Les banques détiennent environ 84% des parts du marché de l’assurance emprunteur. Ce produit très rentable génère chaque année entre 8 et 10 milliards d’euros, avec des marges bancaires pouvant aller jusqu’à plus de 70%. À maintes reprises, la réglementation a tenté de faire bouger les lignes et d’ouvrir le marché à la concurrence, mais les bancassureurs réussissent à préserver leur quasi-monopole. Si la loi Lemoine leur interdit désormais de contrer les demandes de changement d’assurance emprunteur pour motifs illégitimes, les banques jouent sur le vide juridique autour du seul argument valable pour refuser une substitution : l’équivalence de niveau de garanties. Explications.
Équivalence de niveau de garanties : à géométrie variable
L’acceptation d’une assurance externe est conditionnée à l’équivalence de niveau de garanties : le contrat concurrent doit présenter une couverture au moins équivalente à celle du contrat d’assurance bancaire. Le prêteur ne peut refuser le bénéfice d’une assurance alternative si ce principe est respecté.
La loi Lemoine a renforcé cette notion d’équivalence de garanties déjà inscrite dans la loi Lagarde de septembre 2010 :
- Tout refus de substitution ne peut reposer que sur l’absence d’équivalence de garanties.
- Tout refus de substitution doit être motivé par écrit et de manière exhaustive sur un document unique.
- La banque doit formuler sa réponse à une demande de substitution dans les 10 jours ouvrés et éditer gratuitement l’avenant au contrat dans ce délai en cas d’acceptation.
Pour rendre cette notion encore plus complexe qu’elle n’est déjà, certaines banques ajoutent des garanties, quand bien même le profil de l’emprunteur ne nécessite pas cette couverture superflue. Les courtiers constatent depuis plusieurs années que les banques introduisent la garantie ITT (couvre les arrêts de travail) pour les emprunteurs retraités ou futurs retraités.
“Chez Magnolia.fr, nos équipes sont témoins de ces dérives qui portent préjudice aux emprunteurs, obligés de cotiser pour des garanties dont ils n’ont nul besoin, et aux assureurs externes qui ne peuvent moralement proposer de garanties inadaptées à leurs clients.” explique Astrid Cousin, porte parole du groupe Magnolia.
Exemple avec la garantie perte d’emploi pour les salariés cadres : elle est incluse dans le package d’assurance donc peu chère, mais considérée comme optionnelle selon les directives du CCSF.
Les assureurs alternatifs se retrouvent dans une impasse avec les formules packagées des banques : pour coller à l’équivalence de couverture, ils doivent proposer des contrats incluant des garanties habituellement optionnelles, sans pouvoir s’aligner sur le tarif bancaire.
La problématique concerne également le délai de franchise. De 90 jours dans tous les contrats classiques, elle tombe à 30 jours chez certains contrats bancaires. Or, un emprunteur salarié en arrêt de travail ne subit pas ou peu de perte de salaire durant les 3 premiers mois, contrairement aux professions libérales où une franchise courte est utile. Une franchise de 30 jours coûte plus cher qu’une franchise plus longue, mais en l’incluant dans un package, le tarif reste compétitif. Impossible pour les alternatifs d’être meilleur marché s’ils doivent abaisser la franchise.
Comment réussir son changement d’assurance emprunteur ?
L’emprunteur peut demander à sa banque la suppression de la garantie superflue. Un conseil : demandez la suppression avant de confier la demande de changement d'assurance ! Le mieux est de confier la négociation à un courtier qui saura trouver un assureur capable de s’aligner sur le contrat bancaire.
Si vous êtes en train d'emprunter ou que vous êtes dans l'obligation de souscrire à l'assurance de prêt de votre banque, vérifiez bien les garanties que l'on vous propose et portez un regard attentif à la garantie ITT, au délai de franchise ou encore à la garantie perte d'emploi.
Encore une fois, les banques rivalisent d’ingéniosité pour faire échec aux demandes de substitution d’assurance emprunteur en introduisant désormais des conditions peu pertinentes dans des contrats packagés. Le but : rendre le principe d’équivalence de garanties impossible à tenir sans conséquences financières pour l’emprunteur. Pour les alternatifs, la tâche est compliquée : rester concurrentiels tout en préservant l’intérêt de leurs clients. Le législateur devra-t-il s’emparer de ces abus bancaires ?