 2 par semaine.
Qui dit télétravail dit espace dédié, que le logement actuel n'offre pas toujours. Puisque la proximité de la résidence avec le lieu de travail n'est plus une nécessité, certains partent s'installer ailleurs, là où peuvent se concrétiser les promesses d'une vie plus calme avec toutes les commodités de la cité.
Demande forte pour les villes moyennes
Depuis plus d'un an, les envies de maisons se font plus prégnantes et soutiennent la tendance d'une progression des transactions. Fin mars dernier, le réseau d'agences immobilières Laforêt, comme tous les autres, observait une demande sans précédent pour les maisons à condition qu'elles se situent à distance raisonnable des agglomérations.
Dans toutes les régions, le désir d'acquisition se porte sur les logements dotés d'un extérieur et d'une pièce supplémentaire. En ville, les appartements avec balcon ou terrasse trouvent d'autant plus rapidement preneurs qu'ils sont lumineux et sans vis-à-vis. Un nouveau phénomène émerge, celui de la résidence semi-principale : ceux qui possèdent une résidence secondaire y séjournent désormais plus longtemps, un confort permis par le développement du télétravail.
Les villes de taille moyenne ou de banlieue ont la primeur des candidats à l'achat immobilier et jouissent d'une attractivité qu'on ne leur connaissait pas. Pas d'exode, mais un engouement particulier pour les communes de moins de 100 000 habitants et les bassins ruraux. Dans leur note de conjoncture d'avril 2021, les Notaires de France observent que le nombre de ventes de logements anciens a chuté de 12% en Île-de-France, au profit des départements limitrophes. À Paris, les prix intra-muros "s'assagissent", passant de 10 850€/m2 en novembre 2020 à 10 600€/m2 en avril 2021, un mouvement inédit pour la capitale où la hausse des prix affiche une franche régularité depuis de longues années.
Sur un an à fin mars 2021, les prix des logements anciens dans les régions ont bondi de 6,4%, avec une proportion légèrement plus forte pour les maisons (+6,5%) que pour les appartements (+6,3%). En zone francilienne, les maisons ont la cote, et voient leurs valeurs augmenter de 7,1%, tandis que les appartements ne progressent que de 3,6%. Dans des villes comme Le Havre, Brest, Caen, Chartres, Metz, Limoges, Poitiers, Angers, Troyes et Saint-Étienne, le prix médian des maisons anciennes a augmenté de plus de 10% sur un an au quatrième trimestre 2020.
La pénurie d'offres face à une demande exacerbée produit déjà ses effets dans certaines zones du littoral, comme dans le golf du Morbihan où des communes affichent une inflation immobilière de 15%. Sitôt publiée, une annonce est retirée, car le bien a immédiatement trouvé preneur.
Des chiffres qui font écho à ceux des Safer (Sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural), organes chargés de la transparence des marchés fonciers ruraux. En 2020, les ventes de maisons à la campagne ont grimpé de 6,6%. Si de nombreux acquéreurs achètent un lieu de villégiature, beaucoup pensent y habiter définitivement un jour.
Effet solvabilisateur des faibles taux d'emprunt
L'appétence naturelle des Français pour l'acquisition immobilière s'exprime d'autant mieux que les conditions d'emprunt leur sont favorables. En dépit des règles d'octroi imposées par le régulateur depuis janvier 2020 (double limitation du taux d'endettement et de la durée d'emprunt), les banques ont toujours soutenu la demande en proposant des taux hyper attractifs. Pas de philanthropie, mais un contexte monétaire propice avec un OAT 10 ans en territoire négatif depuis deux ans (repassé au-dessus de 0% ces derniers jours) et des taux de refinancement de la Banque Centrale Européenne toujours à 0%.
Selon les derniers chiffres de l'Observatoire Crédit Logement/CSA, les établissements financiers ont distribué des prêts immobiliers au taux brut moyen de 1,07% en mai 2021, soit le niveau le plus bas jamais enregistré. Sur la durée classique de 20 ans, on s'endette au taux moyen de 0,98%. Même les emprunteurs ne présentant pas les meilleurs profils ont bénéficié de taux performants, en moyenne 1,26% sur cette maturité.
La durée moyenne des prêts s'est en revanche allongée afin d'absorber les conséquences de la hausse des prix des logements et maintenir le taux d'effort sous la barre des 35% recommandée par les autorités financières, passant de 226,7 mois en janvier 2021 à 235,9 mois en mai 2021, soit la plus élevée jamais observée.
Un marché du neuf à la peine
À contre-courant du marché de l'ancien, le marché du neuf inquiète les professionnels de l'immobilier. Trois indicateurs essentiels sont passés dans le rouge et ont pour effet de reporter une partie de la demande vers les logements anciens, provoquant une inflation des prix sur ce segment, en particulier dans les zones tendues :
- -16,3% de logements autorisés à la construction au cours de douze derniers mois ;
- -11,3% de mises en chantier sur la même période, soit 44 000 logements de moins ;
- -24,1% de logements réservés sur l'année 2020.
Les programmes neufs sont majoritairement insérés dans un environnement urbain, voire très urbain, qui séduit aujourd'hui nettement moins les acheteurs pour des raisons que la crise a mis en exergue (pollution, transports, manque d'espaces verts, rapport prix/surface). L'immobilier neuf fait les frais de la crise sanitaire et économique (arrêt et retard des chantiers, ralentissement de la délivrance de permis de construire) et se heurte de surcroît aux nouveaux comportements immobiliers des Français.