Les autorités de régulation ont durci les conditions d'octroi des crédits immobiliers aux particuliers. Taux d'endettement et durée d'emprunt sont encadrés strictement et ces normes, qui seront juridiquement contraignantes pour les banques à compter de janvier 2022, concernent tous les emprunteurs, qu'ils soient primo-accédants, acheteurs d'une résidence secondaire ou investisseurs locatifs. Pour ces derniers, la raréfaction de l'offre, couplée à une méthode de calcul du taux d'effort bien précise, rend difficile la concrétisation d'un projet locatif.
Le crédit immobilier rigoureusement encadré
Le niveau très faible des taux d'intérêts, soutien majeur au marché immobilier ces trois dernières années, a conduit les autorités financières à freiner l'accès au crédit des particuliers. Les signes de surchauffe étaient prégnants, susceptibles de générer des risques d'endettement excessif des ménages et de déstabilisation du secteur bancaire. Le holà est mis par le Haut Conseil de Stabilité Financière (HCSF) fin 2019.
Dès janvier 2020, les banques ont eu pour consigne de limiter le taux d'endettement à 33% des revenus nets de l'emprunt et la durée d'emprunt à 25 ans. Sous la pression des acteurs de l'immobilier et compte tenu de la relative obéissance des établissements de crédit à se plier aux règles, l'encadrement du crédit immobilier est quelque peu assoupli en janvier 2021 :
- le taux d'effort est rehaussé à 35% maximum (assurance emprunteur incluse) ;
- la durée de remboursement peut passer à 27 ans (25 ans + 2 ans de différé d'amortissement) en cas d'achat dans le neuf avec jouissance du bien postérieure à l'octroi du financement.
Ces recommandations s'inscrivent dans le marbre, puisqu'à compter de janvier prochain elles s'opposent aux banques et entraînent des sanctions pour les établissements qui s'écarteront des marges de flexibilité autorisées (20% des dossiers de crédits répartis à 30% au moins pour la primo-accession et à 80% au moins pour l'acquisition de la résidence principale).
Les investisseurs locatifs ne peuvent solliciter de financement hors de ces normes, d'autant qu'ils n'ont pas droit à la souplesse accordée aux primo-accédants. Les chiffres du dernier bilan du HCSF montre que ce type de clientèle immobilière est pénalisé par les critères d'octroi qui limitent la proportion des dossiers hors normes à 20% : "La part de la production non conforme hors résidence principale (investissement locatif essentiellement) est passée de 7,8% à 5,2% de la production totale entre janvier et juillet 2021, se rapprochant ainsi de la limite de 4%, tandis que la part de la production non conforme hors primo-accédants est passée de 20,1% à 15,4%, pour une limite de 14%".
Attention à la méthode de calcul du taux d'endettement
Si la HCSF assure que "la normalisation des conditions d'octroi a accru la sûreté du crédit immobilier pour les ménages sans entraver leur accès", les investisseurs locatifs ne peuvent emprunter au-delà de 35% d'endettement, et ce, quel que soit leur niveau de revenus. En présence d'un premier prêt sur la résidence principale, difficile pour beaucoup d'ajouter une autre dette en restant dans les clous, même si leur reste à vivre est plus que largement décent, à moins de mobiliser un apport personnel conséquent qui vient diminuer le montant à emprunter.
Le respect des règles du taux d'effort s'accompagne d'une autre contrainte : la fin du calcul différentiel qui permettait de déduire 70% des revenus locatifs de la mensualité du crédit immobilier, et pouvait donner l'impression d'un effort d'épargne nul voire négatif. Désormais, les loyers sont ajoutés aux revenus professionnels, le résultat venant en division des charges d'emprunt. Conséquence, le taux d'endettement est supérieur, jusqu'à excéder la norme des 35% dans certains cas.
Exemple avec un investisseur qui achète un appartement de 200 000€ avec un crédit sur 25 ans au taux d'intérêt de 1,16% assorti d'une assurance au taux de 0,34%. Il gagne 4 000€ et compte percevoir 900€ de loyers mensuels avec cet investissement. L'emprunteur rembourse déjà un crédit pour sa résidence principale (1 067€/mois). La mensualité du nouveau prêt s'élève à 825€ par mois, assurance incluse.
- méthode différentielle
Les loyers sont comptabilisés à 70% soit un revenu locatif de 630€ duquel on est déduit le remboursement d'emprunt pour l'achat locatif : on obtient un solde différentiel négatif de 195€. Ce montant est retranché des revenus professionnels, soit un total de 3 805€ de ressources mensuelles.
Avec une mensualité de 1 067€ en cours, le taux d'endettement est estimé à 28,04%.
- méthode classique imposée par le HCSF
Les revenus globaux passent à 4 630€ (4 000€ + 70% des loyers) et les charges totales d'emprunt à 1 992€ (1 067€ + 825€). Le taux d'effort passe alors à 43,02%, incompatible avec les règles du HCSF, malgré un reste à vivre de 2 638€ par mois.
Le calcul différentiel était pratiqué par plusieurs enseignes bancaires au profit des meilleurs dossiers. Il permettait aux investisseurs d'utiliser le levier de la dette pour se constituer un patrimoine. C'est désormais révolu.