Le Diagnostic de Performance Énergétique (DPE) entre en application dans une nouvelle version à compter du 1er juillet 2021. Obligatoire sur toutes les annonces de vente et de location des logements, il devient plus lisible et plus fiable, mais également opposable, et doit permettre de mieux identifier les passoires thermiques pour empêcher leur vente ou leur location.
Le DPE : un outil en mal de fiabilisation
Le nouveau DPE devait entrer en vigueur le 1er janvier 2021, mais la crise sanitaire a repoussé son application au 1er juillet prochain. La réforme est de taille, car le DPE nécessitait un gros effort de fiabilisation qui, depuis sa création en 2006, lui fait défaut. Initialement, le DPE a trois objectifs :
- renseigner le gouvernement sur la qualité du parc résidentiel grâce aux données des diagnostiqueurs immobiliers ;
- permettre au futur acquéreur ou locataire d'évaluer le coût du chauffage en comparant le DPE de plusieurs logements ;
- inciter les propriétaires à engager des travaux de rénovation énergétique.
Pour comprendre ce qui pèche, il faut revenir sur la conception du DPE et les méthodes de calcul. Le DPE attribue deux notes, chacune sous la forme d'une lettre allant de A (la meilleure) à G (la moins bonne). La première note correspond à la consommation annuelle d'énergie (chauffage et eau chaude sanitaire), divisée par la surface. La seconde note indique la quantité annuelle de CO2 produite par m2, toujours pour le chauffage et la production d'eau chaude, divisée par la surface. Un logement chauffé à l'électricité aura une meilleure note climatique qu'un autre chauffé au fioul, mais seule la première note énergétique sera retenue pour déterminer la classe du logement, de A (logement très performant) à G (logement énergivore ou passoire thermique).
Pour les logements construits avant 1948 et les appartements équipés d'un système de chauffage collectif, le diagnostiqueur utilise la méthode sur factures : le propriétaire fournit au professionnel les factures d'énergie (électricité, gaz) des trois dernières années, ou plus pragmatiquement, celles qu'il a pensé à archiver. Lorsque le chauffage est collectif, le diagnostiqueur doit effectuer un long calcul de répartition des charges. Quand les factures font défaut, le logement concerné hérite d'un DPE vierge ou sans étiquette, qui ne donne donc aucune information sur la performance énergétique ; ou alors, le diagnostiqueur fixe arbitrairement une note pour contenter l'agent immobilier et le propriétaire, afin de donner toutes ses chances à la transaction !
Pour les logements construits après 1948, on applique la méthode conventionnelle dite 3CL qui s'appuie sur une analyse des caractéristiques du bâti sans prendre en compte l'usage du logement : la note correspond alors à une occupation et un comportement standard moyen.
"Le DPE, du grand n'importe quoi !", l'impression est largement répandue chez les clients, acheteurs et locataires, comme chez les professionnels. Il suffit de reprendre les diverses enquêtes de l'association UFC-Que Choisir pour se rendre compte du "caractère folklorique" du DPE. D'un diagnostiqueur à l'autre, l'évaluation peut sauter trois classes énergétiques pour un même logement ! Avec des écarts de 300% sur les estimations de factures annuelles. L'association et l'ensemble des acteurs de l'immobilier réclamaient depuis des années de nouvelles mesures techniques pour fiabiliser le DPE. C'est chose faite avec cette réforme qui entrera en vigueur le 1er juillet prochain (décret n°202-1609 du 17 décembre 2020).
Une valeur verte encore discutable
La nouvelle version du DPE supprime la méthode de calcul sur factures. Le futur DPE s'appuiera sur une méthode unifiée pour tous les logements, prenant en compte cinq postes de consommation annuelle d'un logement :
- le chauffage,
- le refroidissement,
- la production d'eau chaude sanitaire,
- l'éclairage,
- la ventilation du bien.
Les diagnostiqueurs devront intégrer les caractéristiques physiques du logement comme le bâti, la qualité de l'isolation et le type de fenêtres.
Le deuxième changement concerne l'étiquette du logement qui sera déterminée en fonction de deux seuils, jusqu'à présent appréciée sur la seule base des besoins en énergie :
- la consommation d'énergie primaire,
- les émissions de gaz à effet de serre (GES).
À la fois énergétique et climatique, la classe sera dès lors attribuée sur la base de la pire de ces deux notes. Et c'est là que le bât blesse. Mécaniquement, de nombreux logements vont changer de classe énergétique. Par cette nouvelle approche, 600 000 logements chauffés à l'électricité quitteront les classes F et G (passoires énergétiques) pour passer en E sans avoir diminué leurs consommations de chauffage. L'effet est inverse pour quelque 800 000 habitations chauffées au fioul ou au gaz qui vont descendre en classe F ou G sans que leur consommation énergétique ait augmenté.
Le nouveau DPE pénalise ainsi les logements gros émetteurs de GES, ce qui semble vertueux pour avantager le chauffage au bois, mais contre productif s'agissant de l'électricité, l'énergie de chauffage la plus onéreuse. Le double seuil ne modifiera pas le nombre de passoires énergétiques qui restera à 4,8 millions de logements. Le ministère du Logement estime qu'environ 40% des habitations changeront de classe, mais que cette évolution sera limitée à une classe au plus. Étant donné le frein d'une mauvaise classe (de E à G) sur une vente ou une location, son impact sur le prix final et la rapidité de la transaction, les propriétaires rétrogradés risquent de remettre aux calendes grecques un projet de mise en vente ou en location.
Le nouveau DPE gagne également en lisibilité et en transparence grâce à une synthèse des informations les plus importantes et à l'estimation du montant moyen des factures énergétiques du logement.
Dernière modification et non des moindres, le DPE n'est plus seulement informatif, il devient juridiquement opposable, comme les diagnostics amiante, plomb, termites ou mérule : s'il a subi un préjudice réel en cas de DPE erroné, un acheteur ou un locataire pourra se retourner contre le vendeur ou le propriétaire, qui lui-même pourra poursuivre le diagnostiqueur. Le juge pourra exiger la réalisation de travaux de rénovation énergétique.
DPE : vers la fin des passoires thermiques
Depuis que l'étiquette énergie s'impose aux annonces de vente et de location de logements, le DPE est la pièce maîtresse du marché immobilier, sans qu'on puisse réellement s'y fier. Avec la nouvelle version, plus lisible et plus fiable, le gouvernement veut éradiquer les passoires thermiques à l'horizon 2028, faisant du DPE et de l'aide à la rénovation énergétique (MaPrimRénov') ses principaux outils pour lutter contre les logements énergivores.
Pour y voir plus clair, voici le calendrier des mesures qui doivent permettre d'agir sur l'habitat :
- depuis le 1er janvier 2021 : les propriétaires bailleurs dont la consommation énergétique du logement est égale ou supérieure à 331 kWh/m2/an (classes F et G) ne peuvent plus augmenter leur loyer lors de la remise en location du bien.
- au 1er juillet 2021 : le nouveau DPE entre en application pour tous les logements mis en vente ou en location. Les DPE réalisés selon l'ancienne méthode restent valables jusqu'à fin 2024, sauf si leur validité expire entre temps.
- au 1er janvier 2022 : en application de la loi Énergie-Climat de 2019, un audit énergétique du bien sera nécessaire pour vendre une passoire thermique. Cet audit comprendra des propositions de travaux, une estimation des coûts et une estimation du gain d'énergie.
- au 1er janvier 2023 : il sera interdit de louer des logements dont la consommation d'énergie finale excédera 450 kWh/m2/an (décret Décence).
- en 2024 : le DPE pourrait être obligatoire pour tous les bâtiments d'habitation collective (projet de loi Climat et Résilience). Les syndics devront adopter un plan pluriannuel de travaux dédiés à la rénovation énergétique et provisionner les dépenses dans le fonds de travaux de la copropriété.
- au 1er janvier 2025 : les DPE ancienne méthode ne pourront plus être utilisés. Il sera interdit de louer des logements classés G.
- au 1er janvier 2028 : il sera interdit de louer des logements classés F et G.