À compter de janvier 2022, les banques devront appliquer scrupuleusement les règles formulées par le régulateur en janvier dernier sous peine de sanction. Le bilan de ces recommandations montre que les établissements de crédit les ont bien intégrées, tout en utilisant la marge de manœuvre autorisée. Ce nouvel encadrement du crédit serait-il superflu ?
Règles d'octroi obligatoires
Mardi 14 septembre, le Haut Conseil de Stabilité Financière (HCSF) a pris la décision d'imposer juridiquement les consignes relatives à la distribution des crédits immobiliers aux particuliers qu'il avait émises en janvier dernier. À partir du 1er janvier 2022, les banques auront interdiction d'accorder des prêts au-delà de 25 ans (sauf pour les achats sur plan, avec différé d'amortissement de 2 ans) et devront respecter la limite du taux d'endettement à 35% des revenus nets (assurance emprunteur incluse). La norme sera publiée par décret dans les jours à venir, a indiqué l'Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR) qui sera en charge d'infliger des sanctions aux récalcitrants.
Pour mémoire, en janvier 2020, les consignes étaient plus sévères, puisque le taux d'effort maximum était de 33% et la durée absolue de 25 ans. Le diagnostic des risques dans le secteur de l'immobilier résidentiel, établi en octobre 2019, soulignait la dégradation progressive des conditions d'octroi des prêts à l'habitat depuis les cinq dernières années. Il observait notamment l'augmentation des taux d'effort et un allongement des durées d'emprunt. La crainte était un endettement excessif des ménages dans un contexte marqué par des taux d'intérêt très faibles et une accélération des prix de l'immobilier.
Les autorités de régulation ont donc assoupli leurs recommandations sous la pression des professionnels, inquiets de l'exclusion massive de certaines clientèles, également sur la base d'un premier bilan qui a montré la discipline des banques à s'y plier. Une certaine latitude leur est toutefois permise : elles peuvent sortir des clous à hauteur de 20% des dossiers de prêt et ces dérogations doivent concerner à 80% l'acquisition de la résidence principale et à 30% des primo-accédants.
Normalisation des conditions d'octroi
Le bilan de ces recommandations en place depuis janvier 2021 permet d'affirmer que les banques sont largement respectueuses. Qu'il s'agisse du taux d'endettement ou de la maturité, les prêteurs ont bien intégré les consignes, qu'ils savaient être à l'avenir transposées dans le droit. Le HCSF ne les a pas pris en traite, puisqu’il avait précisé, dès janvier 2021, vouloir imposer juridiquement l’encadrement du crédit immobilier.
Les chiffres de la production de juillet 2021 indiquent que 18% des nouveaux prêts présentent un taux d'effort supérieur à 35%, soit une diminution de 14 points en pourcentage par rapport à janvier 2020, date d'entrée en application des premières consignes. Le taux d'effort moyen se situe désormais à 30%.
Idem pour la durée d'emprunt. L'entrée en lice de recommandations a permis une diminution de la part des prêts immobiliers avec une maturité excédant 25 ans : elle est passée de 12,8% en janvier 2020 à 6% en juillet 2021. La durée moyenne a cependant gagné 2 mois entre ces deux dates, pour se situer à 21 ans et 9 mois. Le contexte de taux d'intérêt historiquement bas a permis aux emprunteurs de s'endetter sur une durée plus longue pour respecter la norme de l'endettement.
Ces ajustements ont par ailleurs été rendus possibles grâce à la mobilisation d'un apport initial plus important. Les crédits immobiliers financent en moyenne 82,4% de la valeur du bien (-3,1 points par rapport à janvier 2020), soit plus de 17% laissés à la charge de l'acquéreur.
En juillet 2021, 20,9% de la production de crédits immobiliers étaient hors normes, soit une proportion très proche de la flexibilité admise (20%). "Cette normalisation des conditions d’octroi a donc accru la sûreté du crédit immobilier pour les ménages sans entraver leur accès", conclut le bilan du HCSF. La production de crédits à l'habitat en 2020 a atteint un niveau similaire au record de l'année 2019, et l'encours a crû de 6,7% en rythme annuel en juillet 2021 malgré la crise sanitaire et économique.
Qu’en pensent les professionnels ?
Les courtiers en crédit, maillons essentiels du marché immobilier, n’ont pas attendu la normalisation des conditions d’octroi pour s’inquiéter de l’exclusion des plus fragiles, ceux qui ne disposent pas d’un apport personnel suffisant, également des investisseurs locatifs, souvent endettés avec un premier prêt sur la résidence principale. Meilleurtaux voit un risque de "fracture entre d'un côté les plus aisés ou plus âgés disposant d'une belle épargne, et de l'autre les plus jeunes disposant d'un apport moins important".
Les grands réseaux d’agences immobilières sont plus confiants, tout en convenant du caractère contraignant des règles pour l’investissement locatif. La Fédération bancaire française a quant à elle pris note de la décision du HCSF et rappelé que les banques ont toujours financé leurs clients de manière responsable et qu’elles continueront à le faire.