L'assurance emprunteur fait actuellement l'objet de discussions entre les différents acteurs (assureurs, banques, courtiers et associations de consommateurs), menées sous la houlette du Comité Consultatif du Secteur Financier. L'autorité espère qu'un consensus aboutira pour rendre effectif le changement d'assurance acté par la réglementation, également pour permettre aux emprunteurs de mieux comparer les offres. En cause, les modalités de tarification complexes qui rendent difficile la comparaison des prix. De nouveau, bancassureurs et prestataires alternatifs s'opposent sur l'effort de transparence nécessaire à la compréhension du consommateur, cette fois-ci quant au coût de l'assurance et sur la durée totale du crédit et en cours de prêt.
Assurance de prêt : un produit trop complexe
L'ouverture du marché de l'assurance de prêt immobilier depuis 2010 a multiplié les offres et exacerbé la concurrence entre les banques, distributrices du crédit immobilier et de l'assurance, et les assureurs alternatifs qui essaient de se faire une place grâce à la réglementation censée favoriser le libre choix du contrat. Cet élargissement a obligé chacun à employer des stratégies commerciales diverses qui ont toutes le défaut de rendre le produit encore plus opaque. Et en matière de tarification, les opérateurs ne manquent pas d'imagination. À moins d'avoir un master en mathématiques, le consommateur est baladé sur toute la ligne.
L'assurance de prêt est un produit complexe que les opérateurs ont voulu ainsi. L'enjeu est de taille : plus de 8 milliards de cotisations annuelles, une manne à fonds perdus pour les assurés, puisque même en l'absence de sinistres, les sommes versées restent dans les poches des organismes assureurs. La libéralisation du marché grâce à la loi Lagarde a attisé les appétits et crispé les banques qui ont vu d'un très mauvais œil l'incursion des alternatifs et l'intermédiation des courtiers. Les premières peuvent marger jusqu'à 80% quand la concurrence se contente de 20% à 30%.
En donnant le pouvoir aux consommateurs de choisir librement le contrat, le législateur espérait une meilleure répartition des rôles. Raté ! Les bancassureurs détiennent toujours 87% des parts de marché, un quasi monopole, dommageable pour le pouvoir d'achat des ménages qui ont pourtant l'opportunité de diviser par deux ou par trois le coût de l'assurance en faisant jouer la concurrence. L'objectif des débats en cours vise à rendre effectif le changement d'assurance autorisé par la réglementation depuis la loi Hamon de juillet 2014, suivie en janvier 2018 par l'amendement Bourquin.
Connaître le coût de l'assurance en cours de prêt
Mais pour fluidifier le parcours du consommateur, encore faudrait-il que ce dernier sache objectivement à quoi il s'expose. Force est de constater que les modalités de tarification ont gagné en complexité, pour ne pas dire opacité. Non seulement l'emprunteur doit comparer les garanties et le niveau de protection proposé, mais il doit aussi faire un gros effort intellectuel pour comprendre le coût de l'assurance. Car il ne suffit pas de connaître le coût global sur la durée totale du crédit, il faut aussi être capable de l'évaluer en cours de prêt. La vie d'un crédit immobilier n'est pas un long fleuve tranquille.
Chaque situation d'emprunteur est unique, un crédit peut aller au terme initialement prévu comme être remboursé par anticipation (revente, héritage, rentrée d'argent,...). Les statistiques nous informent qu'un prêt à l'habitat est en moyenne soldé au bout de 8 ou 10 ans.
La réglementation impose aux banques et aux assureurs d'informer l'emprunteur sur le coût global de l'assurance. Dès la première simulation de prêt, la banque remet à l'emprunteur une fiche standardisée d'information (FSI), document obligatoire qui présente les garanties minimales d'assurance qu'elle exige pour l'octroi d'un financement, ainsi qu'un exemple chiffré du coût de l'assurance.
La FSI est non contractuelle, elle a pour seul objectif de permettre la comparaison des offres d'assurance. C'est aussi à la remise de la FSI que la banque doit informer le candidat de son droit de souscrire l'assurance auprès d'un autre établissement, sous réserve de respecter l'équivalence de niveau de garanties.
Cette FSI donne des informations précieuses sur les tarifs. Elle contient en effet le coût exprimé selon 3 paramètres :
- le coût total de l'assurance sur la durée totale du prêt envisagée
- le coût de chaque cotisation mensuelle
- le TAEA calculé lui aussi sur la durée totale du crédit.
Indicateur officiel de ce que coûte l'assurance souscrite en couverture d'un prêt immobilier, le TAEA est un pourcentage de référence universel qui permet de comparer plus facilement les offres. Tous les emprunteurs qui se plient à l'exercice s'appuient sur cet indicateur et sur le coût total, oubliant que la compétitivité des offres se juge aussi en cours de prêt. Car en fonction de la durée de vie réelle du crédit, à garanties équivalentes, le coût de l'assurance peut varier considérablement selon le type de contrat.
Les assureurs alternatifs sont favorables à une meilleure information de l'emprunteur quant au coût de l'assurance en cours de prêt. Ils demandent que soit précisé le coût sur le premier tiers du crédit, une transparence tarifaire à laquelle les banques sont pour l'heure opposées. Cette indication permettrait pourtant de clarifier la compétitivité des contrats dont le coût peut être calculé de diverses manières.
Rappel des 3 méthodes de calcul
Les assiettes tarifaires choisies par l'assureur ont des conséquences pour le client, comme l'a démontré le CCSF dans son dernier bilan. La première méthode de calcul, celle appliquée depuis le début de la commercialisation de l'assurance de prêt, est simple : la prime est constante sur toute la durée du prêt, car calculée sur le capital initial. Chaque mois, l'emprunteur s'acquitte de la même somme. Ce système était à l'origine employé par les réseaux bancaires, mais les alternatifs l'utilisent aussi depuis quelques années. Parfaitement claire et compréhensible pour l'assuré lambda, cette méthode est la plus coûteuse sur la durée totale d'un crédit immobilier.
La deuxième méthode de tarification est basée sur le capital restant dû. Les primes sont proportionnelles à l'amortissement du capital et donc décroissantes dans le temps à un rythme régulier. Une troisième méthode, elle aussi sur le capital restant dû, est dite à l'âge atteint : elle se veut plus cohérente avec le profil de risque pour l'assureur. La prime est plus faible en tout début de prêt, puis grimpe très significativement jusqu’au tiers de la durée de remboursement pour suivre une courbe descendante jusqu'au terme.
Il est donc logique qu'en fonction de la méthode tarifaire le coût de l'assurance ne soit pas le même à l'instant T. Sur le premier tiers du prêt, pour un profil d'emprunteur identique, le tarif en % du capital initial est moins élevé que les deux tarifications sur le capital restant dû.
Pour mesurer les écarts et envisager tel type de prime plutôt qu'un autre, il convient de comparer 2 valeurs :
- le coût de l'assurance sur la première année
- le coût de l'assurance sur les 8 premières années (somme des primes sur cette période).
L'emprunteur connaît ainsi le montant exact des primes d'assurance en cas de remboursement anticipé de son crédit, une éventualité acquise pour ceux qui ont d'entrée de jeu prévu la revente de leur logement avant le terme initial de l'emprunt.
En France, la durée moyenne des prêts à l'habitat est autour de 20 ans, alors que la durée effective oscille entre 8 et 10 ans. Cette donnée plaide pour une meilleure indication du coût de l'assurance en cours de prêt comme le réclament les assureurs alternatifs et les courtiers.