Ce mercredi 21 octobre se tenait la Commission Mixte Paritaire qui devait trouver un accord concernant une loi qui a fait beaucoup parler d’elle : la possibilité pour les emprunteurs de pouvoir changer d’assurance de prêt à tout moment et non plus plus fois par an à date d’anniversaire du contrat. A la clé, au moins 7 milliards d’euros d’économies qui pouvaient revenir directement dans la poche des emprunteurs. Sans surprise, le lobbying bancaire aura eu raison du pouvoir d’achat des emprunteurs : la CMP a renoncé à offrir ce droit aux emprunteurs. A la place, ils se seraient décidés sur une simple obligation d'informer les emprunteurs chaque année de leur droit au changement...
Retour sur une bataille législative sans précédent
En février 2017, l’amendement Bourquin offrant la possibilité de changer chaque année d’Assurance de Prêt à date d’anniversaire du contrat (avec un préavis de 2 mois) a été adopté par le Parlement. La Fédération Bancaire Française, vivement opposée à cet amendement, avait tenté plusieurs manœuvres législatives pour ne pas que le texte soit adopté. En vain. Sa mise en application dès le 1er janvier 2018 devait permettre à tous les emprunteurs qui avaient loupé le coche de la loi Hamon (possibilité de résilier durant la 1ere année de vie du contrat) de se délester de leur contrat groupe bancaire en faisant jouer la concurrence et ainsi réaliser d’importantes économies sur leur crédit immobilier. Cependant, ce dispositif est rapidement devenu lourd et complexe à mettre en place :
- La date d’anniversaire n’ayant pas été définie dans la loi, les courtiers ont dû surfer avec 5 dates différentes jusqu’à ce que le CCSF, 7 mois plus tard, table sur une date unique : la date de signature de l’offre de prêt
- La date de la signature de l’offre de prêt est une date qui n’a aucune valeur et qui est très difficilement trouvable par les emprunteurs. Lorsque les emprunteurs réclament cette date à la banque, celle-ci peut mettre jusqu’à 2 mois pour lui communiquer.
- Suite à une demande de résiliation, la banque a seulement 2 motifs valables pour la refuser : le dépassement du délai de préavis et la non équivalence des garanties. Seulement, les établissements prêteurs usent de très nombreuses manœuvres dilatoires pour empêcher leurs clients d’aller au bout de leur demande : problème de capital restant dû, de durée restante, il manque un papier qui se trouve bien dans le courrier, les garanties ne sont pas équivalentes alors qu’elles le sont, demande de frais de résiliation…. et j’en passe.
Pendant plus de 6 mois, Magnolia.fr essuyait 70% de refus. Aujourd’hui, et avec une grande organisation interne, 10% à peine. Mais à quel prix ?
Une nouvelle législation visant à faire respecter la première
De nombreux acteurs de la délégation d’assurance ont averti le sénateur Martial Bourquin de ces dérives et ont demandé à ce que les banques soient sanctionnées.
Monsieur Bourquin a rapidement pris le sujet à bras-le-corps et a déposé en octobre 2019 une proposition pour rectifier le tir. Celle-ci intégrera la loi ASAP en février 2020.
- La date d’anniversaire pourra soit être la date de la signature de l’offre de prêt soit une date convenue entre le client et sa banque.
- Cette date d’échéance doit être fournie à l’assuré au moment des premières simulations. Si l’assuré en a besoin dans un second temps, la banque a 10 jours pour lui communiquer.
- La banque doit informer chaque année son client de son droit à la résiliation. Dans le cas où celle-ci manquerait à cette obligation ou bien refuserait une demande de substitution de contrat pour des motifs illégitimes, une sanction administrative pouvant aller jusqu’à 15 000 euros pourra être appliquée.
Cette législation a pour seul but de faire respecter l’amendement Bourquin. « C’est une grande spécificité de ce marché, on crée des lois car les premières n’ont pas été respectées. » dit Astrid Cousin, porte-parole du comparateur Magnolia.fr.
« La liberté de choisir son assurance de prêt au moment de l’octroi du prêt impulsée par la loi Lagarde en 2010 n’a rien changé au comportement des banques. Ainsi, on a créé la loi Hamon qui donne à l’emprunteur de changer durant la première année du contrat. Puis, l’amendement Bourquin a vu le jour, car un an, c’était trop court. Puis, encore une nouvelle loi, car finalement, c’est une impasse… ça n’en finit jamais. » explique Gérald Loobuyck, PDG du groupe Magnolia.
Vers une ouverture totale du marché de l’assurance de prêt ?
Coup de théâtre 6 mois plus tard ! Patricia Lemoine, députée de la majorité présidentielle (AGIR) rédige sous l’impulsion de l’association de consommateur UFC QUE CHOISIR, un texte qui révolutionnerait le marché de la libre concurrence de l’assurance emprunteur. Il s’agit du texte 42 bis du projet de loi ASAP qui permet aux emprunteurs de résilier leur assurance de prêt, À TOUT MOMENT.
Le texte est amendé en commission spéciale, malgré une vive opposition du rapporteur et du gouvernement. Le vote final a eu lieu le 6 octobre à l’Assemblée et a été validé malgré plusieurs amendements déposés contre ce dispositif. Le vif débat que cela a suscité a engendré une nouvelle lecture des textes devant une Commission Mixte Paritaire ce mercredi 21 octobre. Sept élus de chaque chambre ont été chargés de trouver un accord.
Sans surprise, le marché ne s'ouvrira pas
Depuis quelques jours, les bruits courraient que cette loi ne passerait pas. Les motifs présentés contre ce dispositif étant totalement fallacieux (risque de montée des prix, l’emprunteur est d’ores et déjà totalement libre de son choix, problème de déséquilibre contractuel…), nuls ne doute que le puissant lobbying bancaire (dénoncé par Alain Bazot, Président d’UFC QUE choisir) avait largement œuvré pour veiller à ce que les emprunteurs ne soient pas totalement libres de leur choix. Ce dispositif aurait pu toucher 3 millions d'emprunteurs. Pour rappel, les problèmes liés à la date d’anniversaire empêchent un emprunteur sur 2 d’aller au bout de ses démarches.
Qu'est-ce qui change vraiment ? En résumé :
- La date d'échéance qui est la date de la signature de l'offre de prêt est officiellement inscrite dans la loi
- L'assureur doit informer chaque année l'assuré de son droit au changement
- La banque doit inscrire la date de la signature de l'offre de prêt sur l'offre de prêt et dans d'autres documents relatifs.
- En cas de non respect, amende administrative jusqu'à 15 000 pour les personnes morales et 3 000 euros pour les personnes physiques.
Pour le moment, 87% du marché de l’assurance de prêt est toujours détenu par les banques qui pratiquent des tarifs 2 à 3 fois supérieurs à la concurrence.
« Rappelons-nous que les banques, les assureurs et les courtiers se battent pour un marché à 9 milliards d’euros, ce qui est colossal. Mais ce qui est encore plus colossal, c’est chaque mois, le manque à gagner des emprunteurs qui ne parviennent pas à changer de contrat. »