Adoptée en 2022, la loi Lemoine vise un accès plus juste, plus simple et plus transparent à l’assurance de prêt immobilier. Conformément à l’article 11 du texte, près de deux ans après sa promulgation, le Comité Consultatif du Secteur Financier (CCSF) livre un premier bilan de cette réforme afin d’évaluer la mise en œuvre des deux mesures fondamentales qu’elle contient : le changement d’assurance emprunteur à tout moment et la suppression du questionnaire de santé sous certaines conditions. La loi Lemoine est un succès, au moins sur le premier point, comme le constate le courtier Magnolia.fr.
Changement d’assurance emprunteur : bilan très positif de la loi Lemoine
Votée en février 2022, la loi Lemoine permet à tout emprunteur, depuis le 1er septembre 2022, de changer d’assurance de prêt immobilier à tout moment et sans frais. Auparavant, selon l’antériorité du contrat, il fallait s’appuyer soit sur la loi Hamon, soit sur l’amendement Bourquin, pour pouvoir changer de formule en cours de prêt, tout en respectant la date d’échéance et le délai de préavis, ce qui freinait la démarche.
En simplifiant le processus, cette ultime loi en assurance emprunteur, qui tire son nom de la députée Patricia Lemoine, réussit là où les dispositifs précédents ont échoué : libéraliser le marché et permettre à chaque emprunteur d’être couvert au juste prix. Le quasi monopole des banques sur ce produit contraint pour obtenir le financement de tout projet immobilier s’est construit au détriment de l’intérêt des emprunteurs. En ayant accès à des formules jusqu’à 60% moins chères que les contrats groupe bancaires, les emprunteurs peuvent économiser entre 5 000€ et 15 000€ sur la durée résiduelle de remboursement.
Sans hésiter, on peut affirmer que la loi Lemoine est un vrai succès. La concurrence progresse, totalisant 16,1% de parts de marché, contre 15,3% fin 2021. Sur les 5 premiers mois de l’année 2023, cette part de marché a augmenté de près de 4%, soit près de la moitié de la production annuelle de l’exercice 2021. La part des contrats groupe bancaires reste supérieure à 77%, répartie sur une dizaine de bancassureurs, mais compte tenu de l’offre tarifaire plus compétitive des alternatifs, le marché de la substitution devrait poursuivre son développement.
Assurance emprunteur : un marché de substitution pour les alternatifs
Chez Magnolia.fr, la substitution de contrat représente désormais 90% de l’activité, les 10% restants concernent la délégation sur les nouveaux prêts. La loi Lemoine a fait évoluer ce segment qui totalisait 70% des demandes en 2022. Les emprunteurs ont bien compris que le libre choix du contrat d’assurance, difficile à exercer au moment de la demande de prêt, peut intervenir dans un deuxième temps, quand ils le souhaitent, sans autre contrainte que de respecter l’équivalence de garanties. Dès le lendemain de la signature de l’offre de prêt, chacun peut dénoncer l’assurance bancaire et bénéficier d’une couverture sur-mesure au meilleur prix.
Le marché de la substitution est désormais majoritaire chez les courtiers en assurance de prêt pour deux raisons principales :
- La période de forte tension sur le crédit immobilier qui a prévalu en 2022 et surtout en 2023 a contribué à durcir les exigences bancaires à l’octroi. Comme indiqué plus haut, les emprunteurs privilégient davantage le contrat groupe bancaire afin de simplifier et accélérer le processus de souscription, voire pour ne pas compromettre le financement de leur projet.
- Les difficultés de la délégation d’assurance à l’octroi ont conduit bon nombre de distributeurs alternatifs à se concentrer sur la substitution de contrat.
Si un des objectifs de la loi Lemoine est de rendre la substitution d’assurance accessible au plus grand nombre, force est de constater que la mesure concerne prioritairement les clients les plus aisés. La catégorie CPS1 (cadres et assimilés, professions libérales, fonction publique) est sur-représentée dans les substitutions d’assurance (58%), alors qu’elle compte pour 27% des crédits immobiliers. Au-delà de disposer d’un pouvoir de négociation important, sans la crainte de dégrader leur relation avec leur banquier, ces profils sont davantage favorisés par le changement d’assurance en termes de gain compte tenu des sommes en jeu.
On constate d’ailleurs que les alternatifs sont nettement plus présents sur les crédits de montants élevés, ce qui entraîne des primes d’assurance elles aussi plus élevées pour une clientèle mieux informée de ses droits.
Pour mesurer l’intérêt financier de changer d’assurance emprunteur, consultez notre baromètre du pouvoir d’achat de janvier 2024.
Fin de la sélection médicale : augmentation des tarifs
La deuxième mesure phare de la loi Lemoine est la fin de la sélection médicale sous certaines conditions. Pour les parts assurées de moins de 200 000€ remboursées avant le 60ème anniversaire de l’emprunteur (seuil à 400 000€ pour un couple assuré avec une quotité de 50% chacun), ce dernier n’a pas à remplir de questionnaire de santé assurance de prêt immobilier. Faute de pouvoir évaluer le risque de santé, les acteurs craignaient une augmentation des tarifs sur le segment des contrats sans questionnaire de santé pouvant aller jusqu’à 25%.
Le rapport du CCSF indique que la fin de la sélection médicale a concerné 31% des contrats souscrits ces derniers mois et que les tarifs ont progressé d’environ 10% par rapport à 2021. Dans le même temps, les contrats avec sélection médicale ont poursuivi leur baisse tarifaire d’environ 8%.
Il est certain que dans un contexte d’allongement de la durée du crédit, en lien avec la remontée de taux d’intérêts depuis 2022, le plafond des 60 ans réduit de manière significative le périmètre d’application de la suppression du questionnaire de santé. Sur 58,5% des emprunteurs présentant un capital assuré inférieur à 200 000€, seuls 23% pouvaient échapper à la sélection médicale.
La crainte par les acteurs d’une vague de “crédit successoral”, c’est-à-dire l’utilisation de l’assurance sans sélection médicale par un client, se sachant très malade, dans le but de bénéficier d’un financement grâce à la mutualisation des risques, n’a pas eu lieu. Les conditions du marché du crédit en 2023 n’ont pas été favorables aux dossiers les plus fragiles.
Le CCSF ne cache pas la complexité à observer l’impact de la loi Lemoine sur les contrats sans sélection médicale. Grâce au témoignage d’associations de malades et d’anciens malades, il a été constaté, entre autres, que certains acteurs :
- orientent les personnes n’ayant pas de souci de santé vers les contrats avec sélection médicale ;
- leur proposent de rehausser la quotité, et/ou d’augmenter le montant emprunté ;
- excluent dans leurs contrats toute pathologie préexistante, ce qui est contraire à l’esprit de la loi.
Le but est d’organiser la démutualisation via l’exclusion des bons risques, qui sont dès lors orientés vers une souscription avec questionnaire de santé.
La loi Lemoine a des effets positifs incontestables pour les emprunteurs, mais ils pourraient être meilleurs si certaines pratiques bancaires cessaient. En premier lieu, celle qui consiste à ralentir la mobilité des emprunteurs en ne respectant pas le délai légal pour donner réponse à une demande de substitution. Le délai de 10 jours ouvrés n’était tenu que dans 23% des demandes de substitution en 2022 et dans 18% en 2023.