Les taux d'intérêts des crédits immobiliers ont baissé en juillet dernier et poursuivent cette tendance en août. La rentrée de septembre est toujours scrutée avec attention par les experts, car elle est synonyme de dépenses accrues pour les ménages sur fond de reprise normale de l'activité économique. Les candidats à l'achat immobilier seront-ils au rendez-vous ? Si les conditions d'emprunt restent propices, les règles d'octroi pourraient hypothéquer la reprise du marché tant attendue par les professionnels.
Taux d'emprunt en pente douce
En juillet dernier, les banques ont révisé leurs barèmes à la baisse, permettant un recul de quelques points du taux moyen. Selon l'Observatoire Crédit Logement, la demande de crédit a pu être soutenue, quand bien même les marchés sont encore loin d'être rétablis, grâce au recul substantiel des taux d'intérêts. Le taux moyen s'est affiché à 1,21% (hors assurance et coût des sûretés) sur la durée classique de 20 ans, contre 1,27% en juin dernier. Globalement, les valeurs sont équivalentes à ce qu'elles étaient en juin 2019, au plus fort de la demande de crédit immobilier. La hausse opérée entre mars et mai 2020 est en passe d'être effacée si la tendance à la baisse devait se poursuivre en septembre et sur les derniers mois de l'année.
Les observateurs sont plutôt optimistes, augurant d'un faible niveau des taux à la rentrée, et même sur les prochaines années comme l'avance Philippe Crevel, directeur du Cercle des Épargnants. Le maintien des taux d'emprunt à des seuils faibles devrait donc perdurer, une augmentation de manière inconsidérée "signifierait que les banques centrales auraient perdu le contrôle de la situation".
Mais les taux bas ne font pas tout. Si les envies d'achat s'expriment, bon nombre de projets immobiliers pourraient achopper en raison de la politique bancaire pour le moins restrictive. La reprise du marché, en trompe-l'œil depuis la fin du confinement, est en effet subordonnée aux conditions d'octroi auxquelles doivent se plier les banques depuis fin 2019.
Les règles d'octroi pénalisent le marché
Courtiers et professionnels de l'immobilier ne cachent pas leur inquiétude quant à la frilosité dont font preuve les établissements de crédit depuis l'entrée en application des restrictions imposées par le Haut Conseil de Stabilité Financière (HCSF). La double règle de l'endettement limité à 33% et de la durée d'emprunt à 25 ans est le nouveau facteur d'exclusion. Pour assagir la distribution du crédit immobilier, que le régulateur estimait débridée en 2019, ce resserrement empêche certains profils d'accéder à un financement, à commencer par les primo-accédants, coutumiers des taux élevés sur les durées les plus longues. Ces derniers se heurtent de surcroît à l’effet ciseaux des taux de l’usure, qui suivent la descente des taux d’emprunt accordés.
La crise sanitaire et économique a d'ores et déjà stigmatisé certains candidats à l'emprunt immobilier, qui évoluent professionnellement dans des secteurs sinistrés (tourisme, hôtellerie-restauration, aérien, etc.). La semaine dernière, la nouvelle ministre du Logement Emmanuelle Wargon demandait aux banques "d'agir avec discernement", pour ne pas frapper de "double peine" les salariés des secteurs touchés par la crise. La requête des professionnels du crédit immobilier auprès du ministre de l'Économie et des Finances Bruno Le Maire, visant à assouplir les règles du HCSF, a malheureusement peu de chance d'aboutir, l'endettement excessif des ménages étant le spectre agité par les pouvoirs publics.
Les meilleurs profils privilégiés
L'application à l'aveugle des nouvelles conditions d'octroi engendre une plus grande sélectivité des dossiers. Les banques donnent la priorité aux profils premium, dotés d'un apport personnel plus que suffisant et de revenus confortables. Il en résulte un écart de plus en plus visible entre les barèmes affichés et les taux accordés. Le courtier Cafpi témoigne de cette déformation de la production de crédits immobiliers en faveur des clientèles les plus aisées, à qui les banques offrent des décotes. Toujours selon l'Observatoire Crédit Logement, la durée moyenne des prêts distribués s'est réduite de 6 mois entre juin et juillet 2020, signe fort d'un recul des clientèles les plus modestes, celles habituées aux durées les plus longues.
Le courtier Cafpi craint une chute de la production de crédits immobiliers au cours du second semestre. En trimestre glissant par rapport à 2019 (mai/juillet), la production, tant en montant qu'en nombre de prêts octroyés, s'est contractée de plus de 25% ! En glissement annuel, elle recule de 13,3% en nombre de crédits accordés.