La domiciliation des revenus lors d'une demande de crédit immobilier est une pratique encadrée depuis un an. Le Comité Consultatif du Secteur Financier réclame l'abrogation du texte au grand dam des banques.
Domiciliation des revenus, une pratique abusive
L'encadrement de la domiciliation des revenus est entré en application par ordonnance en janvier 2018. Le ministre de l'Economie Bruno Le Maire avait souhaité que cette pratique bancaire qui consiste à exiger que l'emprunteur domicilie des salaires et revenus assimilés durant la durée du prêt soit réglementée pour éviter conflits et abus. En contrepartie de cette contrainte, limitée à 10 ans depuis le 1er janvier 2018, l'emprunteur bénéficie d'un avantage (souvent un taux préférentiel) clairement stipulé au contrat. En cas de rupture de l'engagement, le client perd ce "cadeau" et la banque peut appliquer des pénalités rétroactivement.
Jusqu'alors, la domiciliation des revenus, prérequis pour obtenir un financement, reposait sur un accord tacite entre l'établissement prêteur et son client, parfois la contrainte faisait l'objet d'une clause écrite dans le contrat de prêt. Les associations de consommateurs se sont longtemps émues de cette clause abusive qui rend l'emprunteur captif sur la durée de son emprunt. A plusieurs reprises, la commission des clauses abusives avait d'ailleurs émis un avis défavorable, estimant que "les clauses selon lesquelles l'emprunteur est tenu, pendant toute la durée du prêt, de verser l’ensemble de ses revenus sur un même compte dans l'établissement du prêteur peuvent apparaître déséquilibrées si cette obligation n’est accompagnée d'aucune contrepartie individualisée au profit de l’emprunteur". L'instance avait réclamé la suppression de toute clause ne prévoyant pas de contrepartie individualisée.
Les effets pervers de la domiciliation des revenus
En légiférant, le gouvernement a malheureusement offert toute légitimité à la pratique. En l'absence de clause écrite sur la domiciliation des revenus, c'est-à-dire par simple accord tacite, l'emprunteur pouvait auparavant changer de banque quand il le souhaitait et cela, sans pénalités. Désormais, le voilà lié à la banque pour 10 ans sous peine de perdre la compensation.
Sur demande de Bruno Le Maire, le Comité Consultatif du Secteur Financier a livré le premier bilan de l'encadrement de la domiciliation des revenus. Pour mémoire, le CCSF est composé de représentants des banques, des associations de consommateurs, des organisations syndicales et des courtiers en banque et en assurance. A la lecture de ce rapport, on constate une fois encore la dichotomie entre les établissements bancaires et le reste du monde : les banques souhaitent le maintien de l'ordonnance, alors que les autres représentants, c'est-à-dire la quasi totalité des membres du CCSF, demandent son abrogation et un retour à la situation antérieure. Pour ces derniers, non seulement l'encadrement de la domiciliation des revenus ne permet pas de clarifier la nature de l'avantage individualisé (comment en effet savoir si l'emprunteur bénéficie réellement d'un taux préférentiel, puisque chaque dossier de prêt est par définition unique et personnalisé à l'aune du profil du client ?), mais il pourrait de surcroît avoir l'effet inverse, c'est-à-dire une généralisation de la clause de domiciliation.
En l'absence de consensus, la présidente du CCSF, Corine Dromer, favorable elle aussi à l’abrogation du texte, propose de réduire la durée de la domiciliation des revenus à 5 ans. Compte tenu du calendrier législatif, il paraît en effet impossible d'abroger l'ordonnance dans l'immédiat. Ecourter la durée de domiciliation des revenus est une suggestion bien accueillie par les représentants de consommateurs et d'organisations syndicales, et qui pourrait être mise en place rapidement sur simple bon vouloir du gouvernement.