Le Prêt à Taux Zéro est sur la sellette. Supprimé en janvier 2020 pour l'acquisition d'un logement neuf en zones B2 et C, il pourrait disparaître définitivement en zones tendues (A et B1) au-delà de 2021. Un rapport diligenté par le gouvernement va dans ce sens, au grand dam des professionnels qui espèrent que cette mesure passera à la trappe lors de l'examen en cours du projet de loi de finances 2020.
Rabotage et fin programmée du PTZ
Le Prêt à Taux Zéro (PTZ) facilite l'accès à la propriété aux ménages modestes. Par l'attribution d'un prêt sans intérêt, complémentaire d'un crédit immobilier classique, et pouvant représenter jusqu'à 40% de l'opération, les emprunteurs les moins aisés peuvent acquérir leur résidence principale. Mis en place en 1995, ce dispositif a connu maintes réformes et permis de financer jusqu’à 120 000 opérations dans les années fastes (2016 par exemple).
Le montant du PTZ dépend du type de logement (neuf ou ancien à réhabiliter), des revenus du foyer et de sa composition, et de la zone géographique où se trouve l'habitation convoitée. Dans la version 2019, il était encore possible de faire l'acquisition d'un logement neuf dans toutes les zones. La phrase est au passé, car plus aucun PTZ n’est distribué depuis fin octobre en raison de la lourdeur administrative pour le mettre en place à quelques semaines du bilan annuel. La différence joue sur la quotité de financement :
- elle s'élève à 40% dans les zones A et B1 ;
- pour les zones B2 et C, elle tombe à 20% (déjà acté en 2018).
Dans l'ancien, le PTZ est conditionné à la réalisation de travaux dont le montant doit représenter un minimum de 25% du coût de l'opération. Seules les zones B2 et C y sont éligibles avec une quotité de financement jusqu'à 40%. Le PTZ dans l'ancien avec travaux a été supprimé dans les autres zones depuis janvier 2018. Le gouvernement souhaitait alors cibler au mieux le PTZ pour "construire plus vite en zone tendue et soutenir la revitalisation dans les zones détendues".
Ce durcissement du PTZ est mal passé auprès des professionnels de l'immobilier, en particulier des promoteurs. Les zones détendues, celles où il n'existe pas de déséquilibre entre la demande et l'offre de logements disponibles, ont beaucoup souffert de la contraction de la quotité de financement opérée dès 2018. Les ventes y ont diminué de près de 24% (logements individuels et collectifs) et les mises en vente ont chuté de 43,6%. Le pire reste à venir, puisque le coup de grâce devrait être donné à compter de janvier prochain avec la suppression définitive du PTZ dans ces zones à l'issue de l'examen du projet de loi de finances pour 2020.
Le compte n'y est pas
Conjuguée au niveau historiquement bas des taux d'intérêts, l'anticipation programmée de la disparition du PTZ neuf en zones B2 et C a d'ailleurs permis de relever le marché de la maison neuve (+4,6% en glissement annuel du nombre de permis de construire au premier semestre 2019). Pour les Constructeurs et Aménageurs de la Fédération Française du Bâtiment (LCA-FFB), "le PTZ joue un rôle déterminant sur la solvabilité des ménages. Et particulièrement dans ces zones, où les prix du foncier et les coûts de construction rendent possible l'accession des ménages modestes à la propriété". Or, ces zones dites détendues représentent 93% du territoire hexagonal et réunissent 60% de la population. 45 départements seraient concernés et privés totalement d'aides publiques en faveur du logement neuf. Selon la LCA-FFB, des villes comme Brest, Colmar, Le Mans, Pau, Valence ou encore Saint-Etienne seraient touchées, des communes où le nombre d'habitants est loin d'être négligeable (entre 62 000 et plus de 172 000). Les conséquences seraient immédiates sur le pouvoir d'achat des ménages et leur accession à la propriété. Le rabotage du PTZ neuf en zones B2 et C depuis janvier 2018 s'est déjà traduit par un éloignement plus grand des ménages des centres-villes, là où le foncier est le moins cher, ce qui engendre une plus forte urbanisation. À l’opposé du désir de revitalisation des villes moyennes soutenu par le plan Action Cœur de Ville mis en place en décembre 2017.
Avec cette suppression programmée, la fédération évoque un recul des ventes estimé à 12 000 unités annuelles et la perte de près de 20 000 emplois dans les années à venir. À l'inverse, le maintien du PTZ d'ici 2021 préserverait le volume des ventes actuel, avec un coût pour les finances publiques limité à 31,2 millions d'euros. En parallèle, ces nouveaux logements construits génèreraient quelque 400 millions d'euros de recettes fiscales pour les années 2020 et 2021.
Le rapport qui fâche
L'argent, le nerf de la guerre ! Dans le rapport rendu public le 7 novembre dernier, la mission conjointe de l’Inspection générale des finances (IGF) et du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) sur le PTZ préconise de ne pas prolonger le PTZ neuf en zones B2 et C, et même de ne pas le proroger dans les zones tendues au-delà du terme (2021). Dans un contexte de taux au plancher, l'effet du PTZ reste "ambigu" dans la mesure où sans ce dispositif un primo-accédant aurait pu acquérir un logement ancien moins cher, même en ajoutant les travaux de réhabilitation. Selon l'étude, l'octroi d'un PTZ n'a pas été décisif dans l'achat du logement dans neuf cas sur dix.
Le poids du PTZ dans les finances publiques est l'autre argument avancé en faveur de sa future suppression dans le neuf et de sa non-prolongation au-delà de 2021 : entre 750 millions de 1,3 milliards d'euros selon les années. Les deux ministères qui ont diligenté le rapport (Économie et Finances, Transition écologique et solidaire) souhaitent éviter les "effets d'aubaine" et orienter les aides sur la rénovation. Le secteur du bâtiment en appelle aux parlementaires et dénonce "l'aveuglement" des auteurs du rapport, qui mettent en avant les taux bas pour justifier la suppression du PTZ. Le contexte est effectivement exceptionnel : le taux moyen des nouveaux crédits s'est établi à 1,27% en septembre 2019 (Banque de France) et selon l'Observatoire Crédit Logement/CSA, toutes durées confondues, plus de la moitié des emprunteurs ont obtenu un crédit immobilier à un taux inférieur à 1% en octobre 2019 (hors assurance et coût des sûretés). Or, parier sur la pérennité d'une telle situation semble plutôt hasardeux, alors même que le Haut Conseil de Stabilité Financière (HCSF) œuvre actuellement pour un durcissement des conditions d'emprunt s'imposant aux banques afin d’éviter la surchauffe du crédit immobilier.