L'égalité d'accès au prêt bancaire est un sujet tout récemment abordé par la loi Lemoine dont les dispositions entrent en vigueur le 1er juin prochain. A priori, un emprunteur en situation d'invalidité ne peut être discriminé, disposant des mêmes droits d'accès au crédit qu'une personne valide. Dans les faits, l'invalidité peut être un frein. Quels sont les dispositifs censés faciliter l'accès au prêt des personnes invalides ?
L'accès au crédit des personnes invalides
La législation française ne prévoit aucun droit au crédit. Les banques restent seules décisionnaires dans l'attribution des financements pour des projets quelle que soit leur nature (consommation, immobilier, travaux). La question de l'égalité d'accès aux emprunts bancaires est donc légitime, puisque rien ne s'oppose aux prêteurs dans l'octroi des crédits, hormis les normes d'emprunt strictement encadrées par le régulateur (double limite du taux d'endettement à 35% et de la durée de remboursement à 25 ans).
En mars 2021, la sénatrice du Nord Michelle Gréaume avait interrogé le gouvernement sur les difficultés d'accès au crédit des personnes en situation de handicap, mettant en exergue la distinction opérée avec les valides en dépit de droits identiques entre les personnes, quel que soit leur état de santé. La ministre déléguée au ministère de l’Économie, des Finances et de la Relance, Agnès Pannier-Runacher, avait réfuté ce constat et affirmé n'avoir observé aucun "blocage généralisé pour l'accès au crédit bancaire des personnes en situation de handicap".
La banque peut donc aussi bien accorder que refuser un prêt et n'a pas à se justifier. Il apparaît alors difficile d'affirmer que l'invalidité peut être un frein à l'accès au crédit, tout comme de soutenir que l'invalidité n'est jamais la cause d'un refus de prêt, même si une telle discrimation est interdite par la loi et peut donner lieu à des actions en justice si elle est prouvée. La jurisprudence nous indique que les personnes discriminées ont toujours gain de cause, sans pour autant accéder au crédit.
La garantie invalidité de l'assurance emprunteur
Dans sa question au gouvernement, la sénatrice Michelle Gréaume avait soulevé deux écueils principaux pour les personnes invalides lors d'une demande de prêt bancaire :
- l'insuffisance de ressources : les banques refusent très souvent de considérer la pension d'invalidité comme un revenu fixe, car elle n'est pas saisissable en cas d'impayés ;
- la sélection médicale lors de la souscription à l'assurance emprunteur : l'invalidité doit être déclarée dans le questionnaire de santé, justifiant une couverture et une tarification adaptées, ou un refus d’assurance.
L'assurance est systématiquement exigée par le prêteur pour garantir le remboursement du crédit en cas d'aléas de la vie qui empêcheraient l'emprunteur de s'acquitter de sa dette. Le décès et la perte totale et irréversible d'autonomie sont les deux risques majeurs couverts par l'assurance. S'y ajoutent des garanties invalidité et incapacité (voire perte d'emploi) qui viennent renforcer la protection et de l'emprunteur et du prêteur en fonction du profil du premier.
Or, l'aléa est une notion inhérente au contrat d'assurance dont les effets dépendent d'un événement incertain. La garantie invalidité se déclenche si l'emprunteur devient invalide en cours de prêt, prenant en charge une partie des mensualités selon le niveau de garantie souscrit. Les personnes déjà en situation de handicap lors de la souscription à l'assurance peuvent donc essuyer un refus au motif que le contrat ne permet pas de couvrir le risque.
Elles doivent alors se tourner vers la convention Aeras (S'assurer et emprunter avec un risque aggravé), dispositif opposable aux banques et aux assureurs destiné à faciliter l'accès aux personnes qui ne peuvent être assurées aux conditions standards en raison de leur historique de santé. Les personnes concernées bénéficient d'un examen spécifique de leur demande d'assurance et d'un plafonnement des cotisations.
Mais si la convention Aeras permet d'assurer un meilleur accès au crédit pour les personnes invalides ou avec un problème de santé, elle est structurée par deux limites :
- l'emprunt doit être remboursé avant les 70 ans de l'emprunteur ;
- le montant de l'emprunt ne doit pas excéder 320 000€.
Le contexte réglementaire est amené à évoluer très prochainement avec l'entrée en application de la loi Lemoine le 1er juin 2022.
La loi Lemoine et la suppression de la sélection médicale
La problématique de l'accès au crédit aux personnes malades ou invalides n'est pas nouvelle mais a pris de l'ampleur depuis le début de la crise sanitaire qui n'a fait que creuser les écarts socio-économiques.
Adoptée en février dernier, la loi Lemoine autorise le changement à tout moment de l'assurance de prêt immobilier, ce qui vient consolider le droit au libre choix du contrat prévu depuis la loi Lagarde de 2010. L'existence de cette nouvelle faculté est le fruit d'un échange donnant-donnant entre députés et sénateurs, ces derniers ayant introduit dans le texte la suppression de la sélection médicale sous certaines conditions.
Les emprunteurs qui contractent un prêt inférieur à 200 000€, remboursé avant leur 60ème anniversaire, n'auront plus de questionnaire de santé à remplir à compter du 1er juin prochain. Avec une quotité d'assurance à 50/50 sur chaque tête, un couple de co-emprunteurs peut s'endetter sous la barre des 400 000€ et éviter l'obstacle de la sélection médicale.
Les plafonds sont inférieurs à ceux prévus par la convention Aeras, mais la fin de la sélection médicale va certainement permettre à bon nombre de personnes invalides d'accéder enfin à la propriété immobilière. Les professionnels estiment que la moitié des candidats à l'emprunt sont concernés par les dispositions de la loi Lemoine.