Voilà un vendredi 13 qui aura porté chance au secteur de l'immobilier. Contre toute attente, le gouvernement a décidé de proroger le dispositif d'investissement locatif Pinel jusqu'à fin 2024, l'idée initiale étant de le supprimer au terme de l'année 2021. En revanche, la carotte fiscale sera moins avantageuse. Retour sur une mesure dont l'efficacité fait débat depuis des années.
Loi Pinel : une prolongation surprise
Vendredi 13 novembre dernier, l'Assemblée Nationale examinait le projet de loi de finances pour 2021 et votait dans la soirée l'adoption de l'amendement n°II-3646 visant la prolongation de la loi Pinel jusqu'au 31 décembre 2024. Une décision qui a valeur de revirement, puisque mardi 10 novembre la ministre du Logement Emmanuelle Wargon annonçait la reconduction du Pinel pour une année supplémentaire, c'est-à-dire jusqu'à fin 2022, alors même que le dispositif devait expirer fin 2021.
Cette mesure d'aide à l'investissement locatif est entrée en vigueur en septembre 2014, en remplacement du Duflot lui-même successeur du Scellier. Elle concerne les logements neufs ou en l'état futur d'achèvement situés dans les zones tendues (A, Abis et B1), dans les communes couvertes par un Contrat de Redynamisation de Site de Défense Actif (CRSD) et dans les communes ayant signé une convention Cœur de Ville ou d'opération de revitalisation du territoire.
Depuis janvier 2020, le Pinel est uniquement réservé aux opérations réalisées dans les bâtiments d'habitation collectifs, les maisons étant exclues du champ d'application. Voici les autres principes du dispositif :
- le logement est loué nu pendant 6 ou 9 ans, prorogeables jusqu'à 12 ans ;
- les revenus des locataires doivent être inférieurs au plafond fixé ;
- la location est soumise au respect des plafonds de loyers ;
- le logement peut être loué à un ascendant ou à un descendant du propriétaire, sous réserve qu'il ne fasse pas partie de son foyer fiscal et que les plafonds de ressources et de loyers soient respectés.
Loi Pinel : l'avantage fiscal diminué
L'avantage fiscal est croissant, réparti sur la durée d'engagement et porte sur les opérations éligibles dans la limite de 300 000€ et de 5 500€ par mètre carré. Pour les années 2021 et 2022, s'appliqueront des taux de réduction d'impôt identiques à ceux de 2020 :
- 12% pour un engagement locatif de 6 ans ;
- 18% pour 9 ans ;
- 21% pour 12 ans.
La réduction d'impôt est accordée au titre de l'année d'achèvement du logement (ou des travaux de réhabilitation) ou de son acquisition si elle est postérieure et imputée sur l’impôt au titre de cette même année et chacune des 5, 8 ou 11 années suivantes en fonction de la durée de l’engagement de location.
Pour les opérations menées à compter de janvier 2023, l'avantage fiscal sera calculé sur les mêmes bases, mais nettement moins attractif :
- logement acquis ou achevé en 2023 : 10,5% pour une période de location de 6 ans & 15% pour une période de location de 9 ans
- logement acquis ou achevé en 2024 : 9% pour une période de location de 6 ans & 12% pour une période de location de 9 ans.
Au-delà de la première période d'engagement, le propriétaire qui décide de prolonger la location de son bien bénéficiera d'une réduction d'impôt comprise entre 2% et 4,5% par an contre 3% à 6% actuellement.
Loi Pinel : un dispositif controversé
Le gouvernement n'est donc pas resté sourd aux appels des professionnels qui réclamaient la survie du Pinel pour soutenir l'immobilier neuf. Compte tenu du contexte économique actuel, la prorogation du Pinel accompagnée d'une réduction progressive en 2023 et 2024 va permettre d'organiser la transition vers un dispositif plus efficient. Le Pinel reste inchangé jusqu'en 2024 pour les logements situés dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville ou qui satisfont aux normes environnementales exceptionnelles, comme stipulé dans l'amendement.
Le Pinel était en sursis après la polémique suscitée par un rapport de la Cour des Comptes datant de mars 2019. L'institution remettait en question l'efficacité des dispositifs financiers en matière de logement, reprochant au Pinel des objectifs peu lisibles pour une perte de recettes significatives. La Cour estimait que les dépenses fiscales ne permettaient pas de "développer une offre locative privée dans les zones en tension avec effet de modération des loyers" et démontrait que le coût annuel d'un logement bénéficiant de l'avantage Pinel était trois fois plus élevé que celui d'un logement social comparable, financé par un prêt locatif social, alors même que la durée de location est nettement supérieure. Les dispositifs d'incitation fiscale contribueraient en outre à la spirale haussière des prix immobiliers dans notre pays.
Le gouvernement avait toutefois décidé de prolonger le Pinel jusqu'en 2021, le recentrant sur les zones tendues. Les critiques n'ont pas cessé pour autant. S'appuyant sur le rapport de la Cour des Comptes, le rapporteur du budget de l'époque, le député Joël Giraud (LREM), épinglait le Pinel au motif qu'il profiterait essentiellement aux ménages les plus aisés : sur les 351 millions d'euros dépensés par l'Etat en 2017 pour cette niche fiscale, 71% sont allés aux 10% de foyers les plus riches. Le rapporteur dénonçait par ailleurs une absence de contrôle des engagements (localisation du logement, plafonds de loyers et de ressources du locataire, durée locative). En 2019, la facture pour les finances publiques a atteint 745 millions d'euros pour 200 000 ménages bénéficiaires et en 2020, la note est escomptée à près d'un milliard d'euros.
Le débat s'enflamme quand une étude d'évaluation, commandée par un panel de professionnels du secteur et publiée par le cabinet indépendant PrimeView en septembre 2019, redore le blason des dispositifs fiscaux soutenant l'immobilier neuf : 1€ investi par l'État en loi Pinel rapporterait 1,65€ !
La réponse officielle ne s'est pas faite attendre. En novembre 2019, l'Inspection Générale des Finances (IGF) et le Conseil Général de l'Environnement et du Développement Durable (CGEDD) jugent le Pinel trop coûteux pour les dépenses publiques, sans effet avéré sur la baisse des loyers, même si on lui reconnaît un réel soutien dans la construction de logements. Les deux institutions recommandent alors de mieux cibler l'attribution de l'avantage fiscal en créant un zonage de projet.
Une expérimentation de zonage propre au Pinel est actuellement en cours en Bretagne : il appartient au préfet de région de déterminer les besoins au cas par cas, afin d'accorder l'avantage fiscal uniquement aux communes ou quartiers se caractérisant par une tension élevée du marché locatif. En raison de la publication tardive de l'arrêté préfectoral à cause de la crise sanitaire, l'expérimentation bretonne sera prolongée jusqu'au 31 décembre 2022.