Le taux du Livret A ne sera pas revalorisé en août et restera bloqué à 3% jusqu’en 2025. Une des raisons de cette stagnation du rendement du livret préféré des Français est d’empêcher que le coût du crédit immobilier n’augmente. Cela mérite quelques explications.
Taux du livret A maintenu à 3%
Les paris allaient bon train entre hausse ou gel du taux du Livret A en août 2023. C’est la deuxième option qui gagne. Le taux de rémunération du plus ancien et du plus utilisé des produits d’épargne reste maintenu à 3% et garanti pendant dix-huit mois, soit jusqu’en janvier 2025, et ce, quelle que soit l’évolution de l’inflation. Selon les prévisions de la Banque de France, l’inflation dans notre pays atteindrait en moyenne 5,6% en 2023 et 2,6% en 2024.
Annoncée sur TF1 jeudi 13 juillet dernier par le ministre de l’Économie et des Finances Bruno Le Maire, la décision de bloquer le taux du Livret A relève de « raisons d’intérêt économique national ». C’est une mauvaise nouvelle pour les épargnants qui espéraient une revalorisation du rendement de leur livret préféré autour de 4% conformément à la formule mathématique officielle.
Si l’intérêt des épargnants est pénalisé, celui des emprunteurs s’en trouve préservé. À l’heure où le marché de l’immobilier s’installe dans une crise plus sévère que celle de 2009, Bruno Le Maire estime avoir pris une « décision majeure » qui va non seulement donner « de la sécurité, de la stabilité et de la lisibilité aux 64 millions de Français qui ont un Livret A », mais aussi empêcher l’augmentation du coût du crédit immobilier.
Rappelons que le Livret A contribue au financement du logement social, car une grande partie des fonds collectés, qui sont centralisés par la Caisse des Dépôts et Consignations, est prêtée à long terme aux organismes comme les offices HLM pour construire et rénover.
Pourquoi maintenir le taux du Livret A à 3% ?
En prenant le parti d’augmenter le taux du Livret A, l’État aurait alourdi de plusieurs milliards d’euros la dette des offices HLM et des autres organismes de logement social, ce qui aurait un très mauvais signal à un moment de grande tension avec les banlieues. Le maintien du taux à 3% permettrait de financer quelque 32 000 logements sociaux.
Deuxième raison et elle concerne directement les épargnants d’un autre produit fort apprécié dans notre pays : éviter davantage l’altération de l’assurance vie. En mai 2023, l’hémorragie sur les fonds en euros a continué (collecte nette négative de -3,3 Md€), même si l’encours total reste en très légère hausse sur un an (1 883 Md€). Les fonds en euros pâtissent des obligations à taux zéro ou négatif de ces dernières années et sont directement concurrencés par le Livret A dont la collecte est neuf fois supérieure depuis janvier 2023. Comparé à celui du Livret A (3% nets d’impôt, puisqu'il s'agit d'épargne défiscalisée), le rendement des fonds en euros fait pâle figure : 2% en moyenne, avant fiscalité.
Or, l’assurance vie est un gros sponsor de la dette de l’État français, aux alentours de 20%. Il faut donc empêcher que les particuliers, indirectement détenteurs d’une partie significative de la dette publique du pays, se détournent de ce placement indispensable au financement de l’État français.
Bénéfique pour le marché immobilier
Le maintien du Livret A à 3% pendant un an et demi est aussi profitable au marché du crédit et aux emprunteurs. En renforçant l’attractivité du Livret A, l’État aurait davantage siphonné les liquidités des banques de détail et creusé les difficultés auxquelles elles font face en raison du contexte monétaire qui réduit leur profitabilité sur les nouveaux prêts. Environ 35% des fonds versés sur le fameux livret sont collectés par les établissements de crédit. Une hausse du rendement augmenterait le coût de leurs ressources, ce qui contribuerait à fermer encore plus le robinet du crédit.
Parmi les chiffres choc de la crise de l’immobilier 2023, on peut rappeler que 2,3 millions de personnes sont en attente d’un logement social et que le rythme de la baisse des nouveaux crédits s’est accéléré au deuxième trimestre, à -51,9% en glissement annuel à fin juin 2023 (chiffres Observatoire Crédit Logement).