Quand cela ne fonctionne pas, on essaie autre chose. Quatorze ans après son lancement, plusieurs retards à l'allumage et après deux ans de test, le Dossier Médical Partagé, un carnet de santé numérique censé partager plus facilement les données de santé des assurés avec les professionnels, est un échec. À compter de janvier 2022, les Français disposeront d'un nouvel outil numérique médical, Mon Espace Santé, créé en remplacement du DMP, mis à l’arrêt en juillet dernier.
Dossier Médical Partagé ou Dossier Mal Parti
Lancé en 2004, le Dossier Médical Partagé ou DMP n'a pas rencontré son public. À ce jour, à peine 10 millions de dossiers partagés ont été ouverts, contre les 40 millions escomptés d'ici 2022. Pourtant, l'idée était bonne : héberger toutes les données de santé sur des serveurs centralisés et sécurisés, afin de faciliter le suivi médical. Selon un expert des systèmes d'information collectifs en santé, "le DMP est un mauvais concept, porté par le mauvais acteur, au mauvais moment".
Le constat est sévère mais factuel. Le concept n'a pas évolué depuis la première version en 2007. Le DMP est en empilement de multiples documents auxquels il est difficile d'accéder. L'Assurance Maladie est juge et partie : en lui confiant la gestion des DMP, se pose à terme le problème du contrôle des données et des dépenses qui leur sont liées. Et au mauvais moment, car les médecins généralistes font de la résistance, ils n'ont pas le temps de rédiger les synthèses annuelles nécessaires pour rendre le DMP utilisable, le considérant comme une opération technocratique à laquelle ils n'ont pas été impliqués.
Fiasco pour le DMP et pourtant, en 2014, un sondage indiquait que 85% des Français y étaient favorables. Le DMP était la solution miracle qui aurait dû faire économiser 3,5 milliards d'euros à la Sécu, en évitant les actes redondants et en améliorant les prescriptions.
Purement facultatif alors qu'il était initialement obligatoire pour tout assuré, le DMP a été conçu pour accueillir différents types d'informations médicales :
- l'historique des remboursements de la Sécu,
- les antécédents médicaux,
- les résultats d'examens,
- les comptes rendus d'hospitalisation,
- les coordonnées des proches à contacter en cas d'urgence,
- les choix pour sa fin de vie,
- tout document que souhaite partager le patient.
Le DMP est complété du VSM (Volet de Synthèse Médical), censé être rempli par le médecin traitant et particulièrement utile pour les professionnels de santé qui ne connaissent pas le patient. Le VSM réunit les pathologies en cours, les antécédents du patient y compris allergies et intolérances médicamenteuses, les antécédents familiaux, les facteurs de risque liés au mode de vie et à la profession, les traitements au long cours et les points de vigilance. Non seulement l'incitation financière dans le cadre du forfait patientèle est peu lisible mais les logiciels des médecins ne permettent pas une rédaction automatique du VSM.
Voulu comme un outil de partage des informations médicales, le DMP a été vidé de sa substance en raison d'une protection des données personnelles tellement drastique que le dossier est inutilisable. Le patient choisit les données qu'il souhaite voir figurer dans son DMP, ainsi que les professionnels qui peuvent y avoir accès. En cas d'urgence, n'importe quel praticien peut avoir besoin de consulter le contenu du DMP, accessible grâce à l'accès "bris de glace"... si et seulement si l'assuré a activé cette possibilité au moment de la création de son dossier.
En juillet dernier, le gouvernement décide de mettre fin aux créations de DMP. Les anciens DMP ne sont pas supprimés, les patients et les médecins peuvent toujours les consulter via les canaux habituels, et même y ajouter des informations. Cet arrêt est nécessaire pour mettre en place "Mon Espace Santé", un “DMP Plus” qui sera accessible à compter de janvier 2022.
Mon Espace Santé : accélérer le numérique en santé
Le système de santé a besoin d'un outil pour améliorer la coordination des soins. Durant plusieurs mois, le ministère de la Santé a testé dans trois départements pilotes, la Haute-Garonne, la Loire-Atlantique et la Somme, un nouvel espace numérique, Mon Espace Santé. L'expérimentation s'avérant satisfaisante, cet outil sera déployé pour tous les Français le 1er janvier 2022.
Mon Espace Santé s'inscrit dans la stratégie du numérique en santé qui prévoit, entre autres, de développer les innovations numériques dans les hôpitaux et la filière imagerie médicale. À la différence du DMP où les données pouvaient être rentrées par les seuls professionnels de santé, ce nouvel espace médical pourra être alimenté par l'assuré et les praticiens. Les usagers pourront gérer eux-mêmes leurs données de santé.
Mon Espace Santé comprendra* :
- une version améliorée du DMP pour stocker et partager toutes les donnés de santé (ordonnances, traitements, résultats d'examens, imageries médicales, antécédents médicaux et allergies, comptes-rendus d'hospitalisation, vaccination) ;
- une messagerie sécurisée pour les échanges entre patients et professionnels de santé ;
- un agenda santé pour gérer les rendez-vous médicaux et recevoir des rappels pour les dates clés des examens de contrôle (bilans, mammographie, vaccination...) ;
- un catalogue de services numériques de santé référencés par l'État pour découvrir l'offre des services utiles en santé et gérer les accès à ses données de santé.
Les personnes qui disposent déjà d'un DMP retrouveront automatiquement leur dossier et leurs données de santé qui y sont stockées dès l'activation de Mon Espace Santé. De janvier à mars 2022, les assurés recevront un courrier ou un mail leur demandant d'activer Mon Espace Santé. Ils auront alors un mois pour s'opposer à sa création, faute de quoi, leur espace sera automatiquement créé.
En faisant évoluer le DMP, le gouvernement espère transformer l'échec en réussite pour améliorer le suivi des assurés.
*source : direction de l’information légale et administrative (Premier Ministre)