Entièrement opérationnelle depuis le 1er janvier 2021, la réforme 100% Santé permet à chaque assuré de s'équiper en optique, dentaire et audiologie sans avoir à débourser un centime. Le succès est au rendez-vous, surtout pour les aides auditives, nettement moins en optique où le dispositif convainc moyennement. Les organismes complémentaires craignent une bascule des contrats les plus protecteurs, donc les plus chers, vers les offres d'entrée de gamme, et ce n'est pas la mise en application de la résiliation infra-annuelle en décembre dernier qui peut les rassurer.
Une réforme bien comprise des Français
Déployée de manière progressive à partir de 2019, la réforme 100% Santé est totalement accessible depuis janvier 2021. Elle permet à toute personne couverte par un contrat complémentaire responsable de s'équiper sans reste à charge, après intervention de la Sécurité Sociale et de la mutuelle, en lunettes correctives, prothèses dentaires et aides auditives. Les assurés ont la possibilité d'opter pour des produits des paniers à tarifs modérés ou à tarifs libres, et sont remboursés du reste à charge par leur complémentaire à la hauteur des garanties souscrites.
Cette réforme est une grande avancée dans l'accès pour tous à des postes de soins habituellement peu ou pas pris en charge par l'Assurance Maladie. L'optique, le dentaire et l'audiologie sont générateurs des restes à charge les plus élevés pour les patients, ce qui favorise le renoncement à s'équiper pour raisons financières. Les premières retombées indiquent une forte adhésion des assurés, qui ont compris l'enjeu de cette réforme et le bénéfice qu'ils peuvent en tirer. Après une année 2020 marquée par la gestion de la crise sanitaire, les organismes complémentaires peuvent aujourd'hui davantage mesurer l'impact de ce dispositif qui suscite l'engouement des Français, tout en nuances.
Si l'audiologie et le dentaire remportent un vif succès, l'optique est à la traîne. Le comportement de consommation des assurés diffère selon le poste concerné, également selon la nature de du contrat complémentaire.
Franche adhésion pour la réforme en dentaire et audiologie
Le cabinet d'actuaires Galéa & Associés, spécialisé dans le conseil aux organismes d'assurance, dresse un premier bilan de la réforme 100% Santé. Les Français plébiscitent le dispositif sur le dentaire et les aides auditives.
Dans le domaine des prothèses dentaires, l'impact sur le renoncement aux soins est bien réel.
- Le panier 100% Santé, qui permet de s'équiper sans reste à charge, représente 57% des actes, contre 10,5% pour le panier à tarifs modérés et 32,5% pour celui à tarifs libres. L'objectif du panier 100% était fixé à 40%.
- Entre 2019 et 2021, le reste à charge en dentaire est tombé de 22% à 19% pour les prothèses dentaires, et pour l'inlay/onlay core (faux moignon prothétique qui remplace les anciens plombages), le reste à charge passe de 35% à 25% sur la même période.
En audiologie, on peut littéralement parler de boom de la réforme. Le nombre de prises en charge par le réseau Santéclair (premier réseau de soins français) a très nettement augmenté entre 2019 et 2021 pour les équipements de classe 1, dont le niveau de remboursement s'est amélioré dans l'intervalle.
- En 2019, 900 appareillages de classe 1 étaient remboursés, avec un reste à charge moyen de 140€. Entre janvier et septembre 2021, leur nombre grimpe à 7 400, le reste à charge étant entre-temps réduit à néant.
- Le réseau a remboursé partiellement 13 400 appareillages de classe 2 (reste à charge moyen de 486€) en 2019, et 20 000 en 2021 (reste à charge moyen de 267€). Le reste charge moyen est tombé de 27% à 21% entre 2019 et 2021. Comme en dentaire, l'objectif est dépassé, puisque le panier 100% représente 27% des actes en 2021 au lieu de 20%.
Le succès de la réforme en dentaire s'explique aussi par l'urgence dans ce domaine. Si les prothèses ont représenté trois quarts des prestations en dentaire, c'est parce que l'état de santé bucco-dentaire des Français est catastrophique. Il manquerait trois dents à chaque Français de 35 à 45 ans, et 16 dents à ceux de la tranche d'âge 65-74 ans ! Petit tacle des dentistes : il aurait mieux valu revaloriser les tarifs des soins conservateurs. Les Français ont négligé les soins dentaires courants (-8%) au profit des actes prothétiques. Et quand on ne prend pas soin de ses dents régulièrement (prévention, plombage, détartrage), on a davantage besoin de couronnes ou de bridges.
La réforme séduit moins en optique
Les chiffres sont beaucoup moins flatteurs pour la réforme sur le volet optique. À l'inverse du dentaire et de l'audiologie où le reste à charge moyen a diminué, il a grimpé de 19% à 26% entre 2019 et 2021 pour un équipement d'optique (verres + monture). La réforme aurait été mal calibrée, puisque les offres d'entrée de gamme sans reste à charge en optique existaient déjà, mais sans grand succès.
Les assurés optent plus volontiers pour le panachage des paniers : des verres remboursés intégralement et des montures avec reste à charge modéré. Les Français soignent leur look ! En optique, le problème d'accès aux soins est inexistant, ce qui explique le faible taux de recours à la réforme 100% Santé.
Le dispositif est opposable à tous les contrats de complémentaire santé dits responsables, quel que soit le niveau de couverture. Le risque à terme est de voir un transfert des contrats haut de gamme vers les offres moins chères. Le spectre d'une volatilité des contrats jette d'autant plus son ombre sur les organismes complémentaires que les assurés peuvent désormais changer de formule à tout moment dès qu'est révolue une année de souscription.
infographie Galéa & Associés / source L’Argus de l’Assurance