Les règles d'octroi des crédits immobiliers aux particuliers deviendront des normes contraignantes pour les banques à partir de janvier 2022. Si les établissements appliquent déjà très largement ce cadre strict depuis plus d'un an, le fait qu'il soit juridiquement obligatoire va davantage resserrer l'accès au crédit des profils les plus jeunes et les plus modestes, une clientèle souvent dépourvue d’apport personnel. Seule la faiblesse des taux d'emprunt permet de soutenir un marché immobilier qui montre déjà ses signes d'essoufflement dans certaines zones.
Les critères d'octroi obligatoires
La décision du Haut Conseil de Stabilité Financière relative à l'encadrement du crédit immobilier a été publiée au Journal Officiel du 10 octobre dernier. Les recommandations édictées en début d'année deviennent des normes juridiquement contraignantes pour les établissements de crédit à partir du 1er janvier 2022. Impossible à compter de cette date butoir d'emprunter au-delà de 35% de ses revenus nets et sur une durée supérieure à 25 ans. Seuls les emprunteurs qui financent un achat en VEFA, la construction d'une maison neuve ou une acquisition avec travaux de grande ampleur (au moins 25% du montant de l'opération) bénéficient d'un différé d'amortissement pouvant aller jusqu'à 2 ans (+25 ans max. pour le remboursement du capital).
Les banques qui n'appliqueront pas ces critères sont passibles de sanctions. Elles semblent s'y conformer depuis janvier dernier, date où le HCSF avait réitéré sa volonté d'encadrer strictement la distribution du crédit immobilier. Une souplesse leur est accordée à hauteur de 20% de leur production trimestrielle, à destination principalement de la primo-accession et de l'acquisition de la résidence principale.
Un marché hyper dynamique et en pleine évolution
Le durcissement de l'accès au crédit à l'habitat n'a pas dissuadé les Français. L'engouement pour la pierre s'est renforcé durant cette crise sanitaire, mettant en lumière les défauts du logement urbain. Selon les derniers chiffres des notaires, le volume de transactions dans l'ancien était à son niveau le plus haut jamais enregistré : il totalisait 1 155 000 ventes au deuxième trimestre 2021 sur un an. C'est le troisième trimestre consécutif de hausse après le recul observé entre fin 2019 et le troisième trimestre 2020.
Cet appétit s'effectue davantage au profit des petites et moyennes agglomérations, avec une préférence marquée pour les maisons. La tension sur les prix se précise. D'après l'indice des Notaires-INSEE, les prix des logements ont augmenté de 5,9% sur un an à fin juin 2021, sous l'effet d'une hausse du prix des maisons (+6,9%) plus nette que celle des appartements (+4,6%). Les prix dans l'immobilier ancien ont continué de grimper sur tout le territoire national : +1,6% au deuxième trimestre 2021. Hors région francilienne, le rebond est de +2,1%, après +1,5% au premier trimestre.
Une récente enquête Harris Interactive pour le réseau d'agences immobilières Century confirme bien la tendance très forte pour les zones rurales et périurbaines. Un constat partagé par le site Meilleursagents qui voit dans cet intérêt nouveau pour les campagnes et les communes limitrophes des grandes métropoles un des effets de la crise sanitaire et des contraintes qui lui sont liées (confinement, télétravail, école à la maison). Alors que Paris et les dix plus grandes villes de France tiraient à elles seules les prix vers le haut, désormais "le classement s'est inversé".
Selon Meilleursagents, les zones rurales enregistrent la plus forte progression des prix depuis le début de l'année : +6,6%, soit plus du double de celle affichée par les grandes métropoles. Fait inédit, Paris voit ses prix se replier de 2,5% sur six mois et de 1% sur un an. Passé le périphérique, ça va mieux. Les prix ont bondi de 2,6% en petite couronne et de 5% en grande couronne sur un an.
Achat immobilier : compliqué pour certains
Le niveau historiquement faible des taux d'intérêt facilite l'accès à l'emprunt, même si le marché s'est ralenti ces dernières semaines. Les règles d'octroi citées plus haut continuent d'entraver les projets d'acquisition de certains profils, d'autant qu'elles sont couplées à la hausse des prix.
D'après le baromètre LPI-SeLoger, dans certaines régions comme l'Île-de-France, la Normandie, l'Alsace, le Nord-Pas-de-Calais et la Picardie, la capacité d'achat des ménages s'est altérée sous l'effet combiné de revenus stagnants et de l'inflation des prix des logements. En ajoutant le resserrement de l'accès au crédit, les profils à revenus modestes, en particulier les jeunes primo-accédants, voient leur projet immobilier empêché.
Pour respecter la limite du taux d'endettement (35%), les emprunteurs doivent mobiliser davantage d'apport personnel, un effort d'épargne dont disposent rarement les jeunes qui débutent dans la vie professionnelle, à moins de faire appel à la générosité familiale. Le baromètre de l'Observatoire Crédit Logement montre qu'au troisième trimestre 2021, le taux d'apport personnel moyen était de près de 31% supérieur au niveau affiché fin 2019, le point le plus bas observé jusqu'alors.
Cette remontée du taux d'apport constatée depuis un an pèse sur le dynamisme du marché des crédits et "contrarie la réalisation des projets immobiliers nourris par de très nombreux ménages", indique l'Observatoire. Sur le marché de l'ancien, le niveau de l'apport personnel atteint 19,5% du prix d'une transaction contre 17,8% un an plus tôt. Il est en progression également sur le marché du neuf, à 17,4% en moyenne, contre 16,4% en septembre 2020.