On en parle rarement car l’assurance de prêt immobilier lui fait de l’ombre, mais l’assurance emprunteur dans le cadre d’un crédit à la consommation est un marché juteux pour les établissements prêteurs et leurs partenaires assureurs. Les marges sont conséquentes pour ce produit, d’autant que bon nombre d'emprunteurs ignorent qu’ils sont assurés et ne réclament pas leur indemnisation.
Les chiffres chocs de l’assurance de prêt conso
Le marché de l’assurance emprunteur dans le cadre d’un crédit à la consommation (prêt affecté, crédit renouvelable, prêt personnel, crédit auto) a généré 2,77 milliards d’euros de cotisations en 2022, pour un encours total de 202 Md€*. À titre de comparaison, l’assurance de prêt immobilier récolte chaque année entre 8 et 10 Md€ de primes, et totalise un encours de 1 446 Md€.
Le rapport est de 1€ d’assurance emprunteur pour 73€ de crédit conso, contre 1€ d’assurance emprunteur pour 134€ de prêt immobilier. À l’exposé de ces chiffres, on voit déjà où la bât blesse.
Et à l’opposé des idées reçues, nombreux sont les emprunteurs à souscrire une assurance pour leur prêt à la consommation : entre 50% et 70% selon les organismes de crédit, y compris pour les petits montants et/ou de courte durée. Cette assurance pèse entre 31% et 50% du coût total du crédit, ce qui peut représenter des centaines voire des milliers d’euros supplémentaires, additionnés aux intérêts d’emprunt.
Des marges colossales en assurance de prêt conso
Le problème réside dans la couverture des sinistres. Pour rappel, l’assurance de prêt est censée se substituer à l’emprunteur si ce dernier est victime d’un accident de la vie qui l’empêcherait de s'acquitter de sa dette (décès, invalidité ou d’incapacité de travail).
Les 2,77 Md€ de primes sont répartis comme suit :
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40% pour la marge des assureurs
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40% pour les commissions versées aux établissements de crédit en tant qu’intermédiaires
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20% pour couvrir les sinistres.
Le taux de couverture des sinistres est bien plus bas que celui d’autres assurances :
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40% en assurance de prêt immobilier
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60% en assurance habitation
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80% en assurance auto.
L’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution aurait demandé aux assureurs de porter le ratio primes/sinistres à 30%.
Des assurés qui s’ignorent
Le produit est très juteux pour les assureurs, qui appartiennent très souvent au même groupe que les établissements de crédit qu’ils garantissent. Sur 100€ de primes, 80€ sont de la marge brute, les 20€ restants servent à indemniser les assurés. Selon le médiateur de l’assurance, ce faible ratio laisse à penser que les emprunteurs ne déclarent pas leurs sinistres, parce qu’ils ont oublié qu’ils étaient couverts, ou parce qu’ils n’ont pas conscience de l’être.
Le client emprunteur est captif, peut-être abusé par le prêteur qui lui met la pression pour souscrire cette protection qui peut, il est vrai, se justifier pour les montants élevés sur des durées longues (jusqu'à 7 ans), et si le profil de l’emprunteur présente des risques (maladie, profession, âge). Mais en cas de durée courte, le délai de carence, suivi par le délai de franchise qui retarde la prise en charge en cas de sinistre, disqualifient l’intérêt de payer pour cette assurance.
Est-il obligatoire d’assurer un prêt à la consommation ?
L’assurance emprunteur dans le cadre d’un crédit à la consommation est totalement facultative, contrairement au prêt immobilier dont l’octroi est très largement conditionné à la souscription à cette couverture, même s’il n’existe aucune obligation légale.
Lors de sa demande de financement, l’emprunteur reçoit une proposition d’assurance de la part de l’organisme prêteur. Il peut l’accepter ou la refuser, le défaut d’assurance ne remettant pas en cause l’octroi du crédit conso. Et comme pour une assurance de prêt immobilier, le contrat peut être choisi librement, c’est-à-dire que l’emprunteur peut décider, s’il souhaite être protégé en cas d’aléas de la vie, souscrire une assurance auprès d’un prestataire concurrent (loi Lagarde).
Sauf que la concurrence est quasi inexistante, contrairement à l’assurance de prêt immobilier où les alternatifs tiennent la dragée haute aux bancassureurs. Merci aux lois qui encadrent l’assurance de prêt immobilier dont la dernière en date, la loi Lemoine, qui permet à tout emprunteur de changer de contrat à tout moment en cours de prêt. Elles ont permis de libéraliser le marché au bénéfice des emprunteurs.
Compte tenu du caractère facultatif de l’assurance de prêt conso, les garanties relèvent elles aussi du bon vouloir de l’emprunteur, alors que dans le domaine du crédit immobilier, l’équivalence de garanties entre le contrat bancaire et l’offre externe conditionne l’acceptation de la banque.
*Source Moneyvox