En produits de consommation courante comme en crédit immobilier, comparer s'avère nécessaire pour décrocher la meilleure offre. Le taux Annuel Effectif Global est l'indicateur qui permet cet exercice de comparaison lors d'une demande de crédit, puisqu'il intègre tous les coûts liés à l'obtention du financement. En théorie, le taux le plus faible devrait illustrer l'offre la moins chère. En manipulant le TAEG, les banques cherchent à attirer le client de manière trompeuse, une pratique douteuse dénoncée par le courtier Securimut.
Le TAEG : comparaison n'est pas raison !
Début mai 2021, le courtier Securimut, filiale de la Macif, lançait un pavé dans la marre de l'assurance emprunteur, mettant en lumière des pratiques bancaires pour le moins contestables quant au respect de la réglementation sur le calcul du Taux Annuel Effectif Global (TAEG). Dans son étude, le courtier accuse les banques de manipuler le TAEG pour duper les consommateurs.
50% voire 75% du coût de l'assurance seraient extraits du TAEG pour embellir une offre de prêt qui se révèle être plus onéreuse qu'une autre.
Produit complexe s'il en est, un crédit immobilier est l'agrégation de divers coûts incompressibles :
- les intérêts d'emprunt
- les frais de dossier
- la garantie (hypothèque, caution, privilège du porteur de deniers)
- les frais d'expertise du bien immobilier
- les frais dus aux éventuels intermédiaires (honoraires de courtage)
- les frais d'ouverture et de tenue de compte en cas de domiciliation des revenus pour obtenir le financement
- les primes d'assurance emprunteur.
Additionnés, ces frais vont exprimer le coût total de l'emprunt via le TAEG, taux qui, depuis 2016, doit obligatoirement être indiqué sur les publicités et les offres préalables de crédit, ainsi que sur le contrat de prêt remis au client. En aucun cas, le TAEG ne peut excéder le taux de l'usure applicable sur la durée concernée, taux maximum légal que la banque peut accorder.
Privé d'une partie des frais liés à l'obtention du crédit immobilier, en l'occurrence une proportion importante de l'assurance emprunteur, le TAEG est devenu, par les dérives bancaires, un instrument de désinformation. Le TAEG a été mis en place pour que le consommateur fasse un choix éclairé de son crédit immobilier, sans qu'il ait besoin de détailler tous les paramètres du financement. S'il paraît simple de distinguer les intérêts, les frais de dossier et les frais de garantie dans cet indicateur global, il est en revanche malaisé d'isoler le coût de l'assurance emprunteur, et donc de pouvoir comparer objectivement cette couverture incontournable.
Le Taux Annuel Effectif Assurance : seul indicateur fiable du coût de l'assurance emprunteur
À TAEG identique, deux offres de prêt immobilier peuvent cacher des réalités bien différentes. Les statistiques montrent qu'un crédit à l'habitat est remboursé en moyenne au bout de 8 ans pour une souscription initiale de 20 ou 25 ans. Le coût effectif du crédit sera alors celui de la durée réelle de détention. En amalgamant tous les coûts, le TAEG ne permet pas de distinguer quelle offre sera la plus intéressante à l'instant T en cours de prêt. Securimut prend l'exemple de 2 offres pour un crédit de 200 000€ sur 20 ans.
La plupart des emprunteurs se focalisent sur le taux nominal du crédit, estimant que le taux le plus faible réduit nécessairement le coût du financement. Ils oublient les autres coûts, à commencer par l'assurance emprunteur qui peut représenter entre 30% et 50% du poids global du crédit. Dans l'exemple donné, l'emprunteur pourra être tenté de choisir l'offre A qui affiche le taux brut le plus performant. S'il solde son prêt au bout de 8 années, il aura dépensé 2 000€ supplémentaires en primes d'assurance par rapport à l'offre B. Au terme prévu, soit 20 ans, la comparaison déclasse l'offre B, plus chère en assurance que l'offre A.
La différence tient aussi au calcul des cotisations, exprimées en capital restant dû dans l'offre A et en pourcentage du capital initial dans l'offre B. Les premières mensualités du crédit sont constituées en grande partie des intérêts, raison pour laquelle l'assurance de l’offre A coûte cher en début de prêt, du fait d'une cotisation dégressive au fil de l'amortissement du capital. Dans l'offre B, les primes d'assurance sont constantes, lissées sur la durée totale, et pèsent donc moins en début de prêt.
Pour permettre une comparaison objective des offres, le TAEG devrait être exprimé hors assurance, cette dernière étant évaluée par son indicateur propre, le TAEA ou Taux Annuel Effectif Assurance. L'emprunteur pourrait alors comparer les offres sous l'angle de ces 2 taux, d'un côté le TAEG qui agrège tous les frais sauf l'assurance, et de l'autre le TAEA qui rend compte uniquement du coût de l'assurance.
L'exclusion des garanties facultatives du TAEG
Securimut a observé en outre que certaines banques n'intègrent pas toutes les garanties de l'assurance. L'obtention d'un crédit immobilier est conditionnée à la souscription de l'assurance emprunteur, elle-même soumise aux exigences du prêteur. Le consommateur n'a pas le choix des garanties ni des quotités à souscrire, qui lui sont imposées par la banque. Même s'il peut choisir librement le contrat d'assurance, l'emprunteur doit respecter la notion d'équivalence de niveau de garanties réclamée par la banque.
Sont obligatoires les garanties décès/perte totale et irréversible d'autonomie, et les garanties invalidité/incapacité. La garantie perte d'emploi est quant à elle optionnelle, mais peut être imposée par le prêteur en fonction du profil de l’emprunteur. En sortant les garanties facultatives du TAEG, certaines banques enjolivent cet indicateur et leur offre de prêt, trompant ainsi le consommateur sur le coût réel du crédit.
Certains établissements excluent jusqu'à 75% de l'assurance emprunteur du TAEG, rendant cet indicateur peu fiable. D'autant qu'une fois la garantie perte d'emploi souscrite, l'emprunteur ne peut s'en défaire en cours de prêt comme l'y autorise la réglementation (loi Hamon ou amendement Bourquin), le changement d'assurance étant lié à l'équivalence de garanties.
Ces pratiques autrefois marginales seraient désormais répandues. Elles témoignent de la volonté des banques toujours plus forte de préserver leurs marges sur l'assurance emprunteur, produit hautement rémunérateur dans un marché du crédit qui ne l'est plus en raison de taux d'intérêt au plancher.
La loi Lagarde de septembre 2010 avait acté la déliaison de l'assurance et du crédit pour permettre aux consommateurs de réduire cette dépense contrainte, l'assurance de prêt, en comparant les offres. On voit par ces exemples que le TAEG, tel qu'il est conçu, ne permet pas une comparaison concrète de tous les coûts.
Comme le TAEG, le TAEA doit figurer sur tous les documents précontractuels et les offres de prêt immobilier. Cet indicateur doit être accompagné du coût total de l'assurance en euros, du coût de l'assurance par période (mensuelle et annuelle) et du détail des garanties. Manifestement, certaines banques ne respectent pas l'article L.311-4-1 du Code de la consommation ou font en sorte que le consommateur passe à côté de cette information cruciale.