La domiciliation des revenus dans le cadre d'un crédit immobilier fait polémique depuis des années. Entrée en vigueur il y a un an, l'ordonnance visant à réglementer cette pratique parfois considérée comme abusive n'a pas arrangé le problème. La solution est peut-être imminente grâce à un amendement tout juste voté à l'Assemblée Nationale qui prévoit de mettre fin à la domiciliation des revenus auprès de la banque prêteuse pendant dix ans.
Les emprunteurs, otages des banques durant dix ans minimum
Fin de semaine dernière, les députés ont adopté un amendement au projet de loi Pacte qui supprime la possibilité pour les banques de lier l'octroi d'un crédit immobilier à la domiciliation bancaire des revenus de l'emprunteur. Ce texte vise à abroger l'ordonnance de juin 2017, appliquée depuis janvier 2018, qui autorise les établissements de crédit à exiger que le détenteur d'un prêt immobilier domicilie ses salaires et revenus assimilés pendant une période maximale de 10 ans. Cette condition ne peut se faire qu'en contrepartie d'avantage(s) dûment stipulé(s) dans l'offre de prêt (taux préférentiel par exemple). En cas de changement de banque avant le seuil des 10 ans, l'emprunteur perd le bénéfice de l'avantage consenti et écope de pénalités. A l'issue des 10 ans, s’il change de banque, il conserve l'avantage octroyé. L'amendement visant à supprimer cette contrainte de domiciliation bancaire est sur les rails législatifs ; la mesure devrait entrer en vigueur en juin prochain, date prévue de l'adoption définitive de la loi Pacte.
Entre frein à la mobilité bancaire et instabilité réglementaire
La fin de la domiciliation bancaire est vivement souhaitée par les courtiers, les associations de consommateurs et même par la présidente du Comité Consultatif du Secteur Financier (CCSF) Corinne Dromer, qui s'était personnellement exprimée en faveur de l'abrogation de l'ordonnance à l'occasion du premier bilan. En voulant réguler la domiciliation des revenus dans le cadre d'un crédit immobilier, le gouvernement a permis à la pratique, en totalité contradiction avec la mobilité bancaire qu’il prône, de se durcir.
La domiciliation bancaire ne fait l'objet d'aucune obligation légale. Elle procède généralement d'un accord tacite entre la banque et le client emprunteur. L'ordonnance entrée en application en janvier 2018 formalise l'engagement, donnant la possibilité aux banques de garder captifs les clients sur une longue durée de 10 ans. En l'absence de clause stipulée au contrat de prêt, l'emprunteur est libre de changer de banque. Dans les faits, les emprunteurs estiment bien souvent légitime l'exigence de la banque de domicilier les revenus qui assumeront les mensualités du crédit. Au-delà de cette période imposée de 10 ans pour le moins excessive, le problème de la clause de domiciliation est l'illusion qu'elle procure un avantage tangible. Comment mesurer si le taux octroyé est réellement préférentiel, puisque par définition chaque dossier se voit attribuer un taux personnalisé ? La crainte soulevée par le CCSF est que la clause de domiciliation soit généralisée, constituant un frein à la mobilité bancaire.
Le CCSF préconisait de réduire la durée de domiciliation à 5 ans, une solution bancale face à une abrogation de l'ordonnance qu'il pensait impossible dans l'immédiat. Les députés auraient-ils entendus les arguments de courtiers ? Pour l’auteur de l’amendement, la députée LREM de l’Hérault Coralie Dubost, "cette situation de monopole des banques est en contradiction avec le droit de la consommation français comme européen". L'Afub (Association des usagers des banques) avait d'ailleurs saisi le Conseil d'Etat sur cette question, qui a lui-même saisi la Cour de justice de l'Union Européenne. On reviendrait donc à la situation antérieure à 2018, ce que déplore la Fédération bancaire Française (FBF) qui dit regretter "l'instabilité réglementaire" et réclame de nouveau le maintien de l'ordonnance.